[Michel Tournier]
Introduction :
Le terme d’introduction doit s’entendre au sens figuré. J’ai lu cependant que Freud - mais les gens sont si médisants qu'il est prudent de ne pas tout croire - en compagnie de ses confrères, donnait parfois dans l’humour salace de corps de garde. Graveleux, il sous-entendait que le meilleur traitement de l’hystérie était peut-être l'injection vaginale biquotidienne sur une durée de plusieurs mois. Vantardise de macho et belle image d'un professionnel qui se lâche !
Les psychologues et psychiatres ont la manie de chambouler régulièrement leurs classifications, de refondre ou d'évacuer des chapitres entiers de leurs opus, de complexifier les anciennes dénominations des affections de la Psyché. Rappelons que dans la mythologie, Psyché était la fille d'un roi. Elle se regardait souvent dans son miroir, au point de léguer son nom a une variété d'entre-eux. Narcisse, lui, le faisait dans une mare. C'était plus dangereux. Pamela Anderson n'était pas encore surveillante de baignade. Psychiatres, psychologues et psychanalystes, peinent à se rapprocher de la rigueur scientifique. La neurobiologie est balbutiante et n'a pas encore de quoi poser les bases d'une physiologie des câblages et des séquences biochimiques en jeu dans les mécanismes de l'élaboration de la pensée. Un domaine complexe de la Médecine favorisant l'éclosion des complexes psychanalytiques érigés en postulats. La publication du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-5 en mai 2013 nous apprend enfin que nous sommes tous à soigner.
Attendant avec impatience que les arguties d'écoles s'essoufflent, je ne m’en tiendrai dans ce billet qu'à d’antiques références ayant eu le mérite, ou le danger, de m'apparaître utiles jadis dans l'exercice abdomino-pelvien de ma spécialité médicale en pouvant faire le distinguo entre la symptomatologie sans doute psycho (après tout) et après tout somatique (avant tout). Le but, limiter le trou (je n’ai pas écrit "limer le trou", pour éviter le lapsus révélateur) de la sécu en ne surmédicalisant pas la sphère pelvienne avec des trucs qui font avant tout mal à la tête.
Historique et définition :
Le terme d'hystérie remonte au médecin grec
Hippocrate - je vous en fais le serment - qui inventa ce mot pour décrire une maladie qui avait déjà été étudiée par les Égyptiens. Ils n'en avaient brossé qu’un vague profil (je n'ai pas pu résister à la faire). Le terme est dérivé du mot grec "
hystera". Utérus (ou t’es slave), en Français. La maladie, à ces époques éloignées, aurait été intimement liée à l'utérus ; la théorie admise étant que celui-ci se déplaçait dans le corps, créant les symptômes. Platon décrivait ainsi ses causes et ses manifestations dans Timée :
«L'utérus est un animal qui désire engendrer des enfants. Lorsqu'il demeure stérile trop longtemps après la puberté, il devient inquiet et, s'avançant à travers le corps et coupant le passage à l'air, il gêne la respiration, provoque de grandes souffrances et toutes espèces de maladies. ». Cette théorie garde quelques partisans au sein des membres de la Secte des Adorateurs de l’Oeuf.
L'étiologie de l'hystérie, indissociable de sa représentation sociale, a beaucoup évolué en fonction des époques et des modes. Elle reste très mystérieuse et controversée. Ainsi, cette affection a disparu des nouvelles classifications (DSM et CIM) du fait de sa connotation psychanalytique et apparaît désormais la catégorie trouble de la personnalité histrionique ou trouble somatoforme. Notons que le diagnostic "trouble somatoforme" exclut les malades - notamment en Suisse - de certaines prestations assécurologiques, ce qui peut être considéré comme une nouvelle manière de dénier la réalité du trouble. Le Suisse se méfie comme la peste de toute manifestation exubérante propice à mettre le feu au Lac.
La définition moderne de l'hystérie donnée par
Antoine Porot est : « une disposition mentale particulière, tantôt constitutionnelle et permanente, tantôt accidentelle et passagère, qui porte certains sujets à présenter des apparences d'infirmité physiques de maladies somatiques ou d'états psychopathologiques.». L'association de manifestations permanentes ou récurrentes, fréquemment des paralysies, des troubles de la parole ou de la sensibilité, et d'autres transitoires, tels que des crises pseudo-épileptiques ou des comas «psychogènes», constitue la forme la plus courante de cette maladie. Depuis Freud et Janet notamment, elle est considérée comme une névrose dont l'histoire s'est longtemps confondue avec celle d'hystérie.
