Ne sombrons pas dans l’angélisme en louant à outrance la puissance des moteurs de recherche dont nous disposons. Ceux-ci ont bien entendu quelques arrières-pensées commerciales. Nombre de nos recherches nous l’indiquent avec leurs fenêtres publicitaires adjointes pendant notre navigation. Évoquant avec un ami de mon âge la nouvelle rentrée des classes, nous en étions venus à retrouver la foule d’objets d’usage non scolaires embarqués dans nos cartables et les poches de nos pantalons à la fin des années cinquante. La plupart d’entre eux sont probablement aujourd'hui prohibés à l’aune du «sécuritarisme» ambiant qui peut par ailleurs nous interroger quant à la survie de notre génération méconnaissant le catalogue impressionnant des mises en garde actuelles. Pour donner dans la poésie, "grolandaise", il serait urgent d'apposer cette mise en garde sur les boîtes de petits pois: «Attention, ce produit fait péter».
Je viens d’effectuer une recherche sur quelques uns des objets que notre mémoire avait ressuscités. Plus particulièrement ceux qui attiraient la convoitise dans les cours d’école d’antan: biscailles en acier de taille monstrueuse extraits de roulements à bille de locomotives à vapeur, pétards crapauds dont l’emballage en papier crépon rouge contenait un mélange de poudre et de gravier, gyroplanes envoyant leur hélice au ciel lorsqu’on tirait vivement l’anneau déroulant la bobine de fil solidaire de l’axe de rotation, crapauds sauteurs en tôle à l’ingénieux système de propulsion à retardement, boîtes de poil à gratter et haricots sauteurs mexicains. Je recherchais surtout les petites fusées multicolores en plastique de tirettes de fête foraine qu’on jetait en l’air et qui, lorsqu’elles touchaient le sol, faisaient éclater l’amorce coincée par un ressort dans la tête lestée. Je n’ai en fait trouvé qu’un lien brisé concernant cet objet sur un site de vente aux enchères en ligne.
Cependant, à ma plus grande joie, j’ai retrouvé un de mes jeux favoris de l’époque qui m’avait fait découvrir un nombre d’adulateurs insoupçonné dans mon quartier: un autre type de fusée. Le propulseur était une sorte de fronde constituée d’un bâton de plastique robuste muni à son extrémité d’un élastique puissant qu’on accrochait à une ailette proche du sommet de la fusée. Celle-ci, arrivée à l’apogée de sa trajectoire, au moment d’amorcer sa retombée, s’ouvrait grâce à un balancier levier pour laisser s’échapper un parachute en nylon accroché à la base. La fusée revenait au sol au gré des turbulences aériennes et des vents dominants. Les souvenirs, comme les roses, ont hélas des épines. J’ai encore en mémoire l’image de mon prestigieux engin pendouillant lamentablement, accroché à la ligne électrique aérienne de ma rue. Nos techniques de récupérations, toutes plus ingénieuses les unes que les autres (corde lestées d’un caillou, arcs artisanaux, bâtons lancés au petit bonheur), n’avaient réussi qu’à provoquer un court circuit général dans le quartier. Encore un mystère des pannes de secteur non élucidées par les équipes de dépannage commises par l’électricité de France. Bien entendu, nous ne nous étions pas vantés de notre exploit.
Les jours de grande nostalgie, je reviendrai consulter mon billet et contempler la larme à l’œil, le clone chéri de ce jouet précurseur des techniques de récupération des capsules spatiales de la décennie suivante.