Préambule :
La vulgarisation d’un sujet scientifique est un exercice qui louvoie entre deux écueils : la simplification exagérée du sujet qui laisse sur sa faim un connaisseur; l’exposé qui se voudrait exhaustif mais qui noie dans les détails pointus un lecteur qui recherche des informations de base.
J’ai choisi de diviser ce billet en deux parties. Une première, synthétique, proposant ce qui me paraît l’essentiel. Une seconde, plus spécialisée, mais qui n’aborde en détail que l’étape cellulaire du cône dans le transfert du signal optique vers les aires corticales.
Les liens de fin de billet permettent au lecteur curieux de s’aventurer plus loin.
Remarque initiale :
Le Daltonisme n’est qu’un type de trouble de la vision des couleurs. Les autres formes de déficience ne sont des daltonismes que par abus de langage. D'un point de vue stricto sensu c'est la forme la plus fréquente de ces anomalies. Cette déficience de la vision se caractérise par une incapacité à différencier certaines teintes ou couleurs.
La fréquence des troubles de la vision des couleurs est évaluée à 8% dans la population masculine et 0,5% dans la population féminine. Le Daltonisme n’en représente donc qu’une partie. Selon les populations intéressées les chiffres varient et sont les plus faibles chez les Indiens d’Amérique et les peuples de l’Océanie.
Deux liens concernant le Daltonisme. Le second montre la génétique de transmission de cette pathologie impliquant le chromosome sexuel X
VISION DES COULEURS NORMALE ET PATHOLOGIQUE
Introduction et définitions :
- La chromatopsie désigne en biologie la vision des couleurs mais également les troubles acquis de la vision des couleurs en médecine.
- La dyschromatopsie est un terme générique désignant tous les troubles innés ou acquis de la vision des couleurs et la difficulté à différencier les nuances.
La vision des couleurs chez l'homme est trichromatique. Elle fait intervenir un système récepteur (les cônes, sensibles respectivement aux courtes, moyennes et grandes longueurs d'onde, soit schématiquement au bleu, vert et rouge), un système de transmission et un système d'intégration corticale. Les trois couleurs de base se combinent et se modulent pour proposer en bout de chaîne une grande variété de couleurs aux aires d’intégration corticale. Le trichromatisme n’est pas de mise dans tout le règne animal, comme l’indique le tableau ci-dessous.
Cette perception peut être altérée par un dysfonctionnement dont l'origine est soit génétique, les dyschromatopsies héréditaires (DH), soit liée à une maladie acquise de l'œil ou des voies optiques, créant une dyschromatopsie acquise (DA).
Les différents types de dyschromatopsie :
Achromatopsie : absence totale de vision des couleurs, associée dans sa forme congénitale à une forte photophobie, une acuité visuelle réduite (<2/10), et un nystagmus. Les cônes ne fonctionnent pas, et la vision provient essentiellement des bâtonnets. Il est estimé que la fréquence de l'achromatopsie en occident est de 1/33000. Noter qu'il existe aussi une forme cérébrale, due à une perte de vision des couleurs consécutive à une lésion cérébrale. C’est une anomalie rare associant un défaut de la vision des couleurs, héréditaire ou secondaire. C'est l'incapacité totale de distinguer les couleurs. Cette anomalie fait que l'on ne perçoit une couleur que par l'impression de clair ou de foncé et que l'on ne voit que des tons de gris.
Deutéranopie : absence dans la rétine des cônes de réception au vert ; les personnes affectées sont incapables de différencier le rouge du vert. C'est la forme dont était atteint John Dalton (le diagnostic de deutéranopie chez celui-ci fut confirmé en 1995, plus de 150 ans après sa mort, par analyse de l'ADN prélevé sur un de ses globes oculaires préservé jusqu'à nous).
Deutéranomalie : présence d'une mutation du pigment de la perception du vert; la sensibilité à cette couleur est diminuée. Constitue la majorité (environ la moitié) des anomalies congénitales de la vision des couleurs.
Protanopie : absence des récepteurs rétiniens au rouge ; cette couleur est indétectable par le sujet.