Ce genre de définition moderne m'incite une fois de plus à penser qu'ils ne sont pas vraiment clairs ces gens là...
Les deux grands modes hystériques :
- Dans le premier, l'infantilisme et l'immaturité sont marqués. On assiste beaucoup plus fréquemment dans ce type à des conversions (voir ci-après, ou lire les Actes des Apôtres).
- Dans le second, le mode de conversion le plus fréquent est la dépression névrotique (responsable de la chute actuelle du CAC 40).
Le caractère oral prédomine chez l’hystérique:
Caractère avide marqué par un besoin de dépendance avec un sentiment d’insatisfaction régulier. D'où, marques de jalousie, d'envie, tendances possessives, impatience, impulsivité et exigence. Sujets expansifs et agressifs, chez qui on constate une valorisation excessive de la parole, des plaisirs oraux. Aspect manichéen des investissements en tout bon ou tout mauvais sans possibilité de nuance, de compromis et d'ambivalence. Le sujet dévore tout et tout le monde. Tel le tonneau des Danaïdes, il ne se perçoit jamais rassasié et ne ressent d'une relation que le moment où elle s'achève. Cette sensibilité à la frustration prédispose ces sujets aux réactions dépressives et à une grande dépendance à l'égard des autres. L'envie représente l'aspect le plus destructeur de l'oralité. La relation d'envie est, au niveau fantasmatique, une relation de dévoration ou de vampirisation au cours de laquelle le sujet désire absorber toutes les qualités de l'objet envié et se les approprier entièrement. Elle implique une conduite très agressive et même destructrice.
Je sais, ça fout les boules.
1- Les Symptômes de conversion :
Ils sont la traduction symbolique au niveau du corps d'un conflit inconscient. La représentation du conflit est
refoulée tandis que l'affect lié à ce dernier est converti en un compromis symptomatique qui dans le cas de l'hystérie a un sens précis directement lié au conflit originel qu'il exprime sous une forme déguisée. Symptômes organiques les plus variés n'entrant pas dans le cadre de la pathologie habituelle. Ce versant a évolué au cours des époques en fonction des pathologies à la mode susceptibles d'être mimées à son insu par l'hystérique. Le tableau de
la grande crise d’hystérie de Charcot copiant des pathologies neurologiques spectaculaires ne se voit plus qu’exceptionnellement. C'est presque à regretter pour la facilité du dépistage qui était à la portée du premier ou du second venu.
Actuellement les manifestations symptomatiques sont
beaucoup plus frustres: aphonie transitoires récurrentes sans pathologie ORL retrouvée, vertiges idiopathiques, crises d'allure épileptique, algies rhumatismales sans support objectif, conjonctivites idiopathiques, atopie cutanée, cystites à urines claires, oubli de régler la consultation du médecin, etc.
2- Les manifestations de caractère :
a -
Avidité relationnelle avec intensité et instabilité des attachements. Labilité émotionnelle due à l'impossibilité d’intégrer la notion d'ambivalence. Réponses émotionnelles intenses dues à une sensibilité exacerbée: "Docteur, c'est le cœur?". Menaces et pulsions suicidaires. C'est cette période qui sonne le retour des défects de la période œdipienne. L'hystérique continuerait à vouloir le père pour elle toute seule, son admiration qui rassure et valorise. Attention, pères trop présents, symboliquement, ou réellement devant votre télé pour ne pas rater un match du PSG.
b-
Suggestibilité et dépendance : transe, possession, fascination face aux phénomènes de mode, groupies exaltées (surtout les adulatrices du sous-genre du rock alternatif qu’est le "grunge"). Recherche perpétuelle de modèles entraînant parfois une pensée imaginaire ou magique proche de la mythomanie... blue... oh manie blue. Puérilisme abandonnique avec dévalorisation de soi. Identifications labiles soumises au désir de l'autre plus qu’à ses propres envies (n'hésitez jamais à préciser à l'hystérique que les toilettes sont au fond du couloir).
c-
Théâtralisme ou histrionisme (un histrion est un mauvais comédien). L'hyperexpressivité et la propension de l'hystérique à jouer la femme proviendrait du fait qu'elle n'est pas sure de l'être (s’agirait de lui indiquer les caractéristiques qui font consensus). C'est une demande exagérée au regard, un besoin d'attirer l'attention sur elle et de séduire l'entourage. Cette incapacité à être authentique exprime trop sa volonté de plaire. Ceci amène souvent l'hystérique à se positionner dans le champ du désir de celui ou de celle qui veut bien l’écouter ou l’applaudir. On ne peut pas la rater sur une photo, sur une scène, ou dans un film. C’est plus simple.
