Jean-Claude Carrière écrivain, scénariste, parolier, metteur en scène et occasionnellement acteur français nous livre sa seconde cueillette d’histoires d’hier et d’aujourd’hui dans son livre : Contes philosophiques du monde entier – Le cercle des menteurs 2.
Histoires connues ou histoires rares, antiques ou contemporaines, issues de la tradition écrite ou orale, drôles, philosophiques ou sentencieuses, elles abondent en pépites de sagesse populaire et de bons mots. J’ai un petit faible pour les historiettes mettant en scène le personnage récurent de Nasreddin Hodja. Ce petit homme vif et rusé parcoure, souvent à dos d’âne, le Maghreb et le pourtour méditerranéen au point qu’on finit par perdre la trace de son lieu de naissance. Pour vous mettre l’eau à la bouche et vous inciter à lire l’ouvrage, je me permets d’extraire du livre une d’entre elle qui conforte mon agacement vis à vis des obséquiosités et des propos outrageusement laudatifs suintant l’hypocrisie dont le point d’orgue se fait entendre lors des rituels funèbres.
Nasreddin, nous a-t-on raconté, détestait tout ce qui se rapportait à la mort, en particulier, les cérémonies, prières et rituels traditionnels. Un imam lui en faisait un jour reproche et Nasreddin se défendait comme il pouvait: le prophète n’en fait pas une obligation, disait-il, il ne faut pas donner trop de gloire à la mort. Et d’autres arguments.
- Fais tout de même un effort, lui dit l’imam, ne serait-ce que par respect et amitié pour les familles!
- Tu as raison, lui dit soudain Nasreddin. Ecoute: par respect pour ma famille, je te promets que je serai présent à mes propres funérailles. Tu as ma parole. Je serai là à l’heure dite et je resterai jusqu’à la fin de l’enterrement. Il y a une seule chose que je ne peux pas te promettre.
- Laquelle? Demanda l’imam.
- Je ne pourrai pas rester pour les condoléances. J’ai toujours eu horreur de ça.