vendredi 19 décembre 2014

Bonnes Fêtes

Un passage rapide dans l'éditeur de Blogger pour un "Copier-Coller" de mon animation en Flash de décembre de l'année dernière. Quelques textes en "stand-by" dans mes archives Word seront probablement publiés au début de celle à venir. J'anticipe les bonnes résolutions classiques des premiers jours de janvier, qui, la plupart du temps, ne font pas long feu, ou font long feu, ce qui amène grossièrement au même résultat ! 

Bonnes fêtes aux visiteurs



Vue par la porte de l'igloo de la Mansarde - 27 décembre au matin - Portières des guimbardes bloquées par le gel

dimanche 30 novembre 2014

Dyschromatopsies - La balance des couleurs des cônes…



Préambule :

La vulgarisation d’un sujet scientifique est un exercice qui louvoie entre deux écueils : la simplification exagérée du sujet qui laisse sur sa faim un connaisseur; l’exposé qui se voudrait exhaustif mais qui noie dans les détails pointus un lecteur qui recherche des informations de base.

J’ai choisi de diviser ce billet en deux parties. Une première, synthétique, proposant ce qui me paraît l’essentiel. Une seconde, plus spécialisée, mais qui n’aborde en détail que l’étape cellulaire du cône dans le transfert du signal optique vers les aires corticales.

Les liens de fin de billet permettent au lecteur curieux de s’aventurer plus loin.

Remarque initiale :

Le Daltonisme n’est qu’un type de trouble de la vision des couleurs. Les autres formes de déficience ne sont des daltonismes que par abus de langage. D'un point de vue stricto sensu c'est la forme la plus fréquente de ces anomalies. Cette déficience de la vision se caractérise par une incapacité à différencier certaines teintes ou couleurs.

La fréquence des troubles de la vision des couleurs est évaluée à 8% dans la population masculine et 0,5% dans la population féminine. Le Daltonisme n’en représente donc qu’une partie. Selon les populations intéressées les chiffres varient et sont les plus faibles chez les Indiens d’Amérique et les peuples de l’Océanie.

Deux liens concernant le Daltonisme. Le second montre la génétique de transmission de cette pathologie impliquant le chromosome sexuel X


VISION DES COULEURS NORMALE ET PATHOLOGIQUE


Introduction et définitions :

- La chromatopsie désigne en biologie la vision des couleurs mais également les troubles acquis de la vision des couleurs en médecine.

- La dyschromatopsie est un terme générique désignant tous les troubles innés ou acquis de la vision des couleurs et la difficulté à différencier les nuances.

La vision des couleurs chez l'homme est trichromatique. Elle fait intervenir un système récepteur (les cônes, sensibles respectivement aux courtes, moyennes et grandes longueurs d'onde, soit schématiquement au bleu, vert et rouge), un système de transmission et un système d'intégration corticale. Les trois couleurs de base se combinent et se modulent pour proposer en bout de chaîne une grande variété de couleurs aux aires d’intégration corticale. Le trichromatisme n’est pas de mise dans tout le règne animal, comme l’indique le tableau ci-dessous.



Cette perception peut être altérée par un dysfonctionnement dont l'origine est soit génétique, les dyschromatopsies héréditaires (DH), soit liée à une maladie acquise de l'œil ou des voies optiques, créant une dyschromatopsie acquise (DA).

Les différents types de dyschromatopsie :

Achromatopsie : absence totale de vision des couleurs, associée dans sa forme congénitale à une forte photophobie, une acuité visuelle réduite (<2/10), et un nystagmus. Les cônes ne fonctionnent pas, et la vision provient essentiellement des bâtonnets. Il est estimé que la fréquence de l'achromatopsie en occident est de 1/33000. Noter qu'il existe aussi une forme cérébrale, due à une perte de vision des couleurs consécutive à une lésion cérébrale. C’est une anomalie rare associant un défaut de la vision des couleurs, héréditaire ou secondaire. C'est l'incapacité totale de distinguer les couleurs. Cette anomalie fait que l'on ne perçoit une couleur que par l'impression de clair ou de foncé et que l'on ne voit que des tons de gris.

Deutéranopie : absence dans la rétine des cônes de réception au vert ; les personnes affectées sont incapables de différencier le rouge du vert. C'est la forme dont était atteint John Dalton (le diagnostic de deutéranopie chez celui-ci fut confirmé en 1995, plus de 150 ans après sa mort, par analyse de l'ADN prélevé sur un de ses globes oculaires préservé jusqu'à nous).

Deutéranomalie : présence d'une mutation du pigment de la perception du vert; la sensibilité à cette couleur est diminuée. Constitue la majorité (environ la moitié) des anomalies congénitales de la vision des couleurs.

Protanopie : absence des récepteurs rétiniens au rouge ; cette couleur est indétectable par le sujet.

Protanomalie : présence d'une mutation du pigment de la vision du rouge ; la sensibilité à cette couleur est diminuée.

Tritanopie : absence des récepteurs rétiniens au bleu ; cette couleur est indétectable par le sujet.

Tritanomalie : présence d'une mutation du pigment de la vision du bleu ; la sensibilité à cette couleur est diminuée.



L'EXAMEN DE LA VISION DES COULEURS

Il a pour objectif de qualifier et de quantifier d’éventuelles dyschromatopsies. Pour cela il convient dans un premier temps d'effectuer un examen ophtalmologique complet afin d'orienter ses recherches et de mettre en œuvre une stratégie raisonnée d'investigation qui doit s'appuyer sur une bonne connaissance du principe des tests à utiliser. On prendra ensuite un soin particulier à réaliser l'examen dans des conditions optimales et standardisées. Notamment en ce qui concerne l'éclairage des tests (tubes fluorescents de 300 à 600 lux), l'environnement (table de couleur neutre, sans reflet, espace calme, tests en bon état de conservation), le sujet (meilleure correction optique non teintée, examen en vision monoculaire), la présentation des tests (temps et ordre de présentation, questions simples).

On remettra enfin un compte-rendu détaillé et argumenté indiquant la nature de la dyschromatopsie, son intensité et son diagnostic étiologique probable.

LES TESTS

Les planches pseudo-isochromatiques (PIC)

Elles servent essentiellement au diagnostic des DH. En effet, leur principe est basé sur la mise en évidence des confusions colorées caractéristiques de ces dyschromatopsies. Ces albums sont d'usage pratique et rapide. Ils constituent de bons tests de dépistage des DH, en particulier le test d'Ishihara, le plus connu et probablement le plus performant. LE TEST D'ISHIARA




Les tests de classement

Ces tests pigmentaires constitués de plumiers contenant des pions colorés à classer sont utilisables aussi bien pour les DH que pour les DA car leur principe est de déterminer les axes de confusion colorée. Contrairement aux PIC, ce sont des tests ouverts qui ne préjugent pas de ce que l'on recherche. C'est un grand avantage, sachant que les axes de confusion des DA sont variables dans leur position et leur importance, contrairement à ceux des DH qui sont fixes.

Les tests pourvus de couleurs saturées (D15 standard, 28 hue) conviennent pour l'évaluation des DH, alors que les tests désaturés (D15 désaturé, 28 hue désaturé, New Color Test) sont très utiles pour diagnostiquer les DA.

Les anomaloscopes

Ces instruments utilisent des équations colorées mettant en jeu des couleurs spectrales. L'usage de deux équations colorées permet d'évaluer l'ensemble du spectre. L'équation de Rayleigh est souveraine pour le diagnostic des DH. Elle seule permet d'affirmer l'existence d'un trichromatisme anormal et de le quantifier. L'équation de Moreland est très utile pour l'évaluation des DA, dans lesquelles l'atteinte du bleu est d'une très grande fréquence.

