"Tous les soleils à l'aube dorment encore un peu engourdis, nonchalants, ils se moquent bien du feu du jour qui les attend. Ils chassent les ombres des hommes et des guerres.Tous les soleils à l’aube sont comme de grands enfants qui n’ont que faire du temps…" *
Philippe Claudel ?
Philippe Claudel, «Le Glaude», avance dans ce qui constituera peut-être, si les petits cochons du parisianisme ne le mangent pas, une trilogie des villes de l’Est. Après Nancy, «Il y a longtemps que je t’aime», Strasbourg sert de toile de fond à son dernier film, «Tous les soleils». Un clone de Nanni Moretti, dans son «Journal intime» de 1993, troque vespa contre Solex. Ayant quitté Rome, remake de sa scène d’introduction, il déambule dans la capitale du «Hans im Schnokeloch». Les moustiques y sont désormais moins nombreux et une population cosmopolite bigarrée a largement abandonné le patois alsacien. Quelques ressortissants conservent cependant un «léger» accent.
D’habitude, avant d’écrire un billet, histoire de ne pas trop sombrer dans le parti-pris, il n’est pas rare que je jette un œil amusé sur les critiques des arbitres des élégances sévissant sur des sites prétendument spécialisés dans le domaine du cinéma. Quelques avis diamétralement opposés m’amènent alors régulièrement à me demander s’ils ont vu le même film. Résultat des courses, dans la plupart des cas, je me cantonne à mes impressions premières et campe sur mon propre avis.
Pour ce film, je n’attends aucun verdict des procureurs du cinématographe. J’ai aimé, et c’est tout ce qui compte au fond. Je ne tiens pas à me faire casser la baraque par quelques "scrogneugneus" de la toile. Les amateurs de blockbusters y crient probablement famine, les ayatollahs du Septième Art y pleurent peut-être Sautet, quelques nostalgiques campent sans doute mordicus sur les mérites inégalées des films des grands réalisateurs de la "Comédie à l’italienne". Rappelons-nous cependant de ce que Dino Risi, en bon Italien désinvolte, disait avec humour: «Pourquoi s'obstiner à dire ‘comédie à l'italienne’ ? Celles qui sont faites en Amérique ne sont pas appelées ‘ à l'américaine’. Si les critiques aiment les étiquettes, je proposerais celle-ci: "La comédie à l'italienne comme la définissent les critiques à l'italienne." ».
Les acteurs principaux parlent souvent italien et le sont. Ils chantent, dansent, s’engueulent comme en Italie. Mais, ils vivent en France et l’aime. Ils mangent, boivent, échangent avec des autochtones ou des assimilés aux racines bien diverses. Ceux-ci se tourmentent peu de leurs différences ou de leurs origines respectives. Ils ne s’opposent en termes agressifs passagers que lorsqu’ils cherchent à motiver leurs points de vue ou vider leur sac, histoire d’avancer quand des situations s’enlisent. Seul l’ermite du film, pique-assiette ne quittant jamais son peignoir de bain à rayures fétiche, continue au loin de l’autre coté des Alpes, à poursuivre de ses foudres tenaces Berlusconi. Il a pris la ferme décision de ne sortir de sa retraite que le jour de la destitution de l'usurpateur, pour motifs multiples, dont celui d'exercice illégal de la Médecine... L'anar se trouve pourtant en porte-à-faux avec un point de son réquisitoire à charge: devant ses écrans, il donne aussi à l'occasion dans la gaudriole salace...
On rit, on pleure, on aime, on chambre et l'on s’entraide beaucoup dans cet épisode de traversée du long fleuve pas-vraiment-tranquille qu’est la vie. Il est par moments hanté par des fantômes bienveillants, plus soucieux d’aider l’équipage des vivants à gouverner le radeau qu'à les tarabuster sans cesse. Au final, ils les accompagneront d’un dernier signe de la main, ombres évanescentes sur l’autre rive que les survivants en pleine navigation ont bien du mal à quitter des yeux, même emportés par la tarentelle impérieuse et impétueuse des rapides de l’existence.
Note: maintenant que mon billet est pondu depuis plus de 24 heures, en bon maso, je suis tout de même allé jeter un œil sur quelques critiques de la toile, histoire de me flageller. Je ne peux résister à vous proposer ce lien vers un post antérieur au mien au lu de sa date. On y trouve des passages étrangement similaires. Je ne peux même pas crier au plagiat, on me rétorquerait l'inverse !
* N'ayant pas retrouvé d'autre auteur possible, j'attribue arbitrairement à Philippe Claudel, ce court poème. "All suns at dawn still sleep, a little numb, careless, they make fun of the heat of the day ahead. They chase the shadows of men and wars. All suns at dawn are like big children who have no use of time ... "
Je note chez toi plusieurs points communs avec ce film de Claudel, si ce n'est avec l'écrivain et réalisateur. Le Solex, n'est pas le moindre...
RépondreSupprimerMacheprot> Merci de ne signaler que le goût pour le Solex.
RépondreSupprimerUn bien bel avis sur ce film que j'ai beaucoup aimé aussi.
RépondreSupprimerTrès bonne critique : elle me donne envie de voir le film ! Mais j'attendrai que ça sorte en DVD car je n'ai pas mis les pieds dans un cinéma depuis une bonne quinzaine d'années !
RépondreSupprimerAnonyme> Merci.
RépondreSupprimerDe Ni> Salut et Fraternité. Merci de ton commentaire. Ta technique a du bon. De la sorte, tu as raté le visionnage en primeur d’une quinzaine de grands films, tout au plus (un dans l’année, c’est déjà beaucoup). La belle affaire. Par contre, tu as évité de te faire estourbir les portugaises à grands coups de décibels dans des salles dédiées avant tout à la consommation des popcorns et du Coca-Cola en seaux, la détérioration rapide de ton appareil auditif externe arrivant donc en deuxième position. Tu as fais l’impasse sur une foultitude de commentaires à la con de tes voisins de salle et protégé tes arpions des passages intempestifs des spectateurs qui te font te demander s’il n’y a pas de puis quelques années une recrudescence inquiétante d’incontinences urinaires chroniques.
Je viens de découvrir le DVD d’un film de Zurlini de 1959 qui est une pure merveille. Comme quoi, il n’y a jamais le feu au lac…
Helloo nice blog
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