jeudi 9 octobre 2008

Brothers In Arms


"Les Petites Canailles - The Little Rascals " Mon ancienne maison en haut à droite.

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Les amitiés nouées dans l’enfance sont les plus riches en charges émotionnelles. Ainsi, chez les personnes âgées, quand la mémoire vacille, ce sont les souvenirs anciens qui résistent le mieux à la débâcle. Je suis né et ai vécu jusqu’à l’âge de neuf ans dans un gros village du Nord de la Meurthe et Moselle. Mon territoire de jeu se trouvait en lisière de campagne. Je pense que les enfants qui n’ont pas eu l’opportunité de vivre un temps au contact de la nature, ont été privés d’une abondante source de sensations participant à leur équilibre.

Mon copain d’enfance, c’était "le Gérard". J’insiste sur l’article défini utilisé "improprement" à l’époque avec les noms "propres" dans le parler lorrain. On disait aussi cornets pour les sachets d’emballage, verrines pour les pots à confitures, patins à la place de chaussons. Les pièces d’habitation lumineuses étaient dites clarteuses. Le mamaillou était, soit un bricoleur avisé, soit un homme vivant de combines et de magouilles. Le haltata, un excité, un évaltonné ou un irresponsable exalté. Bon, je ne vais pas passer en revue le dictionnaire du français régional de Lorraine. La plupart des expressions étaient déjà dans mon enfance en voie de disparition. Je ne cite que celles que j’ai entendues un temps.

Le Gérard B. était donc mon compagnon de route, celui aux cotés duquel j’ai accompli mes plus hauts-faits d’arme. La descente du coteau en luge à fond la gomme, sauvée de justesse par un crash contre le grand saule avant de plonger droit dans l’Iron, le ruisseau local, au plus froid de l’hiver. L’incendie des buissons de la "petite cote" avec des «pétards pirates» entraînant l’arrivée des pompiers, quelques jours avant le Quatorze Juillet. L’escalade du plus haut mirabellier du quartier se soldant par un appel au secours du chef de cordée pour qu’un adulte vienne l'aider à redescendre. Le franchissement héroïque à vélo, jambes en l’air, en cascadeur des temps modernes, du secteur aux orties au mileu duquel je me suis crouté lamentablement. Cuisant souvenir pour mon épiderme. Numéro un du hit-parade, grand souvenir pour ma mère avant tout, notre escapade de plusieurs kilomètres à l’âge de trois ans durant laquelle j’avais abandonné ma bicyclette en bordure de ruisseau avant de traverser le «petit bois» (on y trouvait encore des violettes qui sentaient la violette) et me rendre avec mon copain à la «Pétrole-Essence». Ce lieu magnétique était truffé de traquenards et de chausse-trapes pour des enfants de cet âge. Ce qui nous avait attirés ici, c'était les carcasses de véhicules américains de la dernière guerre qui y étaient encore entreposées. Ma mère, furibonde et aux cent coups, nous avait retrouvés aux commandes d’une Jeep. Ma conduite sans permis avait été verbalisée par une raclée monumentale.

L’anecdote que je veux narrer, se déroule une année plus tard. Elle est plus anodine, mais arrive encore à me faire rire quand je l'évoque. Nous sommes au cœur de l’été, le souper est en préparation. Ma mère a toujours vécu dans l’angoisse de manquer de pain pour nos repas familiaux. L’âge n’a rien arrangé d’ailleurs. A chacun ses fixettes. A l’époque, chaque famille avait ses commerçants attitrés. Se rendre chez un concurrent, même exceptionnellement en cas d’urgence, quand un "des siens" était fermé, était considéré comme une pratique infamante. Plus de pain pour le souper, ce soir.
«Gérard, je te donne les sous. Tu ne voudrais pas aller me chercher une baguette au ‘Familistère’ ? »
Bon bougre s’il en est, le Gérard s’exécute sans discuter. Comme toujours, en courant, tout à sa mission. Le temps passe, pas de retour du Gérard, donc, toujours pas de pain.
« Pierre, va voir ce que fait le Gérard»

Je dévale les escaliers, fonce dans la cour arrière et prends un virage sur les chapeaux de roues pour m’engager dans l’allée de graviers qui mène au jardinet de la rue. Choc frontal terrible. Deux hommes à terre, Sergent ! Frontal est l’adjectif idoine. Un œuf de pigeon commence à gonfler sur mon front. Le Gérard saigne du nez copieusement et compte ses dents. Il part en abandonnant la baguette au sol et en hurlant comme un loup blessé en direction de sa tanière. Mes lamentations valent les siennes. Je remonte à la cuisine, courageusement en larmes, la baguette fracturée en main. Elle à l’allure d’un fléau de ferme.

« Pierre, qu’est-ce qui t’es arrivé !! »
- Moi, c’est rien, mais tu verrais le Gérard !

Blême, ma mère, vole chez la voisine pour se rendre au chevet du mourant présumé. Cette baguette a eu bien du mal à passer. On pourrait y voir l’origine du mot « casse-croûte » ?

3 commentaires:

  1. Sâpré Pierrot ! Que ceux qui n'ont jamais eu à subir de telles culottes courtes lui jettent la première pierre !

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  2. Le Roger> Envoyer des pierres à Pierre... ça pourrait faire des étincelles. Pas sexy mes culottes courtes d'antan? Peut-être, mais les nus-pieds portés avec des chaussettes à rayures horizontales: la classe.

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  3. Oups! J'avais mis un "s" à l'expression "être aux cent coups". Nous avons fait les "quatre cents coups" par la suite, j'anticipais...

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