- Les dyschromatopsies héréditaires
Ce sont essentiellement les daltonismes qui recoupent les dichromatismes (protanopie et deutéranopie : absence de fonctionnement respectivement du canal rouge ou du canal vert), les monochromatismes à cônes S (absence de fonctionnement des canaux rouge et vert), les trichromatismes anormaux (protanomalie et deutéranomalie : fonctionnement partiel des canaux respectivement rouge ou vert). Ces daltonismes sont liés à une anomalie génétique portant sur le chromosome X ce qui explique leur plus grande fréquence chez l'homme que chez la femme et leur mode de transmission.
Beaucoup plus rares sont les achromatopsies congénitales et les tritanopies dont les mécanismes génétiques diffèrent de ceux du daltonisme.

- Les dyschromatopsies acquises
Elles sont liées à une altération fonctionnelle des cônes, des voies optiques ou du cortex visuel en relation avec une maladie acquise. Leurs caractères colorimétriques diffèrent fondamentalement de ceux des DH. Elles sont évolutives et ne sont pas symétriques.

On distingue les DA d'axe rouge-vert de type I, liées le plus souvent à une atteinte des cônes centraux, les DA d'axe rouge-vert de type II, accompagnant souvent une maladie du nerf optique, les DA d'axe bleu-jaune de type III, de loin les plus fréquentes, retrouvées dans les maladies rétiniennes, les DA sans axe ou d'axe scotopique, dues en fait à une altération de tous les mécanismes colorés.

LES STRATÉGIES D'EXAMEN ET LES CHAMPS D'APPLICATION

- Pour les dyschromatopsies héréditaires :
On recherchera essentiellement les daltonismes. Pour cela il faut utiliser d'abord les PIC pourvues de planches rouge-vert, en particulier le test d'Ishihara, très performant ; ensuite des tests saturés simples tels que le D15 standard ou le 28 hue; éventuellement en cas de doute un test désaturé mais surtout l'anomaloscope (équation de Rayleigh) qui est le seul à pouvoir différencier avec certitude un dichromatisme d'un trichromatisme anormal, et de pouvoir quantifier ce dernier.

L'intérêt du diagnostic précoce des DH est évident pour les aptitudes et l'ergonomie.

- Pour les dyschromatopsies acquises :
On évitera d'utiliser les PIC ; les planches rouge-vert sont inutiles, car l'atteinte du bleu est prépondérante dans les DA et les planches bleu-jaune sont imprécises en raison de leur caractère figé, incompatible avec la variabilité des axes dans les DA.

On utilisera en priorité des tests de classement désaturés pour rechercher de fines dyschromatopsies, en particulier le D15 désaturé mais aussi le New Color Test, le 28 hue désaturé. Le 100 hue, trop long et trompeur dans son interprétation pseudo-quantifiée, ne doit plus avoir qu'une place exceptionnelle.
Avec l'anomaloscope on utilisera la méthode des deux équations colorées qui permet de couvrir la totalité du spectre (partie chaude — mécanismes rouges et verts — avec l'équation de Rayleigh, partie froide — mécanismes bleus- avec l'équation de Moreland). Cette méthode permet une bonne quantification de la dyschromatopsie et d'en assurer le suivi.

La précocité des DA permet de dépister des atteintes oculaires infracliniques (diabète, toxique, SEP, atteintes médicamenteuses — APS, antituberculeux —). Leur analyse est aussi une aide précieuse au diagnostic (neurologie — neuropathie optique, atteinte centrale —, hérédodégénérescences rétiniennes, maladies acquises de la rétine).


REMARQUES UTILES :

Dans les faits, la vision des couleurs et leur distinction varient d’un individu à l'autre, car, même pour les personnes ayant une perception des couleurs dite normale, il existe un mélange de différents types d'anomalie, par la présence fréquente à la fois des pigments normaux et de pigments dotés de mutation, et une variabilité de la quantité relative de cônes porteurs de chacun de ces pigments. D’autre part, les taux relatifs de cônes porteurs de chaque pigment peuvent varier au cours de la vie de l’individu, notamment durant l’enfance lorsque la rétine se développe en taille. La proportion relative de certains types de cône peut augmenter au détriment des autres. Ces proportions peuvent aussi être affectées par certaines maladies ou infections car l’œil est fortement irrigué.

Enfin, chaque œil dispose de sa propre capacité de discernement avec une vision légèrement différente, et de même, certaines zones de la rétine n’ont pas une distribution uniforme des différents pigments; toutefois, dans ce cas, le cerveau, qui commande aussi les mouvements de l’œil, donne une interprétation commune et gomme ces différences locales, la sensibilité aux différences de couleurs augmentant alors avec la durée d'exposition.

Il est question d'anomalie seulement lorsque certains seuils minimums ne sont pas atteints pour les cônes porteurs des pigments normaux.

Ainsi, il existe pratiquement toujours entre deux personnes des paires de couleurs que l'une distingue et l'autre pas. Ceci explique que les cas de deutéranomalie soient, de loin, les plus fréquents (et sans doute même, plus fréquents que ce qu’ont pu mesurer les tests usuels basés sur un jeu limité de planches normalisées). En revanche, les cas d'anopie réelle sont extrêmement rares, et sont même aujourd’hui contestés : les sujets ne sont que rarement dénués de la vision de certaines couleurs, et parfois même, savent en disposer certaines dans un espace tridimensionnel. Ceci est dû au fait qu’ils sont quand même porteurs de plusieurs types de cônes dotés de pigments différents, même si l'un d’eux est trop prédominant sur tous les autres. Cela rend cette distinction plus difficile, et l’apprentissage par des méthodes comparatives (ou une modification de l’ambiance lumineuse) permet d’augmenter leur sensibilité.

Des recherches sont menées pour créer des tests encore plus fiables et plus précis, capables de mesurer les anomalies directement par inspection du fond de la rétine par exposition à des impulsions lasers colorées de très faible puissance et la mesure de la sensibilité des différentes zones rétiniennes par détection de l’effet de fluorescence produit sur leurs pigments. D'autres méthodes utilisent des séquences d'images ajustables par le spectateur pour déterminer les seuils à partir desquels ils ne ressentent plus certaines différences, mais ces tests dynamiques se heurtent à la rémanence rétinienne qui fausse certains résultats. Mais elles améliorent nettement la précision des anomalies et permettent aussi de donner un profil plus complet de la sensibilité rétinienne aux couleurs. Certains de ces tests ont été faits pour établir des modèles colorimétriques calibrés utilisés dans l’industrie (par exemple, en photographie, télévision et systèmes d’impression) pour offrir à la population une palette plus riche de couleurs.

Une étude récente semble montrer qu'une variante surprenante du daltonisme pouvait se produire chez certaines femmes daltoniennes. Il existe en effet un gène mutant qui au lieu de produire des cônes sensibles au vert, et d'autres sensibles au rouge, produirait un cône mutant sensible à une couleur située entre le vert et le rouge. Si une femme possède ce gène (placé sur le chromosome X) et une version normale du gène, elle pourrait posséder quatre types de cônes et être sensible à quatre couleurs au lieu de trois. Les personnes atteintes par cette mutation seraient sensibles à 100 fois plus de couleurs qu'une personne "normale".

Finalement, ce que nous définissons comme "voir" est en fait une construction du cerveau: la mémoire et "l'apprentissage" jouent un rôle majeur dans la vision. 

Ceci suscite alors une question d'ordre philosophique: « Qu'est-ce vraiment que la couleur? »
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**       PREMIÈRE ETAPE DANS LA CHAÎNE DE TRANSMISSION DU SIGNAL **           

LES CÔNES


Les cônes sont des photorécepteurs situés à l’intérieur de la rétine optique. Ils sont dédiés à la perception des détails et des couleurs. Ils transforment le signal électromagnétique de la lumière en signal nerveux et permettent la vision diurne. La vision nocturne est assurée par les bâtonnets.

