Tout fout le camp. Il faut que j'en convienne et surtout n’en pipe mot, afin de ne point passer illico pour la quintessence du réactionnaire cacochyme. Il est grand temps pour moi de me muter en parangon du jeunisme ambiant pour continuer à paraître en société sans risquer la lapidation.
La semaine passée, en conversation "mondaine" avec un florilège de la génération montante - à grand peine pour certains, je pus comprendre - la maladresse me fit commettre une bévue monumentale. Quelques verres d’un cru vénérable, trop promptement engoulés - que Rabelais m’absolve - afin d'éviter que la horde barbare ne me prit de vitesse et qu'elle ne me soufflât sous le nez un quota inquiétant du contenant de la "dive bouteille", ma flamme oratoire, quintuplée par cette pratique de ruffian qui m’est cependant étrangère hors des terre barbaresques, me fit choir au tréfonds des abysses séparant ma génération de celle de ces siffleurs de fioles alambiquées. Ma soudaine logorrhée, aussi coupable que sournoisement dopée par un taux d’alcoolémie déjà propice à faire discrètement tintinnabuler l’éthylotest de la maréchaussée, m’amena bêtement à déclamer tout aussi ex abrupto qu'a capella, deux ou trois vers de Virgile dans le texte. Ayant, semble-t-il, quelques instants plus tôt, fait découvrir à une bonne partie de l’assemblée juvénile ébaubie que les Romains avaient introduit la culture de la vigne en Gaule, il y a fort longtemps, bien avant la naissance de Michaël Youn (véritable «buzz»), étaient remontés de façon corollaire des strates les plus archaïques de mon sriatum ventral les vers introductifs du premier chant de l’Enéide. Comme chacun se devrait de savoir, ils glorifient les origines légendaires de la fondation de Rome tout en me permettant d'indiquer de surcroît que les racines de cette longue tradition attachée à la noble culture puisaient encore plus profond dans l'histoire antique.
« Arma virumque cano, Troiae qui primus ab oris Italiam, fato profugus, Laviniaque venit litora, multum ille et terris iactatus et alto vi superum saevae memorem Iunonis ob iram; »
" Je chante les combats du héros qui fuit les rivages de Troie et qui, prédestiné, parvint le premier en Italie, aux bords de Lavinium ; il fut longtemps malmené sur terre et sur mer par les dieux tout puissants, à cause de la colère tenace de la cruelle Junon; "
Ces vers mémorables et remémorés - comment en douter par l'entremise de la richesse en tanins du cru vénérable - éloignèrent derechef l’homophone de la bouche des membres de la horde. La fiole était peut-être empoisonnée? Des regards scrutateurs empreints de la plus vive inquiétude se mirent à converger sur mon faciès érubescent: «Faudrait songer à aller coucher le vieux !»
Dans quel sabir l'outre sénescente s’était-elle mise à vociférer sans crier gare? La référence latine choisie, pour les plus méritants imaginant que je venais de basculer en mode latin au décours d’une attaque cérébrale foudroyante, faisait de moi dans le meilleur des cas un adulateur possible des pages roses du Larousse. A la place d'attaque cérébrale, ils eurent pu penser ictus, mais c’eût été du latin, et donc inimaginable.
Utiliser une langue morte, à l'heure de l'anglicisation galopante d'une autre future langue morte qu'est le parler français, le barbon donnait dans l’outrance! On assistait probablement aux ultimes gambades burlesques, aux soubresauts pré-agoniques, d'un spécimen de pachyderme en voie de prompte extinction. Par bonheur, les jours de la bête étaient comptés sur les doigts de la main d'un manchot.
La culture, pas celle de la vigne, bande de gougnafiers, ça n'apparaît dans aucune colonne de la fiche de paye et ça ne fait pas partie des formations sponsorisées par l’ANPE, hein, incultes siphonneurs de nectars comme si c'était de la petite bière?
M'ont foutu au lit quand même...
Ah, le vieux con !
RépondreSupprimerMacheprot> pour l'âge, n'oublie pas que je te dois le respect pour quelques mois. Pour le nom commun, c'est celui qui le dit qui l'est. Na na na!
RépondreSupprimerBon! on arrête les gamineries qui ne sont plus de nos âges, j'insiste lourdement.
RépondreSupprimerCe billet m'a fait pisser de rire. De l'Achille Talon dans le texte. La petite bière, c'est une pique en direction de Papa Talon que son fiston a cité un jour à son institutrice comme alternative possible au double-décalitre?
Macheprot> Eh oui, Chichile, même la petite bière, ça fait pisser.
RépondreSupprimerSi vous avez à coeur la langue de Molière, pouvez-vous faire circuler dansvotre milieu !
RépondreSupprimerMerci à l’avance !
CENTRE-VILLE DE MONTREAL
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Une anglicisation fulgurante en photos et vidéos
Déjà un millier d’infractions possibles à la loi 101 !
http://www.imperatif-francais.org/bienvenu/articles/2008/montreal-anglais.html
Montrean>
RépondreSupprimerTout d’abord, un grand bonjour aux amis de la Belle Province, visiteurs réguliers de la Mansarde.
Je comprends parfaitement à quel point chez vous la lutte est âpre pour défendre la langue française face a la marée d'anglicisation déferlant de tous cotés. En France, nous avons plutôt tendance à nous tirer une balle dans le pied par facilité, fatalisme, mollesse ou résignation. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que notre langue doit calquer celle d’un siècle antérieur quelconque. Je m’irrite cependant régulièrement de ce phénomène de mode auquel j’ai participé, je dois en convenir, à l’époque ou la musique anglo-saxonne enthousiasmait la jeunesse. Il ne m’est jamais venu à l’esprit de demander une francisation saugrenue des paroles de ces musiques. J'aurais simplement du défendre avec plus de vigueur nos grands paroliers. Je pense même que les anglophones sont éberlués de la facilité avec laquelle nous baissons les bras et n’ont rien contre notre volonté de nous exprimer avec acharnement dans notre langue.
Ce que je déplore, c’est l’emploi de termes et de mots anglais lorsque nous en possédons d’autres parfaitement adaptés pour les remplacer. Avec bonheur, je constate parfois la disparition progressive et le retour en grâce de ces derniers après un mésusage passager irritant des premiers. Certaines stations de la bande en modulation de fréquences font dans le paroxysme, voire le ridicule. Prime, morning news, top ten, must, buzz, lyrics, la liste est sans fin. Volonté absurde de donner l’impression aux auditeurs qu’elles sont « dans le coup ». Veuillez m’excuser pour cette expression ringarde. Je reproche surtout à nos représentants internationaux qui devraient être nos premiers alliés de tomber dans le panneau et de faire montre de leur belle capacité à manier l'anglais comme des collégiens à l’oral d'un examen quand le moindre anglo-saxon est à leurs cotés. Je respecte la langue anglaise et demande le même respect pour la mienne. Quand, invités, nous faisons l’effort de nous exprimer dans leur langue, j’aimerais que cela soit réciproque de leur part.
Salutations cordiales. "God save the french langage."
A tantôt.