samedi 3 mai 2008

La définition de la connerie


La connerie est une entité. Sa définition pose donc problème du fait de sa part d’abstraction. En plus, comme on est toujours le con d’un autre, c’est vaniteux de se promouvoir au rang d'académicien entérinant la définition du déterminant à classer juste après son déterminé: le mot con. 

Ce qui est rageant dans cette affaire, c’est que nous percevons presque tous clairement de ce qu’il en retourne. Nous avons tous à l’esprit un souvenir parangon, une anecdote étalon, un témoignage irréfutable illustrant à merveille ce qu’est cette faculté universellement partagée. Un temps, un temps, cependant mon ami… Les abysses incommensurables où grouillent les myriades d’espèces représentant la branche, cachent toujours dans quelque anfractuosité un bivalve secrétant la perle rare capable, non seulement d’enthousiasmer les entomologistes, mais d’offrir un exemple encore plus convaincant de ce que peut être la connerie poussée à sa quintessence. La métaphore océane est d’ailleurs inappropriée, bien qu'osée, dirait Joséphine. La connerie n’appartient pas au monde du silence. Le con qui jouit pleinement de sa faculté, parle toujours haut et fort, surtout quand il n’a rien à dire. Le con ose tout, c'est même à ça qu'on le reconnait, dirait Joséphine Audiard. Normal, quand on se souvient que la sagesse consiste à ne rien dire, voir ou entendre. 

Ces dernières années, l’audiovisuel a érigé en vedette l’idiot visuel, un mammifère parfaitement adapté au milieu. En découle une capacité de reproduction foudroyante. Le con se multiplie sans entrave pour la plus grande joie des natalistes. Il colonise la planète au pas de charge, débroussaillant les dernières jungles à grands coups de coupe-coupe sénégalais.

Naître trop jeune dans un monde trop vieux, c’était déjà aux yeux des romantiques une forme de malédiction. Naître intelligent à quelque époque que ce fut – mais je me demande si notre époque ne tient pas le pompon - est une tare encore plus lourde réduisant l’espérance d’une vie sereine du porteur de cette tare à celle d’un promeneur sur la bande d’arrêt d’urgence d’une autoroute. 

Doit-il alors se dissimuler dans une cache secrète et se taire à jamais pour vivre en paix? Pour Sartre : « L’enfer c’est les autres ». Pourtant, Rousseau, avant lui, insistait sur le fait que l’homme est par nature un être profondément social. Il faut admette que la vie d’ermite fait courir le risque d'une déroute mentale. Fuir sans cesse la meute n'est pas vraiment la solution. Sourire narquois : " Pourquoi se refuser l’insigne plaisir de pourrir un peu la vie des cons? La charité impose de renvoyer l’ascenseur! " 

Cependant, partir à l’assaut de la connerie la fleur au fusil c'est comme se jeter avec insouciance sous un troupeau de bisons ou finir un jour par se vider de la dernière goutte de sa belle énergie. L'instinct de survie pousserait en fait à conserver toujours en réserve une bonne vieille balourdise, une sentence creuse, des jugements péremptoires permettant d’évoluer masqué en terrain ennemi. Survivre en milieu hostile requière une capacité d’adaptation en état de marche instantané. Un petit plus légué par l’intelligence?

Le summum - mais est il possible de jouer longtemps contre nature? - serait de s’astreindre à une discipline de fer, à pratiquer des exercices réguliers pour se fondre dans le troupeau, faire tout ce que la meute souhaite: devenir l’archétype de l’être adapté, porteur de l’espérance de vie maximale (comme si vivre le plus longtemps possible était l'apothéose), devenir enfin un imbécile heureux libéré de toute rumination atrabilaire.

Antisocial, tu perds ton sang froid. Détends-toi! Suis des yeux les mouvements de mon pendule, tes paupières deviennent lourdes... lourdes... tu sens que tu t’endors... Écoute les consignes dispensées par nos grandes institutions dévouées à la garde d’un cheptel docile au poil luisant, à la connerie fringante. Je te propose aujourd'hui un judicieux conseil diététique: bois comme du petit lait la bonne parole dispensée lors des prêches de nos grand-messes médiatiques. Suis scrupuleusement les préceptes.

Trêve de digressions ! Ce n’est pas bien de commencer un billet et de repousser sans fin la difficile mission qu’on s'est assignée. Ma définition de la connerie pourrait être: « La volonté obstinée de ressembler point par point à l’être idéal virtuel que la société promeut ».


5 commentaires:

  1. Lecture totalement jouissive de ce billet!

    RépondreSupprimer
  2. Qui vous a permis de proposer mon portrait dans ce billet? Je lance mon berger allemand à vos basques. Je clame haut et fort ne pas me sentir visé par le moindre mot de ce billet. Mon beau-frère, peut-être, s'il savait lire.

    RépondreSupprimer
  3. Anonyme> à écrire itou.

    Monsieur Glandu> Et le beauf, il a quelle marque de chien?

    RépondreSupprimer
  4. Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît

    RépondreSupprimer
  5. Lino> On a du rencontrer les mêmes.

    RépondreSupprimer

Commentaire de :