STRUCTURE D’UN CÔNE



EMBRYOLOGIE DE LA RÉTINE ET SES CÔNES

La rétine, élément essentiel du futur globe oculaire, se met en place très tôt au cours de la vie embryonnaire. Elle se forme à partir du tube neural et montre ainsi sa proximité de différentiation avec le système nerveux central qui a la même origine embryologique.

Le tube neural, canal embryonnaire formé par la fermeture de la gouttière neurale creusée dans l'un des feuillets primitifs, l'ectoblaste, se forme chez l'embryon à la quatrième semaine de la gestation. Il s'étend du sommet de la tête à la base du rachis et sa partie médiane se ferme avant ses extrémités. Il est à l'origine du système nerveux central (cerveau et moelle épinière), du système nerveux périphérique (nerfs), de la rétine, de la partie postérieure de l'hypophyse (petite glande endocrine située à la base du cerveau) et de l'épiphyse (autre glande endocrine cérébrale). Il donne aussi naissance à deux longs cordons cellulaires, appelés crêtes neurales, à partir desquels se forment les ganglions rachidiens, une partie des méninges, les gaines de certains nerfs et les cellules de la peau. Une absence de fermeture du tube neural pendant l'embryogenèse est responsable d'une malformation, le spina-bifida.

HISTOLOGIE DE LA RÉTINE


La rétine optique contient 3 couches, comme un neuro-épithélium :

1) couche épendymaire au contact de l'épithélium pigmenté  --> cônes et bâtonnets.
2) manteau formé de 2 couches:
- couche externe de cellules bipolaires.
- couche interne ou couche optique avec ses cellules ganglionnaires émettant des axones dans la couche marginale --> pédicule optique --> nerf optique
3) couche marginale contenant essentiellement les axones des cellules ganglionnaires.

DISTRIBUTION ANATOMIQUE DES CÔNES SUR LA RÉTINE HUMAINE

Les cônes sont entre 5 et 7 millions par œil chez l'homme. Ils ne représentent que 5 % du total des photorécepteurs et sont principalement concentrés sur la fovéa, au centre de la rétine, dans le prolongement de l'axe optique. La partie centrale de la fovéa (ou fovéola), sur un rayon de 0,3 mm, ne contient que des cônes.

Cette région centrale est dotée d'une grande acuité visuelle. Chaque cône n'y est connecté qu'à une cellule bipolaire, elle-même liée à une seule cellule ganglionnaire. Cette région, toute petite, se projette ensuite dans le cortex sur une aire mille fois plus grande. Dès qu'on s'éloigne du centre, la densité des cônes diminue très rapidement, le degré de convergence avec les cellules ganglionnaires augmente et l'acuité s'en trouve corrélativement fortement réduite.

Cette propriété de restriction de l'acuité à une petite région rétinienne oblige à bouger des yeux sans arrêt pour percevoir clairement les objets intéressants.

Les trois types d’opsines contenus par les cônes et leur sensibilité différente au rayonnement lumineux :

Les opsines sont une famille de protéines capables de réagir à l'énergie lumineuse grâce à une liaison avec un chromophore particulier (le rétinal ou un de ses dérivés) formant ainsi une molécule mixte.

L'opsine modifie la longueur d'onde d'absorption du chromophore auquel elle est associée. De plus, une fois que l'opsine est activée par l'absorption d'un photon par le chromophore, elle est capable d'activer un second messager (souvent une protéine G) et déclencher une réponse cellulaire. L'opsine confère à la cellule une sensibilité à la lumière.

l'opsine S (S pour "short" en anglais) ou Bleue : maximum d'absorption à 420 nm,
l'opsine M (M pour "middle en anglais) ou Verte : maximum d'absorption à 530 nm,
l'opsine L (L pour "long" en anglais) ou Rouge : maximum d'absorption à 560 nm.


Les trois types de cônes S, M et L tapissant la rétine sont sensibles à trois gammes de longueurs d’onde. Les couleurs sur l’axe des abscisses montrent la correspondance entre longueur d’onde et couleur perçue lorsqu’une bande étroite de longueur d’onde est sélectionnée (à l’aide d’un filtre, par exemple).

Les trois types de cônes rétiniens en rapport :

L'homme perçoit une immense variété de couleurs différentes pourtant il ne possède que trois types de cônes ayant une sensibilité plus grande à certaines radiations de longueurs d'onde comprises entre 400 et 700 nm: les cônes (B) sensibles aux radiations de basses longueurs d'ondes ou cônes cyanolabes (437 nm), les cônes (V) sensibles aux radiations de moyennes longueurs d'ondes ou cônes chlorolabes (533 nm), et les cônes (R) sensibles aux radiations de grandes longueurs d'ondes ou cônes érytholabes (564 nm) (ces derniers réagissant d'ailleurs principalement aux radiations provoquant la sensation jaune).

Ces maximums de sensibilité sont par ailleurs différents de plusieurs nanomètres d'un individu à l'autre.

Chaque type de cônes est sensible à des radiations appartenant à un domaine étendu de longueur d'onde, dans la mesure où sa réponse ne fait que refléter le nombre de photons qu'il capte, indépendamment de leur longueur d'onde (le cône rouge capte aussi bien des photons verts de 500 nm, jaunes de 560 nm ou rouges de 650 nm). Un photorécepteur n'est qu'un « compteur de photons », suivant la formule de Michel Imbert, chaque photon absorbé par le pigment produit le même effet. La longueur d'onde n'intervient qu'au niveau de la probabilité d'absorption suivant la sensibilité spectrale du pigment N 1. La perception des couleurs n'est possible qu'au niveau du système nerveux central par comparaison des signaux issus de deux classes de cônes.

De plus la sensibilité spectrale, très proche, des cônes V et R fait qu'ils servent principalement à détecter la structure spatiale des images.

Chez l'Homme, les cônes B sont les moins nombreux (4 % – 5 %) puis viennent les cônes V et les cônes RN 2, avec des variations interindividuelles importantes. Les cônes forment une mosaïque avec chaque type disposé de manière aléatoire.

LA FONCTION DES CÔNES



La fonction des cônes est de convertir l'énergie lumineuse en variation du potentiel électrique de membrane. Cette transduction du signal se fait dans les disques du segment externe grâce à un pigment nommé iodopsine, une molécule composée d'une protéine de la classe des opsines et de rétinène (ou rétinal), un dérivé de vitamine A. Un photon en tombant sur une molécule de rétinène change sa conformation, en la faisant passer de l'état 11-cis en l'état tout-trans. Il s'ensuit une cascade de réactions qui par l'intermédiaire de la stimulation d'une protéine G, aboutit à la fermeture des canaux sodiques et à l'hyperpolarisation de la membrane.

Ainsi bizarrement, la lumière qui éclaire un cône ne produit pas sa dépolarisation mais son hyperpolarisation. À l'obscurité, le cône est dépolarisé, avec un potentiel de membrane d'environ -40 mV. Lorsque l'intensité lumineuse augmente, le potentiel de membrane est de plus en plus négatif, jusqu'à atteindre la saturation à -65 mV.

A l'obscurité, les photorécepteurs sont dépolarisés, un grand nombre de canaux calciques de la terminaison synaptique sont ouverts, entrainant une libération importante d'un neurotransmetteur, le glutamate, par la terminaison synaptique. Et lorsqu'on éclaire l'inverse se produit : la lumière produit une diminution de la vitesse de libération des transmetteurs. Lorsque l'intensité du stimulus lumineux augmente graduellement le taux de libération de glutamate diminue corrélativement.

Transfert du signal via un neurotransmetteur synaptique, le glutamate:

C’est l’énergie lumineuse absorbée par les photorécepteurs des cônes qui va permettre la création et la modulation de l’influx nerveux parcourant les neurones de la chaîne optique.

