La couleur de la peau (épiderme, poils, cheveux) des Mammifères est due à la présence de mélanines:
eumélanines, phaeomélanines, trichochromes. Ces pigments sont portés par des organites intracellulaires appelés
mélanosomes. Ceux-ci sont produits par une cellule spécialisée, le
mélanocyte, qui les transfère ultérieurement aux kératinocytes avoisinants par l’intermédiaire de ses dendrites. Chez les Mammifères, l’ensemble de la population mélanocytaire de la peau peut être considéré, dans les conditions normales, comme un système
bicompartimental : compartiment
épidermique et compartiment
folliculaire.
L’individualisation de ces deux sous-populations repose sur des bases anatomiques et physiologiques. En effet, si le fonctionnement des mélanocytes est dépendant du programme génétique qui est commun aux cellules pigmentaires des deux compartiments, il peut être influencé par l’
environnement interne et externe qui est différent dans l’épiderme et dans le follicule pileux. Cette distinction est importante pour l’étude comparée de la pigmentation cutanée de l’Homme (peau dépourvue de pelage) et des autres Mammifères. Dans les conditions normales, les facteurs les plus importants dans le déterminisme de la pigmentation constitutive de la peau sont : la nature biochimique des mélanines synthétisées et le niveau d’activité des mélanocytes.
Les mélanocytes cutanés dérivent de la
crête neurale. Les cellules de la crête neurale sont initialement des cellules souches pluripotentes mais leurs potentialités de différenciation se restreignent au fur et à mesure de leur développement. Elles constituent un modèle de choix pour l'étude de la migration et de la différenciation cellulaire.
Les précurseurs des
mélanocytes, les
mélanoblastes, correspondent à de grandes cellules rondes ou ovales. La différenciation des mélanoblastes en mélanocytes (acquisition du caractère dendritique, positivité de la DOPA réaction) se produit chez l’Homme entre la 8e et la 14e semaine de la vie intra-utérine. Après une migration qui s’effectue selon un axe dorsoventral et craniocaudal, les mélanoblastes atteignent leur territoire définitif, c’est-à-dire l’assise basale de l’épiderme et les follicules pileux. Il est donc clairement établi que les mélanocytes tégumentaires des Mammifères ont pour origine plusieurs clones mélanoblastiques qui se sont répartis symétriquement à la surface du corps. Les mélanocytes colonisent donc l’épiderme avant la différenciation des poils.
Au stade initial de l’apparition des poils, les mélanocytes se répartissent au hasard sans localisation privilégiée dans l’ébauche pilaire. Ce n’est qu’après le sixième mois de la vie intra-utérine, que les mélanocytes se localiseront à l’infundibulum (assise périphérique de la gaine épithéliale externe) et au sommet de la papule dermique dans le bulbe pileux (I, SHIMMA & I,WDLAN 1966).
Diverses
anomalies du développement embryonnaire peuvent perturber l’installation du système pigmentaire de la peau :
- par atteinte de la crête neurale avec absence de développement des mélanoblastes ou réduction de leur nombre ;
- par atteinte du mélanoblaste qui perd sa capacité de différenciation mélanocytaire;
- par l’influence néfaste de l’environnement tissulaire qui perturbe la migration du mélanoblaste et/ou empêche sa survie.
De telles mutations sont observées chez l’Homme (piébaldisme, syndrome de Waardenburg...) aussi bien que chez la plupart des autres Mammifères. Elles se caractérisent dans l’épiderme et dans les follicules pileux par une absence de mélanocytes (SHMER et al., 1979).
Dans l’épiderme, l’activité des mélanocytes est
continue. Elle détermine la pigmentation constitutive de l’individu considéré. L’intervention de stimuli internes ou externes détermine l’acquisition d’une pigmentation facultative.
