Quand, au début des années 90, Pierre Desproges s’attaquait avec une bonhomie taquine à l’esprit de meute et au corporatisme beuglant de la jeunesse, comme on dit: passages choisis, glanés dans quelques-uns de ses livres qui pourraient servir de bréviaires à quelques gagas atteints de jeunisme primaire.
" Les jeunes ont été nombreux à m’écrire ces jours-ci pour me traiter de vieux con. Si tant est qu’on puisse appeler "écrire" n’importe quelle tentative de représentation d’une ébauche de pensée par le biais de symboles graphiques incohérents couchés dans le désordre au mépris total de la grammaire, de la syntaxe, de l’orthographe et du souvenir de mon aïeule Germaine Philippin, institutrice de l’époque missionnaire, qu’une cédille oubliée décourageait aux larmes."
« Et vous, qu’est-ce que vous avez fait pour les jeunes ? » lançait l’autre soir, Jack Lang, cette frétillante endive frisée de la culture en cave, à l’intention de je ne sais plus quelle poire blette de la nouvelle sénilité parlementaire.
« Qu’est-ce que vous avez fait pour les jeunes ? »
Depuis trente ans, la jeunesse, c'est-à-dire la frange la plus totalement parasitaire de la population, bénéficie sous nos climats d’une dévotion frileuse qui confine à la bigoterie. Malheur à celui qui n’a rien fait pour les jeunes, c’est le péché suprême, et la marque de la pédophobie est sur lui...
… Leur servilité sans faille aux consternantes musiques mort-nées que leur imposent les marchands de vinyle n’a d’égale que leur soumission béate au port des plus grotesques uniformes auxquels les soumettent les maquignons de la fripe. Il faut remonter à l’Allemagne des années 30, pour retrouver chez les boutonneux un tel engouement pour la veste à brandebourgs et le rythme des grosses caisses.
Il est de fait que les vieux cons, comme vous dites, sont d’anciens jeunes cons restés fidèles aux mêmes valeurs sacrées de la condition humaine qui s’accommodent aussi bien de la banane sur l’œil à 18 ans que de la casquette Ricard à 50."Vous n’avez rien contre les jeunes?", version à peine édulcorée du répugnant, "T’as pas cent balles?". C’est la phrase clé que vous balancent de molles gouapes en queue de puberté, pour tenter de vous escroquer d’une revue bidon entièrement peinte avec les genoux par des jeunes infirmes. (Je veux dire "handicapés". Que les bancals m’excusent.)
La jeunesse, toutes les jeunesses sont le temps kafkaïen où la larve humiliée, couchée sur le dos, n’a pas plus de raison de ramener sa fraise que de chances de se remettre toute seule sur ses pattes. Autant que la vôtre, je renie la mienne. L’humanité est un cafard. La jeunesse est son ver blanc.
Voilà comment ils sont les étudiants en lettres de par chez moi: nantis, dorlotés, choyés, brossés, fringués, cirés, chouchoutés, argentés, motorisés, transportés en carrosse jusqu’au cœur des bibliothèques, pour ne pas user leurs pauvres petites papattes fragiles de jeunes, ni troubler leur putain d’âme de jeunes, qu’ont des problèmes de jeunes.
Peut-on revendiquer comme un exploit d’être l’écrivain le plus doué dans cette génération post-soixante-huitarde de consternants tarés analphabètes débordant d’inculture, que de soi-disant enseignants mongoloïdes, grabataires du cortex avant la quarantaine, continuent à mettre à l’abri du moindre effort de découverte pour ne pas perturber leur petit caca d’ego avec ou sans trique, et ne point épuiser leur frêle intelligence, tendre chrysalide ?"Jean Jaurès? C’est une rue, quoi !", me disait récemment l’étron bachelier d’une voisine, laquelle et son mari, par parenthèse, acceptent de coucher par terre chez eux les soirs où leur crétin souhaite trombiner sa copine de caleçon dans le lit conjugal.
Ceci expliquant cela: il n’y a qu’un "ah" de résignation entre défection et défécation.
(…) Il se dessine de façon tangible, dans votre génération qui monte, mon camarade, une espèce d’ambition glacée d’arriver par le fric et un mépris cynique de tous les idéaux assez peu compatible avec l’idée qu’on se fait de la jeunesse éternelle génératrice de fougues irréfléchies et de colères gratuites.
Certes, il est pénible de vieillir, mais il est important de vieillir bien, c’est-à-dire sans déranger les jeunes.
Allons, boutonneuses et boutonneux, ne nous gaussons plus de la guerre de 39-45 sans laquelle l’humanité n’aurait jamais découvert le Zyclon B, le général de Gaulle, la bombe atomique et le bas nylon indémaillable sans lequel la jambe de la femme ne serait jamais qu’un vulgaire membre inférieur.
C’est la faute au malaise des jeunes si, après trois années de fac et 7 ans de lycée, ils croient encore que le Montherlant est un glacier Alpin, Boris Vian un dissident soviétique, Sartre le chef-lieu de la rillette du Mans.
J’ai un quotient intellectuel de 130. Cela signifie que j’ai un niveau d’intelligence exceptionnel. C’est important, l’intelligence. L’intelligence, c’est le seul outil qui permet à l’homme de mesurer l’étendue de son malheur. L’intelligence, c’est comme les parachutes. Quand on n’en a pas, on s’écrase.
