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jeudi 29 mai 2008

Le cercle des menteurs





Jean-Claude Carrière écrivain, scénariste, parolier, metteur en scène et occasionnellement acteur français nous livre sa seconde cueillette d’histoires d’hier et d’aujourd’hui dans son livre : Contes philosophiques du monde entier – Le cercle des menteurs 2.

Histoires connues ou histoires rares, antiques ou contemporaines, issues de la tradition écrite ou orale, drôles, philosophiques ou sentencieuses, elles abondent en pépites de sagesse populaire et de bons mots. J’ai un petit faible pour les historiettes mettant en scène le personnage récurent de Nasreddin Hodja. Ce petit homme vif et rusé parcoure, souvent à dos d’âne, le Maghreb et le pourtour méditerranéen au point qu’on finit par perdre la trace de son lieu de naissance. Pour vous mettre l’eau à la bouche et vous inciter à lire l’ouvrage, je me permets d’extraire du livre une d’entre elle qui conforte mon agacement vis à vis des obséquiosités et des propos outrageusement laudatifs suintant l’hypocrisie dont le point d’orgue se fait entendre lors des rituels funèbres.

Nasreddin, nous a-t-on raconté, détestait tout ce qui se rapportait à la mort, en particulier, les cérémonies, prières et rituels traditionnels. Un imam lui en faisait un jour reproche et Nasreddin se défendait comme il pouvait: le prophète n’en fait pas une obligation, disait-il, il ne faut pas donner trop de gloire à la mort. Et d’autres arguments.
- Fais tout de même un effort, lui dit l’imam, ne serait-ce que par respect et amitié pour les familles!
- Tu as raison, lui dit soudain Nasreddin. Ecoute: par respect pour ma famille, je te promets que je serai présent à mes propres funérailles. Tu as ma parole. Je serai là à l’heure dite et je resterai jusqu’à la fin de l’enterrement. Il y a une seule chose que je ne peux pas te promettre.
- Laquelle? Demanda l’imam.
- Je ne pourrai pas rester pour les condoléances. J’ai toujours eu horreur de ça.



vendredi 23 mai 2008

Vernissage



La publicité entre père et fille me semble légitime. Aussi, j'invite les visiteurs au vernissage du blog dont elle a peaufiné avec minutie la page d'accueil avant de se lancer dans la publication de son premier billet. Que les vents propices gonflent les voiles du galion qui l'emporte vers l'aventure.

vendredi 16 mai 2008

Exit, la langue de bois !


Nos hommes politiques, dans une tentative désespérée de séduction médiatique imposée par les derniers sondages, vont-ils enfin atteindre cet Himalaya de cynisme libératoire signant, comme diraient les psys, le grand retour du refoulé? Sujets connexes : Thucyde le Grec, Nicolas Machiavel et "le Prince", le Cardinal de Richelieu et "La Raison d'Etat", Klemens Von Metternich, Henry Kissinger, fondant leurs principes politiques sur le pragmatisme prévalant sur l'éthique, la morale ou les idées religieuses. Terme actuel: "Realpolitik". L'apothéose de la volonté de pouvoir s'affranchissant du masque des bons sentiments et reposant sur le calcul des forces au profit de l'intérêt national pour ne pas dire personnel.

samedi 3 mai 2008

La définition de la connerie


La connerie est une entité. Sa définition pose donc problème du fait de sa part d’abstraction. En plus, comme on est toujours le con d’un autre, c’est vaniteux de se promouvoir au rang d'académicien entérinant la définition du déterminant à classer juste après son déterminé: le mot con. 

Ce qui est rageant dans cette affaire, c’est que nous percevons presque tous clairement de ce qu’il en retourne. Nous avons tous à l’esprit un souvenir parangon, une anecdote étalon, un témoignage irréfutable illustrant à merveille ce qu’est cette faculté universellement partagée. Un temps, un temps, cependant mon ami… Les abysses incommensurables où grouillent les myriades d’espèces représentant la branche, cachent toujours dans quelque anfractuosité un bivalve secrétant la perle rare capable, non seulement d’enthousiasmer les entomologistes, mais d’offrir un exemple encore plus convaincant de ce que peut être la connerie poussée à sa quintessence. La métaphore océane est d’ailleurs inappropriée, bien qu'osée, dirait Joséphine. La connerie n’appartient pas au monde du silence. Le con qui jouit pleinement de sa faculté, parle toujours haut et fort, surtout quand il n’a rien à dire. Le con ose tout, c'est même à ça qu'on le reconnait, dirait Joséphine Audiard. Normal, quand on se souvient que la sagesse consiste à ne rien dire, voir ou entendre. 

Ces dernières années, l’audiovisuel a érigé en vedette l’idiot visuel, un mammifère parfaitement adapté au milieu. En découle une capacité de reproduction foudroyante. Le con se multiplie sans entrave pour la plus grande joie des natalistes. Il colonise la planète au pas de charge, débroussaillant les dernières jungles à grands coups de coupe-coupe sénégalais.

Naître trop jeune dans un monde trop vieux, c’était déjà aux yeux des romantiques une forme de malédiction. Naître intelligent à quelque époque que ce fut – mais je me demande si notre époque ne tient pas le pompon - est une tare encore plus lourde réduisant l’espérance d’une vie sereine du porteur de cette tare à celle d’un promeneur sur la bande d’arrêt d’urgence d’une autoroute. 

Doit-il alors se dissimuler dans une cache secrète et se taire à jamais pour vivre en paix? Pour Sartre : « L’enfer c’est les autres ». Pourtant, Rousseau, avant lui, insistait sur le fait que l’homme est par nature un être profondément social. Il faut admette que la vie d’ermite fait courir le risque d'une déroute mentale. Fuir sans cesse la meute n'est pas vraiment la solution. Sourire narquois : " Pourquoi se refuser l’insigne plaisir de pourrir un peu la vie des cons? La charité impose de renvoyer l’ascenseur! " 

Cependant, partir à l’assaut de la connerie la fleur au fusil c'est comme se jeter avec insouciance sous un troupeau de bisons ou finir un jour par se vider de la dernière goutte de sa belle énergie. L'instinct de survie pousserait en fait à conserver toujours en réserve une bonne vieille balourdise, une sentence creuse, des jugements péremptoires permettant d’évoluer masqué en terrain ennemi. Survivre en milieu hostile requière une capacité d’adaptation en état de marche instantané. Un petit plus légué par l’intelligence?

Le summum - mais est il possible de jouer longtemps contre nature? - serait de s’astreindre à une discipline de fer, à pratiquer des exercices réguliers pour se fondre dans le troupeau, faire tout ce que la meute souhaite: devenir l’archétype de l’être adapté, porteur de l’espérance de vie maximale (comme si vivre le plus longtemps possible était l'apothéose), devenir enfin un imbécile heureux libéré de toute rumination atrabilaire.

Antisocial, tu perds ton sang froid. Détends-toi! Suis des yeux les mouvements de mon pendule, tes paupières deviennent lourdes... lourdes... tu sens que tu t’endors... Écoute les consignes dispensées par nos grandes institutions dévouées à la garde d’un cheptel docile au poil luisant, à la connerie fringante. Je te propose aujourd'hui un judicieux conseil diététique: bois comme du petit lait la bonne parole dispensée lors des prêches de nos grand-messes médiatiques. Suis scrupuleusement les préceptes.

Trêve de digressions ! Ce n’est pas bien de commencer un billet et de repousser sans fin la difficile mission qu’on s'est assignée. Ma définition de la connerie pourrait être: « La volonté obstinée de ressembler point par point à l’être idéal virtuel que la société promeut ».