La synapse désigne une zone de contact fonctionnelle qui s'établit entre deux neurones, ou entre un neurone et une autre cellule (cellules musculaires, récepteurs sensoriels…). Elle assure la conversion d'un potentiel d'action déclenché dans le neurone présynaptique en un signal dans la cellule postsynaptique. On estime, pour certains types cellulaires (par exemple cellule pyramidale, cellule de Purkinje…), qu'environ 40 % de la surface membranaire est couverte de synapses.

L'acide glutamique n'est pas seulement l'une des briques élémentaires utilisées pour la synthèse des protéines, c'est aussi le neurotransmetteur excitateur le plus répandu dans le système nerveux central (encéphale + moelle épinière) et un précurseur du GABA dans les neurones GABAergiques. Il serait le médiateur de près de 50 % des neurones centraux. C'est le neurotransmetteur excitateur principal des neurones pyramidaux. Ce sont des neurones de projection trouvés dans les connexions corticostriatales et corticothalamiques.




Légende.
1. Stockage du glutamate dans une vésicule synaptique;
2. L'arrivée du potentiel de récepteur dans la terminaison présynaptique;
3. Fusion des vésicules avec la membrane pré-synaptique;
4. Libération du glutamate dans la fente synaptique;
5. Fixation du glutamate sur les récepteurs de la membrane postsynaptique;
6. Nouveau potentiel de récepteur;
7. Inactivation du glutamate par des enzymes;
8. Recapture du glutamate.

Ainsi, le potentiel de récepteur, contenant les informations sensorielles nées lors de la transduction, contrôle le flux du neurotransmetteur libéré qui se chargera d'induire les informations sensorielles dans les cellules bipolaires et horizontales de la rétine (voir illustration du haut de billet).

POUR ALLER PLUS LOIN DANS LE TRANSFERT DU SIGNAL

SOURCES


vendredi 14 novembre 2014

PHILAE n'est pas plan sur la comète


Pierre de Rosette et obélisque de Philae pour déchiffrer les hiéroglyphes. Sonde Rosetta et atterrisseur Philae pour déchiffrer ce qu'était la matière à l'origine de la formation de notre Système solaire. 

La Terre est née de l'agglomération d'une matière proche, a priori, de celle de « Tchouri ». L'eau de nos océans provient probablement des comètes. Les molécules complexes à base de carbone qui sont nécessaires à l'émergence de la vie terrestre recouvrent sans doute la surface de ce glaçon de quelques kilomètres de large seulement.

Avec une patte en l'air, Philae pourra-t-il confirmer toutes ces hypothèses?

Les mois à venir, quoi qu'il en soit, nous en apprendrons un peu plus. Un peu plus encore, si les panneaux solaires du robot ont la capacité de capter suffisamment de photons pour recharger correctement ses batteries solaires. Cette source d'énergie est nécessaire pour continuer à alimenter les appareils d'explorations scientifiques embarqués qui ont déjà commencé à travailler. Philae fonctionne avec une pile d’une durée de vie de 60 heures. Ses batteries solaires, qui devaient prendre le relais, ne fonctionnent qu’à capacité très réduite car le robot s’est posé à l’ombre, entre des rochers. Le recueil complet de toutes les données que s'était impartie la mission devient douteux. Il faudra sans doute hiérarchiser la séquence des opérations à privilégier.


Quoi qu'il en soit, un objet humain sophistiqué s'est posé à plus de 500 millions de kilomètres de la Terre sur un corps céleste vieux de 4,6 milliards d'années qui volait à 65000 km/h. Il a mis plus de 10 ans pour l'atteindre, mais l'Univers a aujourd'hui plus de 13,8 milliards d'années...



***
Le 12/11/2014 à 16 h 34 m 54 s (heure française) : Philae, l’atterrisseur de la mission Rosetta, s’est posé à la surface du noyau de la comète 67P sur le site Algika mais a rebondi pour se stabiliser à plus d'un kilomètre. La localisation précise de sa position va demander des recherches.


Le 14/11/2014 à 23h 30 : le robot Philae est toujours vivant. Il transmet encore des données et a accompli avec succès un forage. Une rotation des panneaux solaires visant à trouver la meilleure incidence possible est en préparation pour compenser l'inclinaison de l'appareil qui handicape la recharge des batteries. De plus, le robot a rebondi deux fois lors de son atterrissage pour se retrouver dans un secteur trop peu ensoleillé en durée : seulement 1,5 h sur les 6 h souhaitées par période de 12,4 h.



Philae Lander : So much hard work.. getting tired... my battery voltage is approaching the limit soon now...
Beaucoup de boulot difficile... je commence à fatiguer... le voltage de ma batterie dégringole en direction du zéro.

Perte du contact à 01h 36 (heure française) et mise en hibernation après envoi des données du forage. Bon boulot, en espérant une recharge possible des batteries solaires par la suite. Cette attente pourrait durer longtemps, celui d'un rapprochement significatif avec le Soleil, estiment les ingénieurs car avant de charger la batterie, il faut déjà la réchauffer à 0°C, ce qui requiert une importante quantité d'énergie, supérieure à ce qui est reçu actuellement. Il faut aussi que l'électronique survive jusque-là.



Le 18/11/2014 : le chromatographe Cosac "a pu renifler l'atmosphère et détecter les premières molécules organiques après l'atterrissage", a indiqué le DLR. L'analyse est en cours et indique déjà la présence de molécules complexes possédant au moins 3 atomes de carbone. Il peut s'agir de Propane et rien ne prouve encore qu'on soit en présence d'acides aminés. La surface sur laquelle l'atterrisseur a rebondi était dure comme de la glace.

Les instruments de Philae

Le blog de Rosetta sur le site du CNES

*Son du premier contact de Philae avec la comète




* Absence d'atmosphère, pas de propagation du son dans l'Espace. Mais, enregistrement in situ possible des vibrations à l'intérieur d'un instrument adapté (ici CASSE = Comet Acoustic Surface Sounding Experiment, un des 3 instruments de l'expérience SESAME )

Note : Rosetta est une mission de l’ESA avec des contributions de ses États membres et de la NASA. Philae, l’atterrisseur de Rosetta, est fourni par un consortium dirigé par le DLR, le MPS, le CNES et l'ASI. Rosetta est la 1ère mission dans l'histoire à se mettre en orbite autour d’une comète, à l’escorter autour du Soleil, et à déployer un atterrisseur à sa surface. L’Agence spatiale européenne (ASE), également désignée sous son acronyme anglais ESA (European Space Agency), est une agence spatiale intergouvernementale coordonnant les projets spatiaux menés en commun par une vingtaine de pays européens.

jeudi 16 octobre 2014

IRB BARCELONA



Les scientifiques de l’Institut de Recherche en Biomédecine de Barcelone (IRB) ont travaillé sérieusement leur chorégraphie pour cette vidéo visant à lever des fonds de support pour la recherche sur les maladies telles que les cancers et leurs métastases, la maladie d’Alzheimer et les diabètes. Un don ira à l’IRB Barcelona pour chaque visualisation de ce "Lip Dub". N'hésitez pas à cliquer !

De S. à P. et etc. :
Bonjour famille!
Admettez que je ne suis pas du style à saturer vos boîtes avec des vidéos, ou avec quoi que ce soit du reste... alors, juste une petite entorse! Une belle initiative pour gonfler les caisses de l'IRB et vider celles de nos sponsors qui se sont engagés à nous verser quelques centimes par clic.
Bises à tous, que la joie demeure, et que Zorba continue à danser chez vous, ici l'été est de retour!