Pour terminer, un couplet d'une chanson de Brassens qu'il portait aux nues:
" Les jeunes ont été nombreux à m’écrire ces jours-ci pour me traiter de vieux con. Si tant est qu’on puisse appeler "écrire" n’importe quelle tentative de représentation d’une ébauche de pensée par le biais de symboles graphiques incohérents couchés dans le désordre au mépris total de la grammaire, de la syntaxe, de l’orthographe et du souvenir de mon aïeule Germaine Philippin, institutrice de l’époque missionnaire, qu’une cédille oubliée décourageait aux larmes."
« Et vous, qu’est-ce que vous avez fait pour les jeunes ? » lançait l’autre soir, Jack Lang, cette frétillante endive frisée de la culture en cave, à l’intention de je ne sais plus quelle poire blette de la nouvelle sénilité parlementaire.
« Qu’est-ce que vous avez fait pour les jeunes ? »
Depuis trente ans, la jeunesse, c'est-à-dire la frange la plus totalement parasitaire de la population, bénéficie sous nos climats d’une dévotion frileuse qui confine à la bigoterie. Malheur à celui qui n’a rien fait pour les jeunes, c’est le péché suprême, et la marque de la pédophobie est sur lui...
… Leur servilité sans faille aux consternantes musiques mort-nées que leur imposent les marchands de vinyle n’a d’égale que leur soumission béate au port des plus grotesques uniformes auxquels les soumettent les maquignons de la fripe. Il faut remonter à l’Allemagne des années 30, pour retrouver chez les boutonneux un tel engouement pour la veste à brandebourgs et le rythme des grosses caisses.
Il est de fait que les vieux cons, comme vous dites, sont d’anciens jeunes cons restés fidèles aux mêmes valeurs sacrées de la condition humaine qui s’accommodent aussi bien de la banane sur l’œil à 18 ans que de la casquette Ricard à 50."Vous n’avez rien contre les jeunes?", version à peine édulcorée du répugnant, "T’as pas cent balles?". C’est la phrase clé que vous balancent de molles gouapes en queue de puberté, pour tenter de vous escroquer d’une revue bidon entièrement peinte avec les genoux par des jeunes infirmes. (Je veux dire "handicapés". Que les bancals m’excusent.)
La jeunesse, toutes les jeunesses sont le temps kafkaïen où la larve humiliée, couchée sur le dos, n’a pas plus de raison de ramener sa fraise que de chances de se remettre toute seule sur ses pattes. Autant que la vôtre, je renie la mienne. L’humanité est un cafard. La jeunesse est son ver blanc.
Voilà comment ils sont les étudiants en lettres de par chez moi: nantis, dorlotés, choyés, brossés, fringués, cirés, chouchoutés, argentés, motorisés, transportés en carrosse jusqu’au cœur des bibliothèques, pour ne pas user leurs pauvres petites papattes fragiles de jeunes, ni troubler leur putain d’âme de jeunes, qu’ont des problèmes de jeunes.
Peut-on revendiquer comme un exploit d’être l’écrivain le plus doué dans cette génération post-soixante-huitarde de consternants tarés analphabètes débordant d’inculture, que de soi-disant enseignants mongoloïdes, grabataires du cortex avant la quarantaine, continuent à mettre à l’abri du moindre effort de découverte pour ne pas perturber leur petit caca d’ego avec ou sans trique, et ne point épuiser leur frêle intelligence, tendre chrysalide ?"Jean Jaurès? C’est une rue, quoi !", me disait récemment l’étron bachelier d’une voisine, laquelle et son mari, par parenthèse, acceptent de coucher par terre chez eux les soirs où leur crétin souhaite trombiner sa copine de caleçon dans le lit conjugal.
Ceci expliquant cela: il n’y a qu’un "ah" de résignation entre défection et défécation.
(…) Il se dessine de façon tangible, dans votre génération qui monte, mon camarade, une espèce d’ambition glacée d’arriver par le fric et un mépris cynique de tous les idéaux assez peu compatible avec l’idée qu’on se fait de la jeunesse éternelle génératrice de fougues irréfléchies et de colères gratuites.
Certes, il est pénible de vieillir, mais il est important de vieillir bien, c’est-à-dire sans déranger les jeunes.
Allons, boutonneuses et boutonneux, ne nous gaussons plus de la guerre de 39-45 sans laquelle l’humanité n’aurait jamais découvert le Zyclon B, le général de Gaulle, la bombe atomique et le bas nylon indémaillable sans lequel la jambe de la femme ne serait jamais qu’un vulgaire membre inférieur.
C’est la faute au malaise des jeunes si, après trois années de fac et 7 ans de lycée, ils croient encore que le Montherlant est un glacier Alpin, Boris Vian un dissident soviétique, Sartre le chef-lieu de la rillette du Mans.
J’ai un quotient intellectuel de 130. Cela signifie que j’ai un niveau d’intelligence exceptionnel. C’est important, l’intelligence. L’intelligence, c’est le seul outil qui permet à l’homme de mesurer l’étendue de son malheur. L’intelligence, c’est comme les parachutes. Quand on n’en a pas, on s’écrase.
Pour terminer, un couplet d'une chanson de Brassens qu'il portait aux nues:
Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
Est plus de quatre on est une bande de cons.
Bande à part, sacrebleu ! c’est ma règle et j’y tiens.
Au faisceau de phallus on n’ verra pas le mien.
Le pluriel - Georges Brassens