mardi 29 septembre 2009

Pierre Desproges aimait beaucoup les jeunes


Quand, au début des années 90, Pierre Desproges s’attaquait avec une bonhomie taquine à l’esprit de meute et au corporatisme beuglant de la jeunesse, comme on dit: passages choisis, glanés dans quelques-uns de ses livres qui pourraient servir de bréviaires à quelques gagas atteints de jeunisme primaire.

" Les jeunes ont été nombreux à m’écrire ces jours-ci pour me traiter de vieux con. Si tant est qu’on puisse appeler "écrire" n’importe quelle tentative de représentation d’une ébauche de pensée par le biais de symboles graphiques incohérents couchés dans le désordre au mépris total de la grammaire, de la syntaxe, de l’orthographe et du souvenir de mon aïeule Germaine Philippin, institutrice de l’époque missionnaire, qu’une cédille oubliée décourageait aux larmes."

« Et vous, qu’est-ce que vous avez fait pour les jeunes ? » lançait l’autre soir,
Jack Lang, cette frétillante endive frisée de la culture en cave, à l’intention de je ne sais plus quelle poire blette de la nouvelle sénilité parlementaire.
« Qu’est-ce que vous avez fait pour les jeunes ? »
Depuis trente ans, la jeunesse, c'est-à-dire la frange la plus totalement parasitaire de la population, bénéficie sous nos climats d’une dévotion frileuse qui confine à la bigoterie. Malheur à celui qui n’a rien fait pour les jeunes, c’est le péché suprême, et la marque de la pédophobie est sur lui...

… Leur servilité sans faille aux consternantes musiques mort-nées que leur imposent les marchands de vinyle n’a d’égale que leur soumission béate au port des plus grotesques uniformes auxquels les soumettent les maquignons de la fripe. Il faut remonter à l’Allemagne des années 30, pour retrouver chez les boutonneux un tel engouement pour la veste à brandebourgs et le rythme des grosses caisses.

Il est de fait que les vieux cons, comme vous dites, sont d’anciens jeunes cons restés fidèles aux mêmes valeurs sacrées de la condition humaine qui s’accommodent aussi bien de la banane sur l’œil à 18 ans que de la casquette
Ricard à 50."Vous n’avez rien contre les jeunes?", version à peine édulcorée du répugnant, "T’as pas cent balles?". C’est la phrase clé que vous balancent de molles gouapes en queue de puberté, pour tenter de vous escroquer d’une revue bidon entièrement peinte avec les genoux par des jeunes infirmes. (Je veux dire "handicapés". Que les bancals m’excusent.)

La jeunesse, toutes les jeunesses sont le temps kafkaïen où la larve humiliée, couchée sur le dos, n’a pas plus de raison de ramener sa fraise que de chances de se remettre toute seule sur ses pattes. Autant que la vôtre, je renie la mienne. L’humanité est un cafard. La jeunesse est son ver blanc.

Voilà comment ils sont les étudiants en lettres de par chez moi: nantis, dorlotés, choyés, brossés, fringués, cirés, chouchoutés, argentés, motorisés, transportés en carrosse jusqu’au cœur des bibliothèques, pour ne pas user leurs pauvres petites papattes fragiles de jeunes, ni troubler leur putain d’âme de jeunes, qu’ont des problèmes de jeunes.

Peut-on revendiquer comme un exploit d’être l’écrivain le plus doué dans cette génération post-soixante-huitarde de consternants tarés analphabètes débordant d’inculture, que de soi-disant enseignants mongoloïdes, grabataires du cortex avant la quarantaine, continuent à mettre à l’abri du moindre effort de découverte pour ne pas perturber leur petit caca d’ego avec ou sans trique, et ne point épuiser leur frêle intelligence, tendre chrysalide ?
"Jean Jaurès? C’est une rue, quoi !", me disait récemment l’étron bachelier d’une voisine, laquelle et son mari, par parenthèse, acceptent de coucher par terre chez eux les soirs où leur crétin souhaite trombiner sa copine de caleçon dans le lit conjugal.
Ceci expliquant cela: il n’y a qu’un "ah" de résignation entre défection et défécation.

(…) Il se dessine de façon tangible, dans votre génération qui monte, mon camarade, une espèce d’ambition glacée d’arriver par le fric et un mépris cynique de tous les idéaux assez peu compatible avec l’idée qu’on se fait de la jeunesse éternelle génératrice de fougues irréfléchies et de colères gratuites.

Certes, il est pénible de vieillir, mais il est important de vieillir bien, c’est-à-dire sans déranger les jeunes.

Allons, boutonneuses et boutonneux, ne nous gaussons plus de la guerre de 39-45 sans laquelle l’humanité n’aurait jamais découvert le
Zyclon B, le général de Gaulle, la bombe atomique et le bas nylon indémaillable sans lequel la jambe de la femme ne serait jamais qu’un vulgaire membre inférieur.

