Je ne déroge pas à la règle qui veut qu’habituellement, en avançant en âge, les rayons de sa bibliothèque s’allègent d’ouvrages qu'on estime ne pas devoir faire date dans l’histoire de la Littérature. Le retour aux grands bons auteurs rassure l’amateur quant aux vertus et mérites d’orfèvres charpentés nous ayant offert au cours du temps de la belle ouvrage animant toujours les spécialistes du genre ou le lecteur averti.
Mais bon, écrire n’est pas le pré carré des météores inspirés par Melpomène, Thalie ou Euterpe. Lire n’est pas non plus s’adonner pompeusement à l’exégèse sentencieuse, ou à la mise en transe derviche tourneur un classique ouvert dans chaque main.
J’ai lu récemment un roman australien de 2013 de Graeme Simsion: «Le Théorème du homard». Le titre a plusieurs déclinaisons françaises dont le racoleur «Comment trouver la femme idéale, ou...». Ce dernier avatar ne me semble pas du meilleur goût. Le titre anglais original, «The Rosie Project», bêtement francisé aurait tout aussi bien sa place. Aux dires de l’auteur, la mouture originale de son texte a été remaniée au fil des ans. S’aidant des conseils d’un comité de lecture et des ficelles techniques fournies par des gourous du scénario, son projet aurait dévié en direction du roman-comédie. Pragmatisme et efficacité anglo-saxons, pourrait-on dire? Pourquoi pas?
Lire, c’est aussi passer un bon moment en compagnie d’une faune de personnages atypiques au point d’avoir bien du mal à lâcher le bouquin avant d’arriver au dénouement. Fantaisiste, pourquoi pas, mais catapulté régulièrement en direction de la fin par les ressorts propres à une bonne comédie.
A mes yeux, Le Théorème du Homard, a le mérite principal (en plus de posséder de nombreux passages très drôles) d’essayer de nous faire voir le jeu des rapports sociaux au travers de la pensée et du regard d’un Asperger qui s’ignore. C’est fréquent. Cette dénomination du moment est sujette par ailleurs à variations au cours du temps selon l'inspiration d'un entomologiste en psychiatrie. Et notre homme, d’enquiller les quiproquos favorisés par un câblage cérébral qui fait que sa zone corticale de l’empathie n'est pas tonitruante au pet-scan. Plutôt un sujet de déconvenues que ce type d’émotion (le grand mot est lancé) très complexe à appréhender et source d'appréhension pour ce qui le concerne. Constatant de plus que l’individu «normal» la décline à sa sauce, et de manière parfois contradictoire, ce truc résiste à sa mise sous équation.
L’empirisme semble à la base des conseils que lui sert un des membres de la caste des spécialistes de la Psyché, Professeur en psychologie s'adonnant au collectionisme. Son programme de recherche (Origine de l'attirance sexuelle humaine et Génétique) l'obligerait à avoir des rapports sexuels avec des femmes appartenant au plus grand nombre de nationalités possibles!
Quand l’atypique découvre que les jeux sociaux sont un bon moyen pour chacun de laisser penser que tout va bien chez lui et que ce sont les autres qui ont de sérieux problèmes à régler...
Note: m'est avis que ce livre se prêtera facilement à un scénario de film dans le futur.