De P. à S. :
Hola fill !
Alexis Zorba le Grec, célèbre résident crétois de fiction, nous gratifie en Lorraine depuis quelques semaines de tonifiants pas de Sirtaki automnaux. Les Celsius affichent étonnement la vingtaine. Le blog-notes de la Mansarde apportera quelques clics à cette heureuse initiative.
" Les visages changent, s'effritent, retournent à la terre; mais d'autres en sortent qui les remplacent. Il n'y a qu'un seul danseur aux masques innombrables, immortel et qui a toujours vingt ans. "
- Nikos Kazantzakis - Alexis Zorba -
Congrès de la REMOA (Red Española de Microscopía Óptica Avanzada) à Madrid avec des participants de l'ADM (Advanced Digital Microscopy Core Facility), laboratoire adjoint à l'IRB Barcelona - 13 au 15 octobre 2014 -


Lien connexe du blog sur l'IRB : partir vers le lien en question

mardi 14 octobre 2014

SUPERTRAMP

L’histoire des grands groupes de musique Rock des 70' est émaillée de fâcheries, dissolutions et recompositions partielles. Supertramp n’échappe pas à la règle. Une période phare indéniable couronne souvent leurs biographies. Celles-ci sont faites de courtes résurgences créatives, de creux de vague, de retours en grâce publics d’origines variées. Remettre du beurre dans les épinards quand les comptes personnels s’assèchent après des années cigales n’est pas un moteur à négliger. Supertramp n’échappe pas aux séquences évoquées. La presse claironne régulièrement une recomposition des groupes initiaux (quand il n'y a pas eu de morts...), histoire de faire frétiller d’impatience les fans nostalgiques et avides de retours aux sources rédempteurs. Les vendettas, les disputes de cour d’école tenaces ("Y m'a piqué mon LSD dans mon cartable."), les rancœurs gluantes ("Tu m'avais promis de ne jamais interpréter cette chanson sans moi."), font la plupart du temps échouer ces projets parfois montés de toutes pièces par les journalistes. Le groupe "Superclochard" n’a pas fait l'économie des scènes de ménage et chicaneries du genre. La composition initiale ne s’est plus reformée jusqu’ici, laissant sur leurs bancs des membres de départ avec une bouteille de jaja.

Après tout, il y a de quoi s’en tamponner royalement le coquillard. Les dix années fastes allant de 1969 à 1979 suffisent à la mythologie du groupe et à graver sans peine une "compilation best of" de deux CD dans laquelle il n’y a rien à jeter. Originalité musicale, variété des thèmes et des ambiances des morceaux, créativité au pouvoir approchant parfois celle des quatre garçons dans le vent de Liverpool, font passer deux heures agréables à l’auditeur. Si celui-ci est un vieux con nostalgique, il affirmera que cette glorieuse décennie n’a pas été déboulonnée par les suivantes. Les groupes futurs des principaux courants Rock s’alimenteront sans fin au gisement de ces années là. "C´était hier, mais aujourd’hui rien n´a changé...", ainsi parlait Zarathoustra... ou Cloclo.




mercredi 24 septembre 2014

AUTOMNE


Note : les WHO fêtent leurs 50 ans de scène. A ce propos, on peut lire ce billet anecdote du blog concernant deux spectacles du groupe en février 1974 et en juillet 2006. Mise à jour récente: WHO'S LAST


De G à D: THE WHO en 1964, et le 3 décembre 1965 dans l'émission britannique "Ready Steady Go !" (A vos marques, prêt, partez!). Les années suivantes, les tenues allaient un peu se relâcher...


Le tout nouveau morceau des Who avec leurs musiciens live Pino Palladino (Basse), Zak Starkey, le fils de Ringo Starr (Batterie) et Mick Talabot de Style Council aux claviers. Petite bagarre avec les liens YouTube qui tombent comme des mouches. Townshend veille au grain. Combat probablement vain contre Video DownloadHelper...

lundi 15 septembre 2014

PASSENGER - LET HER GO


Remise en question douloureuse du personnage de Passenger dans son Let Her Go de 2012. Son ambivalence, ou tout du moins sa versatilité, lui saute au nez. Effectivement, cet homme ne semble pas vraiment savoir ce qu’il veut… Il reste cependant muet sur les qualités de celle qu’il a laissé filer bêtement et regrette amèrement tout au long du morceau. Chacun peut y aller de ses hypothèses concernant celles-ci.

J’ai opté, faute de précisions, pour les signaux basiques: l’image corporelle de la femme imposée par nos sociétés aux deux sexes. Elle remonte à la nuit des temps et viserait à renforcer un choix d’objet amoureux vigoureux et utile à la préservation de l’espèce (Nancy Huston à la barre). Du coup, pour illustrer ces appels sournois, j’ai embarqué dans ce montage quelques corps mémorables de Lucien Clergue, ancien Président et membre actuel de l'Académie des beaux-arts de l'Institut de France. Certains diront, et c’est leur droit, deux alibis évolutionniste et académique faciles pour se rincer l’œil au passage!

NOTE: dans ma traduction, "laissé" suivi d'un infinitif devrait rester invariable depuis 1990. Une méthode sure. J'ai pris un risque d'accord en gardant l'ancienne orthographe qui accorde avec le COD placé avant, uniquement si ce COD fait l'action de l'infinitif.
Vos enfants, je les ai laissés parler aussi longtemps qu'ils l'ont voulu. (ils parlent)
Je l'ai laissée partir (une femme; elle part effectivement. Ouf !)

mardi 9 septembre 2014

La Rentrée



Le matériel scolaire a sans doute changé depuis mon enfance. Mais, quand j'étais au piquet mercredi dernier, l'Éducation Nationale a peut-être pondu une des nouvelles réformes dont elle a le secret, et qui, comme la mode, n'est en fait qu'un éternel recommencement... Bon, d'accord, le livre jaune ne sert plus à rien.

Sur le thème de l'école primaire, une ancienne application Flash réalisée en collaboration avec ma fille Caroline à la demande d'une institutrice de Laxou: la visite du collège.

Cliquez sur les images pour les agrandir - Rentrée des années 50

mardi 12 août 2014

À la mi-août… y a d’la joie pour les matous


Un montage Alphonse MUCHA en attendant la rentrée. En fait, les deux images extérieures de l'illustrateur tchèque symbolisent l'été, la pastille ronde le mois d'août, et celle du haut était une publicité pour un imprimeur parisien dont le nom évoque une boisson alcoolisée pétillante. Bonne fin de vacances aux visiteurs.

À la mi-août...

La farandole Mucha une veille application Flash made in Mansarde

La pendule Mucha sur un billet du blog

dimanche 3 août 2014

Jesse OWENS le 3 août 1936

Trou de départ derrière un repère transversal de couloir décalé sans témoin de relais en main, dossard 733 sur un maillot américain, font comprendre que cette photo de Jesse Owens a été prise lors d'un 200 m des jeux olympiques de Berlin en 1936. La finale ? 

Le 3 août 1936, Jesse Owens, avec un chrono de 10"3, s'impose en finale du 100 mètres aux Jeux Olympiques de Berlin. De son nom complet James Cleveland Owens, signe cette année-là des JO de rêve en remportant trois médailles d'or en trois jours (100 m, saut en longueur, 200 m) avant de terminer sur un quatrième sacre avec le relais 4x100 mètres (9 août).

Petite histoire officielle : Hitler aurait quitté précipitamment le stade olympique de Berlin parce que l’Allemagne avait été humiliée par un homme noir. La veille, il  avait serré la main de tous les vainqueurs Allemands de l’olympiade.

Version 2, sans preuve formelle : Hitler n'a pas "snobé" Owens. Un journaliste sportif Allemand de l’époque, Siegfried Mischner, 83 ans, s’est manifesté pour affirmer que, même si Hitler avait effectivement quitté le stade après la course, ce ne fut pas avant d’avoir serré la main d’Owens.  Il indique qu’Owens avait dans son portefeuille une photo du Führer faisant précisément ce geste. Owens aurait essayé dans les années 1960 d’obtenir de Mischner et de ses collègues journalistes une modification de la version admise de cette histoire. Mischner explique: « Elle avait été prise derrière la tribune d’honneur, et donc hors de portée des objectifs de la presse mondiale. Mais je l’ai vue, et j’ai vu Hitler en train de serrer la main d’Owens ». Mischner, qui a décidé d’écrire un livre sur les olympiades de 1936, indique que d’autres journalistes étaient avec lui le jour où Owens a montré la photographie et qu’ils n’en ont pas fait état. Owens était déçu, il secouait la tête en réprobation. La presse d’alors était très soumise. Ce n’est pas une excuse, mais personne ne voulait être celui qui donnerait une bonne apparence au monstre. » 

Info ou intox ?...