C’est la faute au malaise des jeunes si, après trois années de fac et 7 ans de lycée, ils croient encore que
le Montherlant est un glacier Alpin, Boris Vian un dissident soviétique, Sartre le chef-lieu de la rillette du Mans.

J’ai un quotient intellectuel de 130. Cela signifie que j’ai un niveau d’intelligence exceptionnel. C’est important, l’intelligence. L’intelligence, c’est le seul outil qui permet à l’homme de mesurer l’étendue de son malheur. L’intelligence, c’est comme les parachutes. Quand on n’en a pas, on s’écrase.


Pour terminer, un couplet d'une chanson de Brassens qu'il portait aux nues:

Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
Est plus de quatre on est une bande de cons.
Bande à part, sacrebleu ! c’est ma règle et j’y tiens.
Au faisceau de phallus on n’ verra pas le mien.

Le pluriel - Georges Brassens

jeudi 24 septembre 2009

Dépassée la pub de la mère Denis


La publicité suggestive se fonde sur une approche psychologique de l'individu. En terme sémiologique, on parlera d'une publicité de la connotation qui suggère, qui ne fait pas appel à la raison mais aux sens. Ce type de publicité donne un grand pouvoir à l'image et à sa puissance projective qui permet d'influencer l'inconscient.

Ou quand les publicitaires danois, pour vendre des machines à laver (Fleggaard Holding A/S), ont retenu la leçon de la mère Denis et font vaguement appel à nos sens en saupoudrant le tout d'une infime pincée de messages subliminaux.

You Tube ayant retiré la pub pour "raison d'usage inapproprié" (pudibonderie?), utilisez désormais le parachute de secours Daily Motion, avec filtre parental, qu'aurait pu simplement adopter son concurrent, si c'est la raison: TIREZ ICI

mercredi 23 septembre 2009

TAS ou Trouble Affectif Saisonnier



Représentation d'une molécule de mélatonine


Structure de la molécule de Dopamine

Chaque année, dans les pays des hautes latitudes, avec le raccourcissement des jours et la baisse d’intensité lumineuse, de nombreuses personnes (une sur cinq environ) sont affectées par le trouble affectif saisonnier ou dépression saisonnière. Parmi elles, deux tiers ne présentent que des symptômes atténués appelés communément blues hivernal. Le TAS est trois à quatre fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. Il débute généralement après vingt ans et touche aussi les personnes non prédisposées à la dépression. Il apparaît plus ou moins tôt dans l’année et de façon plus ou moins prononcée selon les latitudes et la réceptivité des sujets. Il est fort répandu et invalidant en Europe dans les pays nordiques.

En règle générale, les symptômes associés aux TAS disparaissent avec l’arrivée du printemps. Cependant, ces dernières années avec l’apparition massive de la climatisation, de nombreuses personnes et notamment les sujets âgées ont eu tendance à se confiner l’été à l’abri de la lumière. On voit désormais des personnes souffrant de troubles affectifs saisonniers en été. En général, les symptômes qui apparaissent deux hivers de suite, sans aucune autre explication pour les changements d’humeur et de comportement, indiquent la présence d’un TAS.

1 - Causes des troubles affectifs saisonniers :

La physiopathologie évoque un déséquilibre de répartition des amines cérébrales dans l’organisme, comme dans la dépression classique d'ailleurs. Sérotonine, dopamine et mélatonine sont particulièrement incriminées. La mélatonine est secrétée par une petite glande placée à la base de notre cerveau: l’épiphyse. Des mécanismes de rétroaction modulent sa production en fonction de la quantité de lumière dispensée durant la journée. L’activité des photorécepteurs rétiniens est le premier chaînon du mécanisme de sa régulation. Cette amine cérébrale sécrétée en forte quantité la nuit subsisterait anormalement dans la journée chez les personnes souffrant de dépression saisonnière. Leurs taux de sérotonine circulants - cette dernière favorise l’éveil et la vigilance - ne suffisent pas alors à contrebalancer l’action "somnifère" de la mélatonine.

2 - Diagnostic :

Le diagnostic différentiel est difficile avec les autres types de dépression ou les troubles bipolaires. Certaines pathologies thyroïdiennes, sont également à éliminer avant de porter le diagnostic. La grande problématique vient du fait que cette maladie est trop souvent sous diagnostiquée et que la confusion avec une dépression classique entraîne une médication inadaptée, trop hâtivement prescrite par des médecins généralistes connaissant mal cette affection. Cependant, aucune étude n’a été réalisée sur la corrélation entre le pic de consommation d’antidépresseurs et leur saisonnalité de consommation. Les laboratoires pharmaceutiques n'ont peut-être pas intérêt à faire une étude montrant que la prescription d'antidépresseurs a un pic hivernal qui pourrait correspondre à des TAS ignorés?