Protanomalie : présence d'une mutation du pigment de la vision du rouge ; la sensibilité à cette couleur est diminuée.
Tritanopie : absence des récepteurs rétiniens au bleu ; cette couleur est indétectable par le sujet.
Tritanomalie : présence d'une mutation du pigment de la vision du bleu ; la sensibilité à cette couleur est diminuée.
L'EXAMEN DE LA VISION DES COULEURS
Il a pour objectif de qualifier et de quantifier d’éventuelles dyschromatopsies. Pour cela il convient dans un premier temps d'effectuer un examen ophtalmologique complet afin d'orienter ses recherches et de mettre en œuvre une stratégie raisonnée d'investigation qui doit s'appuyer sur une bonne connaissance du principe des tests à utiliser. On prendra ensuite un soin particulier à réaliser l'examen dans des conditions optimales et standardisées. Notamment en ce qui concerne l'éclairage des tests (tubes fluorescents de 300 à 600 lux), l'environnement (table de couleur neutre, sans reflet, espace calme, tests en bon état de conservation), le sujet (meilleure correction optique non teintée, examen en vision monoculaire), la présentation des tests (temps et ordre de présentation, questions simples).
On remettra enfin un compte-rendu détaillé et argumenté indiquant la nature de la dyschromatopsie, son intensité et son diagnostic étiologique probable.
LES TESTS
Les planches pseudo-isochromatiques (PIC)
Elles servent essentiellement au diagnostic des DH. En effet, leur principe est basé sur la mise en évidence des confusions colorées caractéristiques de ces dyschromatopsies. Ces albums sont d'usage pratique et rapide. Ils constituent de bons tests de dépistage des DH, en particulier le test d'Ishihara, le plus connu et probablement le plus performant. LE TEST D'ISHIARA
Les tests de classement
Ces tests pigmentaires constitués de plumiers contenant des pions colorés à classer sont utilisables aussi bien pour les DH que pour les DA car leur principe est de déterminer les axes de confusion colorée. Contrairement aux PIC, ce sont des tests ouverts qui ne préjugent pas de ce que l'on recherche. C'est un grand avantage, sachant que les axes de confusion des DA sont variables dans leur position et leur importance, contrairement à ceux des DH qui sont fixes.
Les tests pourvus de couleurs saturées (D15 standard, 28 hue) conviennent pour l'évaluation des DH, alors que les tests désaturés (D15 désaturé, 28 hue désaturé, New Color Test) sont très utiles pour diagnostiquer les DA.
Les anomaloscopes
Ces instruments utilisent des équations colorées mettant en jeu des couleurs spectrales. L'usage de deux équations colorées permet d'évaluer l'ensemble du spectre. L'équation de Rayleigh est souveraine pour le diagnostic des DH. Elle seule permet d'affirmer l'existence d'un trichromatisme anormal et de le quantifier. L'équation de Moreland est très utile pour l'évaluation des DA, dans lesquelles l'atteinte du bleu est d'une très grande fréquence.
- Les dyschromatopsies héréditaires
Ce sont essentiellement les daltonismes qui recoupent les dichromatismes (protanopie et deutéranopie : absence de fonctionnement respectivement du canal rouge ou du canal vert), les monochromatismes à cônes S (absence de fonctionnement des canaux rouge et vert), les trichromatismes anormaux (protanomalie et deutéranomalie : fonctionnement partiel des canaux respectivement rouge ou vert). Ces daltonismes sont liés à une anomalie génétique portant sur le chromosome X ce qui explique leur plus grande fréquence chez l'homme que chez la femme et leur mode de transmission.
Beaucoup plus rares sont les achromatopsies congénitales et les tritanopies dont les mécanismes génétiques diffèrent de ceux du daltonisme.
- Les dyschromatopsies acquises
Elles sont liées à une altération fonctionnelle des cônes, des voies optiques ou du cortex visuel en relation avec une maladie acquise. Leurs caractères colorimétriques diffèrent fondamentalement de ceux des DH. Elles sont évolutives et ne sont pas symétriques.