Le 100 m de Berlin du 3 août 1936 au format GIF

jeudi 3 juillet 2014

Le bureau d’invalidation des mots d’amours obsolètes (FIN)

A partir d'une photo du jardin de la maison de Monnet à Giverny - Pierre TOSI
Samedi matin, l’Empereur quittait la ville pour la campagne, sans sa femme et le P’tit Prince qu’il laissa seul causer à une fleur comme un naze. Il avait bouchonnisé et étrillonné sa rossimuche qui abordait les premiers carrés de verdure de l’itinéraire les nasilleaux frémissants. La fin du printemps était radieuse. La nature battait déjà son plein qu’Hugo avait fait avant de partir. L’autoradio de la 104 captait péniblement une radio pirate qui diffusait «Le rêve passe» interprété par Adolphe Bérard en mono pur et dur avec crachouillis. Cette station faisait dans l’antiquaillerie.

Hugo avait choisi une tenue passe-partout. Il n’avait aucune idée de l’âge ni du style de la personne qu’il pouvait débusquer, à condition qu’elle n’ait pas trop la bougeotte. Même s’il trouvait porte de bois, cette excursion bucolique pouvait être agréable. Il avait acheté des bonbons parce que les fleurs sont périssables et chiantes à trimballer. Il roulait déjà depuis plus d’une heure hors agglomération quand il s’aperçut qu’il n’avait pas bouclé sa ceinture de chasteté. Hugo avait bien du mal avec les nouvelles réglementations routières. En plus, les limitations de vitesse n’arrêtaient pas de changer. Il n’avait encore jamais vu un seul de ces fameux barbecues électriques branchés sur une voiture de flics embusquée. Alors, il ne se privait pas d’appuyer sur l’amanite phalloïde dans les lignes droites quand l’envie lui en prenait. Il fit une courte halte dans un petit coin de verdure sympatoche pour fournir des nitrates aux premiers coucous. L’effet tactile de la brise printanière sur ses balloches était divin. Quelques moineaux de Manchourie affairés autour d’une bouse sèche s’égaillèrent. C’est sans doute la monstruosité de l’engin qui les a effrayés, se dit-il. Un taon du Bengale zinzinait dans son dos, prêt à faire un piqué sur ses fesses blanches et goûteuses. Il remballa la gaule, et après s’être ruiné les mocassins dans une flaque, regagna son véhicule en frottant ses semelles sur des touffes d’herbe rouge bien drue. En bordure de rivière, deux zigotos arrangés balançaient une fille à moitié-nue ou habillée dans l’eau du Seltz. Cette belle jeunesse savait rire avec finesse. De toute façon, cette fille paraissait particulièrement molle. Hugo se gratta les valseuses par confort avant de démarrer. Une heure plus tard, il entrait dans Brouilly-aux-groseilles.

Ce patelin semblait s’être figé au début du siècle. Hugo gara sa voiture au centre du village pour arpenter les rues à la recherche de la fameuse adresse. Le maire souhaitait probablement attirer les touristes et doper l’économie locale. Il avait fait transformer un ancien hangar agricole en «Musée historique de la locomotion française». Des répliques grandguignolesques du fardier de Cugnot, de l’Éole de Clément Ader, d’un vélocipède taillée à la hache et grossièrement reconstitué, étaient exposées à l’extérieur. Un «Ancien Solex de Brigitte Bardot», le panonceau attaché au guidon en certifiait la provenance et l’authenticité, trônait sur sa béquille à coté d’une Traction Avant Citroën qui aurait véhiculé le Grand Charles pendant la dernière guerre. Probablement un ancien poulailler remis en état, se dit Hugo. Ce miteux inventaire à la Prévert était complété par un étonnant « Nautilus de Jules Verne » en balsa. Où les concepteurs s’étaient-ils procuré les plans? Plus loin, sur l’église, une plaque indiquait que Jeanne d’Arc s’y était recueillie en chemin pour la cour de Charles VII, indication qui laissa Hugo sans voix, contrairement à la Pucelle de Domrémy.  L’édifice était d’une architecture fortement postérieure. Jeanne on n’a jamais su. Etrange apparition à son chevet – de l’église - une monstruosité rococo en ciment reconstituait la grotte de Massabielle au 1/7ème. Pour Hugo, le summum de cette foire pas vraiment attractive, ce fut la découverte sur son trajet de «La maison de Landru reconstituée avec sa chaudière en fonction»! S’il croisait l’édile municipal, il lui proposerait de baptiser les urinoirs publics de la Place de l’Ancien Marché «Vespasienne authentique où le pétomane s’exerçait à son art». Le maire n’engageait pas résolument vers la modernité ses concitoyens. Cette compilation ubuesque d’incongruités mécaniques risquait plutôt de les propulser vers la néo-peuplade pouvant faire saliver un ethnologue.


Hugo avait en fait effectué une boucle. La maison située à l’adresse qu’il cherchait se trouvait en face du «Musée historique de la locomotion française». C’était une jolie petite maison fleurie. Il actionna à plusieurs reprises la cloche qui se trouvait à droite de la porte d’entrée. Une femme finit par lui ouvrir. Rien ne clochait quant à ses prévisions. Pour Hugo, elle avait plus de quatre-vingts ans et moins de quatre-vingt-un, pour montrer l’accord du «vingt». Il se présenta sans attendre, car personne ne traînait derrière lui.

- Ah ! c’est gentil d’être venu si rapidement me voir. Entrez, je vais vous préparer du thé. Vous aimez le thé à la Bergamote? J’ai des madeleines de Liverdun. Je les préfère nettement à celles de Commercy. On va se régaler.
- C’est parfait et en plus Idéal pour partir vers le monde du souvenir.

La femme sourit aimablement à son allusion littéraire. Elle avait un regard pétillant d’intelligence. Elle pria aussitôt Hugo de passer côté jardin. L’allée centrale de ce dernier était bordée de capucines. Sous des cerisiers et des abricotiers du Japon, des massifs de narcisses, de pavots d’Orient et de pivoines rivalisaient en splendeur. En cette saison, les bractées d’iris aux teintes variées remportaient le concours avec leurs cymes hélicoïdes étalant pour certaines leurs trois pétales veloutés. Hugo profitait du spectacle assis sur un banc pendant que la vieille dame s’affairait en cuisine à la préparation d’un five o’clock avant l’heure. Dès qu’il la vit sortir, Hugo se précipita à sa rencontre pour la débarrasser du lourd plateau qu’elle transportait et l’installer sur une table de jardin en fer forgé aux motifs floraux qu’entouraient quatre chaises assorties.