d-
Quête de la perfection : elle entraîne des hésitations pendant des heures pour le moindre choix. L'hystérique croit devoir cacher des lacunes, des trous, qui exposeraient aux rires et au mépris. L'hystérique ne se trouve jamais assez intelligente. Insatisfaction marquée concernant sa plastique. Qu’on me trouve une femme qui ne ressemble pas vaguement à ce descriptif. Coté peu discriminant de cette manifestation de caractère, m'est avis...
e-
Recherche de femmes modèles : l’hystérique leur demande comment assumer sa féminité, car elle n’est pas vraiment sure de l’être. Gynécophilie larvée. Fantasme de la femme fatale avec recherche d'un modèle. Moi, par contre, je recherche une femme modèle, blonde si possible, et à forte poitrine.
f -
Perversité : intrigues et recherche de la zizanie. Combat dirigé contre un ordre établi ou certaines instances à connotation d’autorité. Refus de tout ce qui entrave l'expression de son message ou l'évince du rôle principal. L'art avec lequel l'hystérique sait trouver les mots blessants, ceux qui révèlent les faiblesses de l'autre sont une illustration du rôle de la bouche. Cette arme peut être destructrice lorsque celui qu'elle vise est celui-là même qui interdit l'expression du message hystérique, c'est à dire, qui en a peur. Dans le domaine de la sexualité, l’hystérique cherche inconsciemment à mettre l’homme en échec. C'est vrai, lorsqu'elle s'enfuit en courant, l'érection en prend un coup. Elle a du mal à concevoir que les deux partenaires sont à égalité dans l'acte. L'hystérique trouverait plus de plaisir au jeu qu'à l'acte. Certains, allant trop vite en besogne, parlent d’allumeuses de rêves berbères aimant crier au feu. Et, il n’y a pyromane que celui qui ne veut pas entendre.
g- Relations de séduction et de conquête, et leur opposé, bouderie et vengeance (faudrait savoir). Impression pour le spectateur d'hyperadaptabilité de l'hystérique en société. Elle paye le prix de cette volonté de séduction tous azimuts en nourrissant parfois des fixations amoureuses sans espoir, fantasmées quant à leur réelle réciprocité. Il était trop vert et bon pour les goujats, peuvent-elles prétendre quand l'objet de leur désir ne répond pas à leurs attentes. Ou bien, en représailles, elles font cuire le lapin des enfants de l'objet amoureux dans la cocotte minute du repas de famille. Ce dérapage de l'hystérique n'est pas fatal (sauf pour le lapin).
EMC 1994 (les mises à jour de l'Encyclopédie Médico Chirurgicale étant particulièrement onéreuses je les ai arrêtées à cette date...)
Les traits cliniques les plus constants par ordre de fréquence, ou le top sept: 1- Histrionisme 2- Égocentrisme 3- Labilité émotionnelle 4- Dépendance 5- Excitabilité 6- Attitude de séduction omniprésente 7- Suggestibilité.
N.B.: les troubles majeurs de la sexualité sont quasi absents dans les études récentes. Comme quoi...
Hypothèses psychanalytiques :
Le mécanisme de défense prévalent chez l'hystérique est le refoulement. Il se manifeste par l'amnésie de faits anciens importants. La vue d'un poster de Michael Jackson dans l'enfance est un bon exemple. L'analyste constate l'absence apparente de nombreux souvenirs de leur enfance. Ceci entraîne une véritable inhibition intellectuelle. Elle est particulièrement marquée dans les situations à forte charge émotionnelle. Les séquences sociales à valeur promotionnelle et de rivalité induisent des crises: examens; présence d'une adversaire affective; jugement d’un supérieur hiérarchique; clash à la Star Academy.
Le caractère oral qui sous-tend l'hystérie explique l'importance de la bouche et de la gorge comme point électif de somatisation: dysphagie - aphonie - modification de la voix – toux en public dans une atmosphère silencieuse, chut... - boule de l'angoisse - rouge à lèvres au radium – baisers voraces ("Attention, j'étouffe") – colliers, cache-col et autres bimbeloteries. L'hystérique doit toujours se réconcilier avec la parole, avec la voix.
On peut invoquer comme rôle prédisposant à la personnalité hystérique, un dégoût de la mère pour les selles du nourrisson quand elles ne sont plus celles de l'allaitement. Peut-on la condamner catégoriquement? La perte du sein maternel ("Il est passé où ?") associée au discrédit de ses fèces (ce qui sort de lui-même… si ça le fait chier) peut entraîner chez le nourrisson un traumatisme narcissique frontal, amenant la recherche anxieuse future d'une reconnaissance de son image et le souhait de la perfection dans l'objet amoureux, et pour ce qui la concerne. Adulation du compliment et rires de gorge associés (voire le film "Le fabuleux destin d'Amélie Poulain"). Troubles des conduites alimentaires souvent présents dans l'hystérie (Anorexie mentale, oh!, ou excès boulimiques à en vomir).