On distingue les DA d'axe rouge-vert de type I, liées le plus souvent à une atteinte des cônes centraux, les DA d'axe rouge-vert de type II, accompagnant souvent une maladie du nerf optique, les DA d'axe bleu-jaune de type III, de loin les plus fréquentes, retrouvées dans les maladies rétiniennes, les DA sans axe ou d'axe scotopique, dues en fait à une altération de tous les mécanismes colorés.
LES STRATÉGIES D'EXAMEN ET LES CHAMPS D'APPLICATION
- Pour les dyschromatopsies héréditaires :
On recherchera essentiellement les daltonismes. Pour cela il faut utiliser d'abord les PIC pourvues de planches rouge-vert, en particulier le test d'Ishihara, très performant ; ensuite des tests saturés simples tels que le D15 standard ou le 28 hue; éventuellement en cas de doute un test désaturé mais surtout l'anomaloscope (équation de Rayleigh) qui est le seul à pouvoir différencier avec certitude un dichromatisme d'un trichromatisme anormal, et de pouvoir quantifier ce dernier.
L'intérêt du diagnostic précoce des DH est évident pour les aptitudes et l'ergonomie.
- Pour les dyschromatopsies acquises :
On évitera d'utiliser les PIC ; les planches rouge-vert sont inutiles, car l'atteinte du bleu est prépondérante dans les DA et les planches bleu-jaune sont imprécises en raison de leur caractère figé, incompatible avec la variabilité des axes dans les DA.
On utilisera en priorité des tests de classement désaturés pour rechercher de fines dyschromatopsies, en particulier le D15 désaturé mais aussi le New Color Test, le 28 hue désaturé. Le 100 hue, trop long et trompeur dans son interprétation pseudo-quantifiée, ne doit plus avoir qu'une place exceptionnelle.
Avec l'anomaloscope on utilisera la méthode des deux équations colorées qui permet de couvrir la totalité du spectre (partie chaude — mécanismes rouges et verts — avec l'équation de Rayleigh, partie froide — mécanismes bleus- avec l'équation de Moreland). Cette méthode permet une bonne quantification de la dyschromatopsie et d'en assurer le suivi.
La précocité des DA permet de dépister des atteintes oculaires infracliniques (diabète, toxique, SEP, atteintes médicamenteuses — APS, antituberculeux —). Leur analyse est aussi une aide précieuse au diagnostic (neurologie — neuropathie optique, atteinte centrale —, hérédodégénérescences rétiniennes, maladies acquises de la rétine).
REMARQUES UTILES :
Dans les faits, la vision des couleurs et leur distinction varient d’un individu à l'autre, car, même pour les personnes ayant une perception des couleurs dite normale, il existe un mélange de différents types d'anomalie, par la présence fréquente à la fois des pigments normaux et de pigments dotés de mutation, et une variabilité de la quantité relative de cônes porteurs de chacun de ces pigments. D’autre part, les taux relatifs de cônes porteurs de chaque pigment peuvent varier au cours de la vie de l’individu, notamment durant l’enfance lorsque la rétine se développe en taille. La proportion relative de certains types de cône peut augmenter au détriment des autres. Ces proportions peuvent aussi être affectées par certaines maladies ou infections car l’œil est fortement irrigué.
Enfin, chaque œil dispose de sa propre capacité de discernement avec une vision légèrement différente, et de même, certaines zones de la rétine n’ont pas une distribution uniforme des différents pigments; toutefois, dans ce cas, le cerveau, qui commande aussi les mouvements de l’œil, donne une interprétation commune et gomme ces différences locales, la sensibilité aux différences de couleurs augmentant alors avec la durée d'exposition.
Il est question d'anomalie seulement lorsque certains seuils minimums ne sont pas atteints pour les cônes porteurs des pigments normaux.
Ainsi, il existe pratiquement toujours entre deux personnes des paires de couleurs que l'une distingue et l'autre pas. Ceci explique que les cas de deutéranomalie soient, de loin, les plus fréquents (et sans doute même, plus fréquents que ce qu’ont pu mesurer les tests usuels basés sur un jeu limité de planches normalisées). En revanche, les cas d'anopie réelle sont extrêmement rares, et sont même aujourd’hui contestés : les sujets ne sont que rarement dénués de la vision de certaines couleurs, et parfois même, savent en disposer certaines dans un espace tridimensionnel. Ceci est dû au fait qu’ils sont quand même porteurs de plusieurs types de cônes dotés de pigments différents, même si l'un d’eux est trop prédominant sur tous les autres. Cela rend cette distinction plus difficile, et l’apprentissage par des méthodes comparatives (ou une modification de l’ambiance lumineuse) permet d’augmenter leur sensibilité.