- Le bric-à-brac patrimonial du village ne vous a pas trop décontenancé ?
- Pour être franc, je suis encore un peu sous le choc !
- Notre maire est atteint de gâtisme. Je me suis gendarmée contre ses projets afin qu’il laisse notre commune à sa quiétude d’antan. Rien n’y a fait. 
- Votre jardin est splendide. Je suis sous le charme, bien que nous soyons attablés, je pense, sous un mirabellier. 
- Oui, c’est exact. Merci beaucoup d’apprécier mes plantations et d’y voir des charmes. L’entretien de ce jardin est pour moi un passe-temps qui contribue à mon équilibre. Cher Monsieur, je dois tout d’abord vous présenter mes excuses. Je vous ai fait venir chez moi en utilisant un stratagème condamnable. L’histoire que je vais vous narrer vous fera mieux comprendre mes motivations. Un ami mien - j’aurai l’occasion de vous le présenter dans une heure environ car  il m’a prévenu de sa visite par télégramme – savait que vous alliez venir ici aujourd’hui. J’ai mes agents de renseignements, lui glissa-t-elle avec roublardise. C’est lui qui m’a incité à prendre contact avec vous par l’intermédiaire de l’organisme où vous vous êtes rendu récemment. Je comprends votre surprise, mais je lui laisserai le soin de vous expliquer tout et de vous confier le fruit de ses recherches. Il déteste qu’on amoindrisse les effets de ses révélations fracassantes. Je suis veuve depuis soixante ans. Mon mari est mort alors que j’étais enceinte de notre fille. Au début du mois d’août 1918, il fit partie des troupes engagées dans la bataille de Montdidier. La première avancée alliée victorieuse de ce qu’on appellerait plus tard « L’offensive des Cent-Jours ». Il est mort au cours de cette bataille. Le courrier de guerre des poilus avait une importance capitale pour soutenir le moral des troupes. L’armée veillait à son acheminement, même au milieu des combats. Mon mari m’écrivait pratiquement tous les jours quand un calme relatif régnait dans son secteur. Je vous ferai lire sa dernière lettre. Je n’ai aimé qu’un seul homme dans ma vie, et suis toujours restée fidèle à son souvenir. Je sais, cela peut paraître fou ou maladif aux gens de votre génération. Mais les souvenirs des temps heureux ont continués à alimenter ma vie. Elle n’a jamais eu une odeur de cimetière ou des allures de commémorations morbides. Notre amour a été mon réconfort pendant ces soixante ans. Ma fille, jusqu’à son décès accidentel, a été également pour moi une source de joies immenses. J’ai su, Monsieur, que vous l’avez aimée. Quelques heures dans une vie peuvent marquer à jamais. C’est moi qui ai renvoyé votre lettre quelques semaines après que sa mort soit considérée comme certaine quand des débris de son avion ont été retrouvés par des pécheurs sénégalais au large de Dakar. Elle avait eu le temps de me parler de vous le matin même de son départ alors que je l’accompagnais à l’aérodrome. J’ai compris l’amour intense qu’elle vous portait déjà.
- Mais, Michèle, votre fille Michèle, c’est bien de Michèle Roussel dont vous parlez ? La jeune femme que j’ai connue ne portait pas votre nom !
Morgan est un nom de scène. J’ai été durant dix ans une chanteuse en vogue qui a connu sa petite heure de gloire au début des années vingt. Il fallait bien que je fasse bouillir la marmite. La valse brune, l’océan, j’ai tant pleuré pour toi, le rêve passe, étaient à mon répertoire. Mais ces airs vieillots aux textes mélodramatiques, interprétés par des chanteurs à voix maniérés et aux allures compassées sont tombés dans le monde de l’oubli depuis bien longtemps, devenus risibles. N’est-ce-pas ?

Hugo sourit intérieurement à l’évocation d’un des titres qu’elle venait de citer.

- Vous êtes bien alors la mère de Michèle! Mais pourquoi prenez vous contact avec moi en usant d’un pareil stratagème? Trente ans après sa disparition tragique en 1948 ?
- J’avais toujours cru que la fin de la lettre dont je viens de vous parler avait été censurée par les services de l’armée pour des raisons stratégiques. Mon ami a découvert récemment qu’il n’en était rien. Monsieur, je voudrais vous demander un grand service qui pourrait être source pour moi d’un réconfort immense. 
- Il consisterait en quoi, Madame ?
- Je dois d’abord vous signaler que je me suis intéressée dans ma jeunesse aux travaux du Professeur de Neurologie Hippolyte Bernheim de l’École de Nancy. On l’appellera plutôt par la suite l’École de la suggestion pour ne pas confondre avec le mouvement du même nom, fer de lance de l'Art nouveau. J’ai dévoré ses ouvrages sur l’hypnose, tout comme Freud au début de sa carrière. Il lui a rendu visite à Nancy. J’ai obtenu, à la Faculté de cette même ville, plusieurs diplômes attestant de mes capacités dans ce domaine. Je souhaiterais que vous vous prêtiez à une de mes séances. Vous pourriez dans cet état de conscience modifié me communiquer un renseignement précieux. Cela peut vous paraître étrange, mais je vous fournirai une explication. 
- Je m’y prêterai volontiers, si vous m’en dites un peu plus, effectivement...

Le soir commençait à tomber. Un homme vêtu de noir de la tête au pied fit une entrée fracassante par la porte du jardin. Il portait un chapeau au large rebord et une cape sur les épaules. Après avoir salué cérémonieusement Madame Morgan, il se précipita vers Hugo pour lui serrer la main avec une vigueur difficilement supportable, même pour un érotomane, et, avec emphase, se présenta lui-même, en personne.

JUDEX
- Durex, le Justicier, masqué à l’occasion. Défenseur infatigable de la veuve et de l’orpheline. En tout bien tout honneur, cela va sans dire. Je pourchasse les suborneurs ignobles, les créatures immondes qui font le mal dans l’ombre, abusent des faibles et pillent les pauvres des seuls biens qu’ils possèdent. J’ai découvert il y a quelques mois les agissements maudits d’une organisation secrète qui, sous couvert de contrôler la validité des mots d’amour, cherche en fait à s’emparer de tous ceux qui sont encore vivants et chers dans les pensées de leurs victimes. Ces malversations abominables ont pour but de les thésauriser pour les revendre ensuite avec un profit colossal et inique à des êtres de bas-étages au cœur de pierre et au cerveau malade incapable d’en prononcer un seul qui puisse paraître sincère.
- Certains de ces mots d’amour, ajouta Marguerite Roussel, alias Morgan, ont des propriétés magiques. Ils attendent un passeur qui peut les transmettre à d’autres oralement, par écrit, ou même, plus extraordinairement encore, à distance par la pensée. On peut aimer quelqu’un qu’on ne connaît pas. Ces passeurs ont eu un jour la capacité d’aimer de la manière la plus sincère qui soit. Je pense, Monsieur, que vous êtes sans le savoir un de ces messagers, que vous avez en dépôt des mots d’amour qui me sont destinés. Mon mari les a transmis à distance à sa fille juste avant de mourir. Il est possible qu’elle vous les ait transmis de la même manière avant de mourir ou durant les heures intenses que vous avez passées avec elle. Les mots d’amour portent les espoirs de ceux qui les formulent. Certains sont intemporels. Parfois, ils flottent dans l’air tout en attendant celui ou celle qui saura à son tour les transmettre.

Durex, un peu frustré de ces explications dont il se sentait un peu spolié, reprit aussitôt la parole.

BELLE ÉPOQUE
- Avant de vous laisser en tête-à-tête avec Madame, je vous prie de m’accompagner pour m’aider dans ma dernière mission. Celle-ci peut vous convaincre de la véracité des secrets que nous allons vous confier. Au fait, Monsieur, je ne connais que votre prénom.
- Hugo Rouletabille, ancien reporter au journal l’Époque. 
- Parfait, la Presse peut nous être d’un renfort non négligeable pour faire éclater au grand jour pareil scandale et clamer haut et fort au Monde entier que nous avons fait mettre sous les verrous des gredins de la pire espèce. Suivez-moi tapis dans l’ombre, nous allons en catimini surprendre Morbax le cerveau valétudinaire de cette organisation diabolique. Les têtes tomberont ensuite une à une après les confessions que la maréchaussée ne manquera pas de lui soutirer à grands coups de bottins téléphoniques.