L’activité des mélanocytes folliculaires est au contraire
discontinue, rythmée par le cycle pilaire. Ceux-ci ne synthétisent activement du pigment que pendant une phase très courte du cycle pilaire, à savoir de l’anagène III à l’anagène VI. Ces phases de synthèse des mélanocytes se traduisent par des modifications morphologiques (augmentation du nombre des dendrites et du volume du cytoplasme, développement de l’appareil de Golgi et du réticulum endoplasmique, augmentation du nombre de mélanosomes) et biochimiques (apparition d’une activité tyrosinasique dont les formes moléculaires séparables par électrophorèse sur gel de polyacrylamide se modifient au cours du cycle.
L’homéostasie de la population mélanocytaire est différente dans l’épiderme et dans les follicules pileux. Au cours de la vie, la population mélanocytaire de l’épiderme est relativement constante, bien que décroissant progressivement avec l’âge. En l’absence de toute stimulation externe, il est exceptionnel d’observer des images de mitoses mélanocytaires dans l’épiderme. Cependant, plusieurs arguments expérimentaux montrent que la population mélanocytaire de l’épiderme constitue un système dynamique dont le taux de renouvellement est faible mais continu. Par contre, la stimulation par les ultraviolets augmente beaucoup le nombre de mitoses mélanocytaires .
Dans les follicules pileux, la population des mélanocytes bulbaires est renouvelée à chaque cycle. Pendant les phases catagène et télogène, certains mélanocytes bulbaires survivent et se dédifférencient. Ultérieurement, ils prolifèrent, se différencient et repeuplent le bulbe durant le début du stade catagène. L’existence d’un réservoir de mélanocytes dans les follicules pileux des Mammifères est donc très probable (AMSUGlYA & KUKITA, 1976).
Il semble que les réponses des mélanocytes épidermiques et folliculaires à des stimulations hormonales diffèrent. Ainsi, le fonctionnement des mélanocytes folliculaires est profondément modifié par l’ovariectomie, l’oestrogénothérapie et la grossesse. Au contraire, les mélanocytes épidermiques sont comparativement peu affectés. Cette différence de réactivité peut suggérer que le seuil de sensibilité à ces stimulations hormonales est plus élevé pour les mélanocytes épidermiques que pour les mélanocytes folliculaires.
Enfin, il faut souligner que l’influence des facteurs externes s’exerce beaucoup plus sur les mélanocytes épidermiques superficiels que sur les mélanocytes folliculaires situés plus profondément dans le derme. Ceci est en particulier très frappant pour les ultraviolets. Les U.V.B. (7! = 290 à 320 nm) atteignent la basale épidermique et stimulent l’activité mélanogénique des mélanocytes. Au contraire, seule une quantité relativement faible d’U.V.A. (7! = 320 à 400 nm) atteint la partie profonde des follicules pileux, ce qui, dans les conditions normales est insuffisant pour entraîner une stimulation des mélanocytes.
CONCLUSION
Chez l’Homme, comme chez les autres Mammifères, la couleur de la peau et des poils est principalement déterminée par le nombre, la taille, le type et le mode de répartition des mélanosomes. Il est particulièrement intéressant de noter que dans les conditions normales, les différences raciales de pigmentation de la peau chez l’Homme ne reposent pas sur des différences numériques de la population mélanocytaire épidermique. Pour une zone déterminée, le nombre de mélanocytes épidermiques est sensiblement identique chez le noir, le blanc ou l’asiatique. Les facteurs prépondérants dans le déterminisme de la couleur de la peau sont donc le type de pigment synthétisé et le niveau d’activité des mélanocytes. Cette constatation s’applique aux autres Mammifères.
NOTION DOUTEUSE DE RACES HUMAINES
La notion de race humaine est aujourd'hui récusée. Déjà l'UNESCO recommandait dans les années 1950 d'y substituer le concept de groupe ethnique, lequel n'est pas biologique, mais culturel.