Des recherches sont menées pour créer des tests encore plus fiables et plus précis, capables de mesurer les anomalies directement par inspection du fond de la rétine par exposition à des impulsions lasers colorées de très faible puissance et la mesure de la sensibilité des différentes zones rétiniennes par détection de l’effet de fluorescence produit sur leurs pigments. D'autres méthodes utilisent des séquences d'images ajustables par le spectateur pour déterminer les seuils à partir desquels ils ne ressentent plus certaines différences, mais ces tests dynamiques se heurtent à la rémanence rétinienne qui fausse certains résultats. Mais elles améliorent nettement la précision des anomalies et permettent aussi de donner un profil plus complet de la sensibilité rétinienne aux couleurs. Certains de ces tests ont été faits pour établir des modèles colorimétriques calibrés utilisés dans l’industrie (par exemple, en photographie, télévision et systèmes d’impression) pour offrir à la population une palette plus riche de couleurs.
Une étude récente semble montrer qu'une variante surprenante du daltonisme pouvait se produire chez certaines femmes daltoniennes. Il existe en effet un gène mutant qui au lieu de produire des cônes sensibles au vert, et d'autres sensibles au rouge, produirait un cône mutant sensible à une couleur située entre le vert et le rouge. Si une femme possède ce gène (placé sur le chromosome X) et une version normale du gène, elle pourrait posséder quatre types de cônes et être sensible à quatre couleurs au lieu de trois. Les personnes atteintes par cette mutation seraient sensibles à 100 fois plus de couleurs qu'une personne "normale".
Finalement, ce que nous définissons comme "voir" est en fait une construction du cerveau: la mémoire et "l'apprentissage" jouent un rôle majeur dans la vision.
Ceci suscite alors une question d'ordre philosophique: « Qu'est-ce vraiment que la couleur? »
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** PREMIÈRE ETAPE DANS LA CHAÎNE DE TRANSMISSION DU SIGNAL **
LES CÔNES
Les cônes sont des photorécepteurs situés à l’intérieur de la rétine optique. Ils sont dédiés à la perception des détails et des couleurs. Ils transforment le signal électromagnétique de la lumière en signal nerveux et permettent la vision diurne. La vision nocturne est assurée par les bâtonnets.
STRUCTURE D’UN CÔNE
EMBRYOLOGIE DE LA RÉTINE ET SES CÔNES
La rétine, élément essentiel du futur globe oculaire, se met en place très tôt au cours de la vie embryonnaire. Elle se forme à partir du tube neural et montre ainsi sa proximité de différentiation avec le système nerveux central qui a la même origine embryologique.
Le tube neural, canal embryonnaire formé par la fermeture de la gouttière neurale creusée dans l'un des feuillets primitifs, l'ectoblaste, se forme chez l'embryon à la quatrième semaine de la gestation. Il s'étend du sommet de la tête à la base du rachis et sa partie médiane se ferme avant ses extrémités. Il est à l'origine du système nerveux central (cerveau et moelle épinière), du système nerveux périphérique (nerfs), de la rétine, de la partie postérieure de l'hypophyse (petite glande endocrine située à la base du cerveau) et de l'épiphyse (autre glande endocrine cérébrale). Il donne aussi naissance à deux longs cordons cellulaires, appelés crêtes neurales, à partir desquels se forment les ganglions rachidiens, une partie des méninges, les gaines de certains nerfs et les cellules de la peau. Une absence de fermeture du tube neural pendant l'embryogenèse est responsable d'une malformation, le spina-bifida.
HISTOLOGIE DE LA RÉTINE
La rétine optique contient 3 couches, comme un neuro-épithélium :
1) couche épendymaire au contact de l'épithélium pigmenté --> cônes et bâtonnets.