Pour Freud, la vengeance, chez l’hystérique consiste à interrompre les expériences au moment où elles sont les plus profitables, comme pour faire payer à l’autre un plaisir qu’elle sentait ne plus pouvoir contrôler. A la place de Freud, assis derrière le divan, j’aurais envisagé une pointe de masochisme, mais il a dû écrire cela quelque part…
Attention, le paragraphe qui suit est à déconseiller aux enfants de moins de la résolution de l’Œdipe !
Les manifestations morbides sont pour ainsi dire l'activité sexuelle de l'hystérique. Les symptômes hystériques apparaissent pendant la continence, la libido revenant à son ancien lit. Dyspnée, gémissements rauques et palpitations peuvent être assimilées à des fragments isolés du coït.
Les dates ne sont jamais sans importance pour l’hystérique comme pour les habitants du Maghreb.
Les sentiments gynécophiles (en douce) doivent être considérés comme typiques dans la vie amoureuse inconsciente des jeunes filles hystériques. Elles ont la volonté de corriger le présent d'après l'enfance. Le roman de la mère devient souvent celui de la fille. Mesdames, ne laissez pas traîner "Madame Bovary" sur votre table de nuit.
Conclusion pompeuse :
Quelque chose de la sexualité humaine est toujours lié à l'insatisfaction. Seuls ceux qui l'assument sont capables d'aimer. La perfection dont on a vu qu'elle était le souci de l'hystérique, existe peut-être dans l'amour, mais sans qu'elle se puisse confondre avec l'image idyllique ou naïve dont on sait trop les origines paradisiaques. En effet, un homme et une femme ne répètent pas le lien d'un nourrisson à sa mère. Ils ont à inventer leur amour, et tous les guides, tous les modèles, tous les exemples ne peuvent que les renforcer dans des moments d'amertume en les privant du recours à eux-mêmes.
Les hystériques ont été surprises dans l'enfance par un événement sexuel réel ou fantasmé dont elles n'ont réussi ni à comprendre le sens ni à maîtriser l'émotion. Seule la psychanalyse peut mettre à jour ce souvenir refoulé et entraîner une guérison spectaculaire de la névrose.
L'hystérique doit renoncer à parfaire le père réel et lui accorder le droit aux imperfections, aux échecs, aux déficiences. A partir de là, elle sera prête à s'accorder les mêmes droits et quitter sa quête anxieuse de la perfection.
A croire que l'hystérique est une fan du mythe du Prince Charmant. Celui qui doit traverser les lacs de lave pour la retrouver, terrasser des dragons abominables, nettoyer les écuries d'Augias, sauver le soldat Ryan, venir les délivrer de leur donjon pour les enlever en croupe sur un fier destrier, et surtout la boucler quand il constate qu'il s'est fait gruger sur la marchandise. La quête de la perfection ne doit pas être confondue avec la recherche d'un débile profond. En admettant qu'il existe, le Prince Charmant, il a peu de chance de se trouver bien longtemps sur le marché. Grosse probabilité d'être déjà en main. En plus, comme il a vraisemblablement croisé un paquet d'hystériques dans ses aventures, il les fuit désormais comme la peste. Cacher des imperfections pour séduire l'homme parfait, c'est le truc vicelard qu'il a eu du mal à encaisser.
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Sources et mise en garde:
- un tas de bouquins poussiéreux traînant dans un placard de la Mansarde. Ce billet se voulant essentiellement sarcastique est un résumé de ce que j'avais lu sur la question. Ce n'est pas une étude sérieuse sur le sujet. Je vous ferai grâce de mes références. Les spécialistes préféreront bien entendu les leurs. A chacun ses dogmes. Cette dernière phrase a de quoi d'ailleurs soulever bien des inquiétudes pour les patients.
- un lien - au ton plus sérieux que celui de ce billet - proposant un
résumé moderne intéressant qui peut être un bon point de départ à la discussion sur cette névrose. L'hystérie masculine y est rapidement décrite.
Note : à vous de retrouver les passages ajoutés par l’auteur et prière de prendre tout cela au second degré. Sur fond d'observations cliniques connues et rabâchées mais toujours propices aux débats partisans des spécialistes, je voudrais indiquer qu'à mes yeux, l'hystérique court le risque d'aller mieux en se prenant moins au sérieux.