Cependant, la notion de race conserve un usage social, notamment dans les pays anglo-saxons qui continuent à l'utiliser. Les
Race studies, en Amérique du Nord, visent à analyser la construction sociale et idéologique de la race, qui aboutit à produire des effets réels d'auto-identification et de reconnaissance en termes d'appartenance à telle ou telle race. Le droit n'y est pas étranger: ainsi, la race est incluse comme paramètre dans le recensement aux Etats-Unis, bien qu'elle soit facultative. En outre, la Cour suprême des Etats-Unis a eu maintes fois l'occasion de statuer sur la race - United States v. Bhagat Singh Thind en 1923, lois sur la déségrégation scolaire, lois sur l'affirmative action, etc.).
Il en va de même en Suisse où la Cour suprême a affirmé dans une jurisprudence de 1998 : « La race, au sens de l'art. 261bis CP, se caractérise notamment par la couleur de la peau (...); il n'est donc pas douteux que les noirs constituent une race au sens de cette disposition. » (ATF 124 IV 121, 124[53]). L'ONU dans le cadre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptée par la plupart des États de la communauté internationale entend quant à elle « favoriser la bonne entente entre les races et d’édifier une communauté internationale affranchie de toutes les formes de ségrégation et de discrimination raciales ».
Toutefois, cette notion a pratiquement disparu du discours politique en France, à l'exception de ceux professant des théories racistes. Pourtant, elle n'a pas complètement disparu, notamment du lexique juridique et législatif. On oublie souvent qu'elle est antérieure à Vichy, puisqu'elle apparaît dans un décret de novembre 1928 « déterminant le statut des métisses nés de parents légalement inconnus en Indochine ». Ce texte permet d'accorder la citoyenneté française aux enfants de mère indigène (et donc sujet de l'Empire français) et de père inconnu (et probablement citoyen français) dès lors qu'il est «présumé de race française». Introduite en métropole en 1939 sous la Troisième République avec le décret Marchandeau du 21 avril 1939, qui interdisait la propagande antisémite, la notion de race a été promue au rang de véritable catégorie juridique sous Vichy avec les deux statuts des Juifs, avant d'être décrédibilisée après-guerre (suite, notamment, au génocide des Juifs européens et d'autres populations considérées par le Troisième Reich comme indésirables (génocide des gitans, programme d'euthanasie, etc.). Les textes législatifs français continuent néanmoins à employer le terme de « race », d'abord en interdisant toute discrimination raciale. Mais le décret du 2 février 1990 a autorisé le fichage des origines raciales des personnes, en dépit de la non-pertinence scientifique de cette notion. En 1983, la loi relative aux droits et obligations des fonctionnaires se réfère à l'ethnie, et non à la race. Mais elle a été amendée par le Sénat, dans la loi du 16 novembre 2001 sur la lutte contre les discriminations, qui a réintroduit à cette occasion la référence au mot « race ». La demande du député Michel Vaxès (PCF), en 2003, de supprimer la notion de race du discours législatif et juridique français a été rejetée par la majorité. Quelques années auparavant, les signataires de la Charte Galilée 90, dont le ministre Jean-François Mattéi, avait demandé le retrait du terme de « race » à l'article 1er de la Constitution.
Même si la notion de race au sens humain ne se recoupe pas nécessairement avec une approche relevant de la biologie animale, il n'en demeure pas moins que la notion de race humaine est reconnue par la communauté internationale et réaffirmée régulièrement par les ordres internes. Les tentatives de gommer cette notion du lexique descriptif des caractéristiques de l'humain semblent ne pas avoir été accueillies de façon générale.
SOURCES :
http://www.hominides.com/html/dossiers/race.php
http://www.hominides.com/html/actualites/theorie-out-of-africa-confirmation-0057.php
http://www.embryology.ch/francais/vcns/tubecrete04.html#crete
Pour en savoir plus sur les molécules biologiques et le paysage phénotypique en construction :
http://pst.chez-alice.fr/1s3t1.htm