2) manteau formé de 2 couches:
- couche externe de cellules bipolaires.
- couche interne ou couche optique avec ses cellules ganglionnaires émettant des axones dans la couche marginale --> pédicule optique --> nerf optique
3) couche marginale contenant essentiellement les axones des cellules ganglionnaires.
DISTRIBUTION ANATOMIQUE DES CÔNES SUR LA RÉTINE HUMAINE
Les cônes sont entre 5 et 7 millions par œil chez l'homme. Ils ne représentent que 5 % du total des photorécepteurs et sont principalement concentrés sur la fovéa, au centre de la rétine, dans le prolongement de l'axe optique. La partie centrale de la fovéa (ou fovéola), sur un rayon de 0,3 mm, ne contient que des cônes.
Cette région centrale est dotée d'une grande acuité visuelle. Chaque cône n'y est connecté qu'à une cellule bipolaire, elle-même liée à une seule cellule ganglionnaire. Cette région, toute petite, se projette ensuite dans le cortex sur une aire mille fois plus grande. Dès qu'on s'éloigne du centre, la densité des cônes diminue très rapidement, le degré de convergence avec les cellules ganglionnaires augmente et l'acuité s'en trouve corrélativement fortement réduite.
Cette propriété de restriction de l'acuité à une petite région rétinienne oblige à bouger des yeux sans arrêt pour percevoir clairement les objets intéressants.
Les trois types d’opsines contenus par les cônes et leur sensibilité différente au rayonnement lumineux :
Les opsines sont une famille de protéines capables de réagir à l'énergie lumineuse grâce à une liaison avec un chromophore particulier (le rétinal ou un de ses dérivés) formant ainsi une molécule mixte.
L'opsine modifie la longueur d'onde d'absorption du chromophore auquel elle est associée. De plus, une fois que l'opsine est activée par l'absorption d'un photon par le chromophore, elle est capable d'activer un second messager (souvent une protéine G) et déclencher une réponse cellulaire. L'opsine confère à la cellule une sensibilité à la lumière.
l'opsine S (S pour "short" en anglais) ou Bleue : maximum d'absorption à 420 nm,
l'opsine M (M pour "middle en anglais) ou Verte : maximum d'absorption à 530 nm,
l'opsine L (L pour "long" en anglais) ou Rouge : maximum d'absorption à 560 nm.
Les trois types de cônes S, M et L tapissant la rétine sont sensibles à trois gammes de longueurs d’onde. Les couleurs sur l’axe des abscisses montrent la correspondance entre longueur d’onde et couleur perçue lorsqu’une bande étroite de longueur d’onde est sélectionnée (à l’aide d’un filtre, par exemple).
Les trois types de cônes rétiniens en rapport :
L'homme perçoit une immense variété de couleurs différentes pourtant il ne possède que trois types de cônes ayant une sensibilité plus grande à certaines radiations de longueurs d'onde comprises entre 400 et 700 nm: les cônes (B) sensibles aux radiations de basses longueurs d'ondes ou cônes cyanolabes (437 nm), les cônes (V) sensibles aux radiations de moyennes longueurs d'ondes ou cônes chlorolabes (533 nm), et les cônes (R) sensibles aux radiations de grandes longueurs d'ondes ou cônes érytholabes (564 nm) (ces derniers réagissant d'ailleurs principalement aux radiations provoquant la sensation jaune).
Ces maximums de sensibilité sont par ailleurs différents de plusieurs nanomètres d'un individu à l'autre.
Chaque type de cônes est sensible à des radiations appartenant à un domaine étendu de longueur d'onde, dans la mesure où sa réponse ne fait que refléter le nombre de photons qu'il capte, indépendamment de leur longueur d'onde (le cône rouge capte aussi bien des photons verts de 500 nm, jaunes de 560 nm ou rouges de 650 nm). Un photorécepteur n'est qu'un « compteur de photons », suivant la formule de Michel Imbert, chaque photon absorbé par le pigment produit le même effet. La longueur d'onde n'intervient qu'au niveau de la probabilité d'absorption suivant la sensibilité spectrale du pigment N 1. La perception des couleurs n'est possible qu'au niveau du système nerveux central par comparaison des signaux issus de deux classes de cônes.