3 – Principaux symptômes :

Changement des goûts alimentaires, avec notamment un désir accru d’aliments sucrés ou féculents. Prise de poids. Fatigue. Augmentation importante du besoin de sommeil associée à des réveils difficiles. Difficulté à se concentrer dans la journée et irritabilité. Évitement des situations sociales. Majoration de l’anxiété de base habituelle du sujet.

4 – Traitement :

Le traitement par des séances de luminothérapie s’avère efficace dans environ 80% des cas. Celles-ci consistent à exposer les sujets à un rayonnement lumineux par des lampes dont le spectre d'émission est proche de celui du soleil, infrarouges et ultraviolets exclus. La cure consiste à allonger progressivement la durée d’application par tranches de dix minutes jusqu’à une demi-heure par jour, d’octobre à février. Il existe même dans les pays scandinaves des commerces et des cafés équipés de lampes répondant à des normes techniques réglementées pour prévenir la population locale de cette affection. Le simulateur d’aube est un excellent complément aux séances de luminothérapie. Il a été cliniquement testé et a donné des résultats positifs sur des sujets atteints de dépression saisonnière.
 
5 - Mécanisme :
 
Les déprimés saisonniers auraient une horloge biologique un petit peu moins bien réglée en hiver, du fait du manque de lumière. Cela contribuerait aux problèmes d’humeur. C’est vraisemblablement la mélatonine qui n’est pas sécrétée correctement au bon moment. Beaucoup de maladies psychiatriques ont une saisonnalité dans leurs symptômes.
 
Chaque rétine de l’œil humain contient un sous-groupe relativement restreint d’environ 2000 cellules ganglionnaires photosensibles contenant de la mélanopsine. Leur réponse électrophysiologique à une stimulation lumineuse se distingue nettement de celle des cônes et des bâtonnets. Au contraire de ceux-ci qui montrent une hyperpolarisation rapide en réponse à un stimulus lumineux, les cellules ganglionnaires photosensibles montrent plutôt une dépolarisation membranaire qui est aussi beaucoup plus lente. La similitude de ce type de réponse avec celle des cellules photosensibles d’invertébrés comme la mouche ou la pieuvre appuie l’idée que ce système de signalisation est beaucoup plus ancien que la vision du point de vue phylogénétique. La Mélanopsine, ce pigment photosensible contenu dans ces cellules ganglionnaires de la rétine, particulièrement sensibles à la lumière bleue, permettrait entre autres à l’horloge biologique de bien détecter le début et la fin du jour. Un ciel bleu, beaucoup plus présent en été participe, via la Mélanopsine à moduler certaines fonctions des amygdales du cerveau responsables des réponses comportementales et végétatives associées en particulier dans la peur et l'anxiété.

Au soleil, moins de fatigue, plus de motivation.


Lampe de luminothérapie





Représentation 3D d'une molécule de sérotonine


Clic sur les images du billet pour agrandissements et titres

N.B: chez les anglo-saxons la dénomination SAD ou Seasonal Affective Disorder est beaucoup plus évocatrice !

vendredi 11 septembre 2009

Un singe en hiver





"Car la vie est un bien perdu quand on l'a pas vécue comme on aurait voulu."

Cette citation approximative du poète roumain Mihai Eminescu ("La vie est un bien perdu pour celui qui n'a pas vécu comme il aurait voulu.") apparaissant au générique de fin du film de José Giavanni "Dernier domicile connu", pourrait tout aussi bien figurer dans celui-ci.

Un singe en hiver est un film français réalisé par Henri Verneuil, d'après le roman éponyme Un singe en hiver (1959) d'Antoine Blondin, en 1962. Servi par le texte du romancier et les dialogues de Michel Audiard, je le place sur le podium du genre avec les "Tontons flingueurs" et "Le cave se rebiffe". Effectuer un remake étranger serait une entreprise coupable, qui plus est, vouée à l’échec. Les dialogues sont émaillés d’expressions argotiques, de tournures de phrases et de tirades gouailleuses aux saveurs essentiellement perceptibles par un francophone. L’association Gabin-Belmondo fait merveille dans ce beau duo de singes en hiver. En plus de son humour ravageur, ce film a par moment des accents lyriques et poétiques qui le démarquent de ceux que je viens d'évoquer. Il propose une brochette de seconds rôles savoureux. Quelques uns campent des personnages assez proches de ceux de "La traversée de Paris" de Claude Autan-Lara. Une parabole sur la rencontre, l’ivresse du voyage ou le voyage de l'ivresse, le temps qui passe et puis même, une satyre jubilatoire, moins vitriolée que dans la dernière œuvre citée, de quelques « salauds de pauvres ».

Le blog-notes de la Mansarde note ce film 11/10.





A noter: en 1964, Henri Verneuil réalise "Week-end à Zuydcoote" un nouveau coup de maître.

"Un film hors série pour tout dire. Un des plus grands films de guerre, un des plus troublants, un des plus riches en résonance qui ait été produit dans le genre. Il empoigne. Et dans la forme, il brille."

Le Figaro.