jeudi 15 novembre 2007

Le football une nouvelle religion?


L'équipe de football d'un lycée catholique en 1891: le sport religion...


... [le peuple romain] qui distribuait autrefois pleins pouvoirs, faisceaux, légions, tout, maintenant se replie sur lui-même et ne s’inquiète plus que pour les deux choses qu’il souhaite : DU PAIN ET DES JEUX.
(Juvénal, Satires, 10, 78-81)
Léger malaise lorsque je dois justifier mon attachement au sport le plus pratiqué et regardé en France : le football. Ce n’est pas une raison pour éluder le sujet. L’origine de la balle au pied remonte à la nuit des temps, mais ce sont les Anglais qui ont mis en place les règles du jeu moderne. A quoi doit-on son succès populaire planétaire incontesté ? Probablement à la simplicité de la plupart de ses règles. Bon, je mets la balle en touche, pour ce qui concerne les lois du hors-jeu. L'équipement minimaliste que requière sa pratique est un argument supplémentaire : un objet variable non identifié dans lequel on puisse shooter sans se blesser et un espace de jeu au revêtement quasi quelconque. Même pas besoin d’avoir des chaussures, un short ou un maillot. Difficile de trouver un autre sport d'équipe pouvant rivaliser dans les domaines évoqués. Cela n’explique cependant pas tout de l’engouement dont ce sport fait l’objet. Omniprésence médiatique, standard de conversation mâle en société, activité dominicale régulière du grand nombre, foules massées dans les stades, hordes de supporteurs, vie sociale parfois tributaire des heures des grandes retransmissions, voire même, « dopage » économique en cas de victoires en finales des équipes nationales dans les grandes compétitions.

"Peut-être l'Occident est-il en avance d'une religion et ne le sait-il pas. ", Marc Augé concluait ainsi son article écrit à l'époque d'une nouvelle phase de développement des grands rituels modernes engendrés par le football.

La question vaut en effet la peine d’être posée. Liturgie, rituels, adoration quasi mystique des champions, scènes d’hystérie collective ou individuelles, habits sacerdotaux, bannières et oriflammes, sublimation des héros, tentative de représentation individuelle au travers d’officiants adulés vont dans ce sens. On retrouve même la sinistre association politico-religieuse avec les misérables tentatives de récupération de grands élus lors d’événements utiles à la pèche aux voix par ceux qui s’affichent au milieu de cohortes d’aficionados, de tifosi, ou de "footomaniaques".  Les psychologues apportent de l’eau à ce moulin. La victoire ou la défaite de l’équipe qu’on soutient moduleraient les humeurs des supporteurs. Le footballeur professionnel serait devenu le substitut du gladiateur romain. Les nouveaux empereurs - ou ces fous qui nous gouvernent, pour reprendre le titre du livre de Pascal de Sutter - n’offrent pas au peuple pizzas et bières, mais cautionnent les jeux de l'arène, sachant qu'ils peuvent éloigner un temps les électeurs des révoltes engendrées par leurs difficultés quotidiennes. Les fanatiques du ballon rond font de ce jeu un psychodrame (mais le jeu est en lui-même un petit psychodrame) réactivant leurs tensions individuelles et leurs rapports éthologiques au sein de la meute.

Misère! Malgré ce billet au ton pamphlétaire, je ne renonce pas à cette addiction souvent citée comme un sommet de beaufitude. Je vitupère encore contre les erreurs d’arbitrage, bondis parfois de mon fauteuil au moment d'un but, consulte les pages sportives des gazettes, et m’extasie à l'occasion devant une phase de jeu lumineuse au cours de laquelle un passage chorégraphique de haut-vol vient d’être interprété par un danseur étoile au QI parfois proche de sa température rectale : « Nobody's perfect, Sir... »

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