De plus la sensibilité spectrale, très proche, des cônes V et R fait qu'ils servent principalement à détecter la structure spatiale des images.
Chez l'Homme, les cônes B sont les moins nombreux (4 % – 5 %) puis viennent les cônes V et les cônes RN 2, avec des variations interindividuelles importantes. Les cônes forment une mosaïque avec chaque type disposé de manière aléatoire.
LA FONCTION DES CÔNES
La fonction des cônes est de convertir l'énergie lumineuse en variation du potentiel électrique de membrane. Cette transduction du signal se fait dans les disques du segment externe grâce à un pigment nommé iodopsine, une molécule composée d'une protéine de la classe des opsines et de rétinène (ou rétinal), un dérivé de vitamine A. Un photon en tombant sur une molécule de rétinène change sa conformation, en la faisant passer de l'état 11-cis en l'état tout-trans. Il s'ensuit une cascade de réactions qui par l'intermédiaire de la stimulation d'une protéine G, aboutit à la fermeture des canaux sodiques et à l'hyperpolarisation de la membrane.
Ainsi bizarrement, la lumière qui éclaire un cône ne produit pas sa dépolarisation mais son hyperpolarisation. À l'obscurité, le cône est dépolarisé, avec un potentiel de membrane d'environ -40 mV. Lorsque l'intensité lumineuse augmente, le potentiel de membrane est de plus en plus négatif, jusqu'à atteindre la saturation à -65 mV.
A l'obscurité, les photorécepteurs sont dépolarisés, un grand nombre de canaux calciques de la terminaison synaptique sont ouverts, entrainant une libération importante d'un neurotransmetteur, le glutamate, par la terminaison synaptique. Et lorsqu'on éclaire l'inverse se produit : la lumière produit une diminution de la vitesse de libération des transmetteurs. Lorsque l'intensité du stimulus lumineux augmente graduellement le taux de libération de glutamate diminue corrélativement.
Transfert du signal via un neurotransmetteur synaptique, le glutamate:
C’est l’énergie lumineuse absorbée par les photorécepteurs des cônes qui va permettre la création et la modulation de l’influx nerveux parcourant les neurones de la chaîne optique.
La synapse désigne une zone de contact fonctionnelle qui s'établit entre deux neurones, ou entre un neurone et une autre cellule (cellules musculaires, récepteurs sensoriels…). Elle assure la conversion d'un potentiel d'action déclenché dans le neurone présynaptique en un signal dans la cellule postsynaptique. On estime, pour certains types cellulaires (par exemple cellule pyramidale, cellule de Purkinje…), qu'environ 40 % de la surface membranaire est couverte de synapses.
L'acide glutamique n'est pas seulement l'une des briques élémentaires utilisées pour la synthèse des protéines, c'est aussi le neurotransmetteur excitateur le plus répandu dans le système nerveux central (encéphale + moelle épinière) et un précurseur du GABA dans les neurones GABAergiques. Il serait le médiateur de près de 50 % des neurones centraux. C'est le neurotransmetteur excitateur principal des neurones pyramidaux. Ce sont des neurones de projection trouvés dans les connexions corticostriatales et corticothalamiques.
Légende.
1. Stockage du glutamate dans une vésicule synaptique;
2. L'arrivée du potentiel de récepteur dans la terminaison présynaptique;
3. Fusion des vésicules avec la membrane pré-synaptique;
4. Libération du glutamate dans la fente synaptique;
5. Fixation du glutamate sur les récepteurs de la membrane postsynaptique;
6. Nouveau potentiel de récepteur;
7. Inactivation du glutamate par des enzymes;
8. Recapture du glutamate.
Ainsi, le potentiel de récepteur, contenant les informations sensorielles nées lors de la transduction, contrôle le flux du neurotransmetteur libéré qui se chargera d'induire les informations sensorielles dans les cellules bipolaires et horizontales de la rétine (voir illustration du haut de billet).
POUR ALLER PLUS LOIN DANS LE TRANSFERT DU SIGNAL
SOURCES