Durex, rasant les murs, le mena discrètement en direction du « Musée historique de la locomotion française ». S’étant caché quelques secondes derrière la traction avant, souple et discret comme un félin, il bondit en direction du Nautilus brandissant une pétoire monstrueuse qu’il cachait sous sa cape. Il se mit alors à hurler :

- Sors de là, infâme Morbax, tu es fait comme un rat ! Sors derechef ou je t’occis sur le champ. Sors de ta cache, misérable ! Sûr de son fait, Durex glissa à l’oreille d’Hugo quelques explications non négligeables pour tout le monde. Ce reptile immonde utilisait le périscope de l’engin pour guetter les allées et venues de Madame Morgan ainsi que les visites qu’elle recevait.

- Ce félon vous a suivi aujourd’hui dès qu’on l’a averti que vous partiez pour Brouilly-aux-groseilles. Il est tombé dans le guet-apens que je viens de lui tendre.

DUREX, à gauche, je le reconnais!
Durex, le Justicier Masqué, se masqua pour répondre à sa légende. Hugo, stuporeux, vit sortir, les mains en l’air et vêtu d’un fuseau moule-couilles proche de celui des frères Jacques, le directeur du « Bureau d’invalidation des mots d’amours obsolètes ». Durex le saucissonna promptement après l’avoir bâillonné avec un bas-résille et lui avoir ligoté les mains dans le dos avec un porte-jarretelles. Normalement, il ne pouvait plus s’enfuir, car il n’avait jamais suivi les cours de Robert Woïlawz-du-Houdin.

- Rouletabille, vous pouvez filer, mais évitez le mauvais coton, Ah ! Ah ! Ah ! Je me charge du reste maintenant.

Hugo, qui était resté tout ce temps les bras ballants (si !), ne comprit pas très bien en quoi sa présence avait aidé à la capture de Morbax. Il ne se posa pas plus longtemps la question et fila rejoindre, en évitant le mauvais coton, Marguerite Morgan pour servir de cobaye à la séance d’hypnose qui semblait tant lui tenir à cœur.

La veuve Roussel apprit encore à Hugo que le père de Morbax avait travaillé pour les services de la censure du courrier militaire. Détestant certains mots d’amour, il avait censuré la fin de la lettre qu’elle allait lui faire lire. Des mots d’amour donc qu’elle n’avait jamais reçus. Morbax avait récupéré tous ceux volés par son père. Il les cachait dans un coffre blindé. Par mégarde, en ayant sorti quelques uns un soir pour les compter, ceux de cette lettre s’étaient envolés. Il cherchait depuis des années à les récupérer par tous les moyens.
Madame Morgan remit alors à Hugo le fameux document. Hugo se mit alors à le parcourir. La lettre était datée du 8 août 1918 :

Ma bien chérie,

Dis-moi que notre enfant vivra, il me tarde de savoir. C’est si frêle, ces pauvres petits. Il faut si peu. De quelle couleur sont ses yeux ? Comment sont ses menottes ?
Sera-t-elle jolie ? Que je voudrais qu’elle te ressemble. Hélas, je ne pourrai pas la voir toute petite. Je l’aime, vois-tu, je l’aime autant que je t’aime. Dis-moi, fais moi dire beaucoup de choses d’elle. Pleure-t-elle beaucoup ? Toi, tu souffres, chérie ? As-tu pu rédiger le télégramme toi-même ; non, sans doute on l’a signé pour toi pour me rassurer. Mais pourquoi cela irait-il ? N’avons-nous pas assez d’épreuves sans cela ? Tout va bien, n’est-ce-pas ?
Dès que tu pourras m’écrire, tu le feras longuement. Où serai-je alors ? Quelque part sur le front ; il y a loin de la Suisse à la mer du Nord. Chacun n’est qu’un atome. Mais si tout va bien, je vivrai, j’ai confiance. Je garde toujours mon sang-froid ; nous serons bien heureux, va, plus tard, dans quelques mois, nous en achetons bien le droit. Je n’ai pas vu notre enfant, je veux le voir, et j’ai l’intime conviction que je le verrai. Il le faut bien, n’est-ce-pas ?
Garde mes lettres, si je ne revenais pas, elle pourra les lire plus tard, elle saura que son papa l’a bien aimée.
Fais que notre enfant soit digne de toi et de ses grands-parents : elle n’aura pas à rougir de son nom, dis-lui bien que si j’ai pu tirer dans ces affreux moments c’était par nécessité mais que je n’ai jamais sacrifié une vie inutilement, que je réprouve ces meurtres collectifs, que je les considère comme pires que des assassinats, que je n’ai haï que ceux qui les ont voulus.
Enseigne-lui à être bonne et simple. Au fur et à mesure qu’elle grandira et pourra te comprendre, instruis-la en tout, ne crains pas de lui parler des laideurs de la vie, qu’elle ne soit pas désarmée et qu’elle ne fasse souffrir personne. Ne tolère jamais chez elle la médisance. Je voudrais qu’elle puisse faire de la musique et des langues étrangères, sans cela on n’est que des êtres incomplets. Mais pourquoi te dire tout cela, tu le sais aussi bien que moi et puis nous serons bien là tous les deux. En attendant mon retour, aime-là beaucoup, doublement pour toi et pour moi et fais-moi vite savoir son nom. J’aimerais bien une Lucienne, Yvonne, Marguerite… que sais-je, ou bien donne-lui un prénom anglais, il y en a de gentils. Mais c’est déjà fait, je l’aime sous n’importe quel nom. Il me tarde de le savoir, c’est tout. 
Toi seule (…) »*

- Cette lettre, Madame, est magnifique. 
- J’en suis convaincue. Parfait, installez-vous maintenant confortablement dans ce fauteuil du salon. Je vais baisser les lumières. Vous fixerez attentivement le petit miroir que je tiens dans ma main : « Vous êtes bien… tranquille… vous respirez profondément, tranquillement… tous vos muscles se détendent… vos paupières sont lourdes… vous les fermez… vous sentez une agréable sensation de lourdeur vous envahir… vous êtes merveilleusement bien… vous glissez lentement, irrésistiblement dans un sommeil réparateur… »

L'Aéromédon Populaire
Hugo se réveilla au bout d’une éternité, lui semblait-il. Il était seul dans le salon. Il entendait un bruit sourd et répété qui venait du sous-sol. Il se leva péniblement, pas encore entièrement sorti de son état d’hypnose.

Pénétrant dans la chaufferie, il découvrit Durex bâillonné et attaché à la chaudière de Dietrich-Pahopokeer. Il tentait désespérément de s’extraire de ses liens. Hugo le libéra. Frottant ses poignets endoloris, il vitupéra.

- Sacrebleu, nous nous sommes fait berner comme de la bleusaille!

Un coutelas enfoncé profondément à l'arrière de la porte du local fixait un message manuscrit sur lequel Hugo put lire à la lumière de son Zippo : 

« Morbax et Irène Adler, alias Lady Morgan, vous saluent bien bas. Merci de nous avoir permis de récupérer les mots d’amour que nous recherchions depuis tant d’années. Niark! Niark! Niark!
Un kouglof à l’andouille du Val d'Ajol vous attend dans la cuisine. » 

- Rouletabille, nous devons partir sur les traces de ces forbans pour savoir ce qu'ils ont fait de la vraie veuve Roussel. Nous allons lui retrouver ses mots d'amour volés. Je pense que le kouglof à l'andouille du Val d'Ajol est un indice précieux que ces rats nous ont laissé pour nous narguer. Montons rapidement à la cuisine, ces misérables comprendront assez vite que la vengeance est un plat qui se mange tiède.

Pierre TOSI - JUIN 2014 -



A suivre... allez savoir... dans une autre nouvelle ? 

" Merci à ma correctrice avec laquelle une discussion pointue s'est engagée concernant les fins alternatives possibles."

*Marin G. à sa femme Marguerite, le 14 décembre 1914.
D’origine auvergnate, Marin G. était instituteur avant la guerre. Il y fut blessé et gazé et mourut huit ans après la guerre, en 1926. Sa femme Marguerite venait de donner naissance à leur fille Lucile lorsqu’il lui écrivit cette lettre.