Nième vision de ce petit bijou à porter à la filmographie - qui en contient bien d’autres - du réalisateur autrichien, Billy Wilder: «Sunset Boulevard», Boulevard du crépuscule à sa sortie en France en 1950. Il traite des extravagances de l’univers du cinéma hollywoodien de son époque et des déboires d’une ancienne étoile du muet (Gloria Swanson jouant avec courage un rôle pouvant faire allusion à sa propre histoire), qui, suite à sa retombée dans l’anonymat, s’est murée dans son ancienne demeure, palace qui n’est plus que ruines, sise le long de ce boulevard, en compagnie de son valet (Erich Von Stroheim, acteur exceptionnel et réalisateur hollywoodien à son heure) dont on apprendra à la fin du film noir l’étrange destin. L’âge, l’évolution des techniques et des goûts du public, sa personnalité hystérique parangon, l’ont conduite à y vivre en ermite. C'est un mort en voix off qui narre l’aventure dans laquelle le hasard l'a impliqué.
« Nihil nove sub sole »
Le monde du spectacle a envahit le quotidien et tout particulièrement celui du politique et de la télévision. Il m’est donc possible d’imaginer le destin cruel des histrions, un temps glorieux ou retournés le lendemain même de leur grand morceau de bravoure à l’anonymat le plus total, des acteurs de la comédie burlesque de nos antennes, paraboles et liaisons filaires du siècle naissant. Ces gloires éphémères hypnotisées par les éclats des paillettes et des strass suivront probablement la trajectoire classiquement dévolue à la pathétique reconversion de ce type de personnalité psychiatrique assez bien partagée entre hommes et femmes alors qu’on voudrait faire de ces dernières les porteuses principales. Quand leurs gambades de paillasses et l’exhibition impudique de leurs sentiments si outranciers qu’ils auraient pu appartenir à une troupe donnant ses pantomimes sur le Boulevard du Crime à Paris au XIX ème siècle, n’auront plus l’heur d’intéresser les générations futures, elles partiront dans la débâcle. L’audimat vénéré devenu cruel, ces individus n’arrivant plus par leurs contorsions simiesques à se projeter suffisamment dans le champ du désir des spectateurs pour en tirer l’énergie capable d’entretenir leurs modes de défenses névrotiques, ne feront plus la une que de gazettes jaunies par le temps. Les tournées d’adieu itératives, les rétrospectives condescendantes, les réunions d’anciens combattants, n’y feront rien. Quelques automates creux aux réflexes archaïques aborderont en somnambules les lisières de la déraison.
La mécanique du film de Wilder est implacable. La sortie de scène est certes grandiloquente à souhait, mais, quelques pincements de cœur des spectateurs plus loin, la diva quitte les feux de la rampe pour partir en compagnie d'infirmiers psychiatriques vers son dernier asile. Une scène d'anthologie, Herr Wilder.
ça c'est un billet qu'il est rudement bien torché. Quel film en effet!
RépondreSupprimerMacheprot> Merci. Je me suis appliqué, c'est un film que j'aime bien. La digression d'humeur tiendra lieu de billet sur la névrose hystérique dont j'ai toujours reculé la rédaction parce que tout a été dit sur son sujet. Malheureusement, celle-ci est utilisée à toutes les sauces et en dépit des réalités dans le langage courant. C'est cette névrose qui a lancé Freud dans les premières ébauches de sa théorie psychanalytique après son étude sur le travail du rêve. Encore une fois, les Grecs l'avait devancé avec leur tonneau des Danaïdes qui illustre la fameuse quête de perfection jamais comblée chez l'hystérique qui cherche sa vie durant à masquer par ses symptômes étranges une imperfection supposée enfouie dans son inconscient. Les principales fixations étant orales, pour exemple, c'est souvent la personne qui ne peut s'empêcher d'être prise d'une quinte de toux dans une assemblée ou est victime d'aphonie chronique passagère sans substratum organique décelable.
RépondreSupprimerCe billet est en effet génial, et je ne doute pas que sa lecture achèvera de m'en convaincre définitivement...
RépondreSupprimerPierre> C'est bien d'avoir déjà lu les commentaires. Celle du billet a ses risques: Michael Jackson aurait fait son arrêt cardiaque en le lisant.
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