mardi 22 février 2011

La mondialisation, ou comment donner sa langue au chat.




La peur de la mondialisation est un sujet très en vogue dans les médias français depuis quelques années. Nos concitoyens semblent particulièrement angoissés par cette affaire. En fait, elle est vieille comme le monde, si l’on ne craint pas de jouer sur les mots. Refrain en vogue: l’État-nation est devenu roupie de sansonnet opposée aux devises agressives des puissances d’argent qui règnent en maîtres sur la planète. Perte d’influence de la France sur l’échiquier électronique du globe programmé par un cartel de conspirateurs affairistes qui se s'est affranchi allégrement des frontières géographiques, des lois nationales, voire des particularismes locaux. L’émergence soudaine de nouvelles puissances économiques donne la pétoche à beaucoup de nos compatriotes, au point que certains sont tentés de se recroqueviller, en but au classique réflexe conservateur, symptôme plus classique encore de la sénescence, leur faisant imaginer qu’en se claquemurant à l’abri dans leurs frontières, ils survivront paisiblement en autosuffisance. Cette parade ingénieuse constituerait l’arme absolue capable de faire front (national?). Probablement en faisant mourir de rire d’hypothétiques assaillants. Retrousser ainsi les babines pour exhiber ses maigres quenottes pourrait tout au plus inquiéter les dentistes. Débat sur l'identité nationale, sur le port du voile ou du kilt, discours populistes à composantes sécuritaires et au fumet xénophobe, et, enfin, la question existentielle bateau : « Qu’est-ce qu’être français ? ».


Les réponses tombent dru, souvent bien fumeuses. L’historien s’en arrache les cheveux qui sait bien que les concepts de nation, de territoire, ont toujours été mouvants comme les entités qu’ils souhaiteraient définir. L’arbre de la Nation a un système racinaire particulièrement touffu et pluri-centenaire. Les apports culturels et génétiques sont si variés que l’édition d’un catalogue ne saurait jamais être exhaustive. Il est cependant une réponse que je trouve bien trop rarement formulée par nos penseurs commis d’office: avoir une langue commune. Un outil apte à user plus que de simples mots pour commander un repas. Un langage, fruit d’une longue évolution, qui se doit, pour continuer à survivre et se perpétuer, de s’enrichir en permanence d’ajouts utiles. Une langue qui devrait amener à tempérer certains de ses molosses de garde souvent prompts à se cabrer à la moindre velléité de prétendus adversaires d’y apporter parfois quelques réformes.


On prône actuellement l’emploi d’une langue universelle. L'anglais tient bien entendu la corde. Elle constituerait la panacée aux échanges de tous genres entre les peuples. On se doit de signaler que c’est parfaite utopie que d’imaginer la bonne maîtrise d’une autre langue que la sienne au point d'être capable d’exprimer toutes les subtilités, les nuances, les traits d’humour particuliers, les allusions datées, les maximes et proverbes ancestraux (complétez la liste…), les clins d’œil implicites (eh oui, œil reste au singulier) véhiculés par une phrase construite avec un peu d’aisance dans sa langue maternelle. Le sabir «angloïde» universel dont use (mon correcteur orthographique tente de m’imposer le pluriel) la plupart d’entre nous en pays étranger pour communiquer doit probablement laisser plus que perplexes nombre de nos interlocuteurs anglophones. Certains linguistes, fiers comme des poux sur la tête d’un galeux de leur prétendue maîtrise de cette langue étrangère, font probablement rire sous cape leurs hôtes. Leur tact voile le constat pathétique de la vanité de leurs efforts poussifs pour faire montre d’une finesse d’esprit imaginée mais perdue corps et biens au décours de leurs travaux de thème approximatifs. Il est tant de nuances linguistiques impossibles à traduire correctement dans une autre langue qu’il n’est point nécessaire d’alourdir ce propos.


La langue maternelle, et de façon accessoire son bon usage, n’en déplaise aux puristes, est le grand élément fédérateur d’une population. Elle dépasse en toute impunité les frontières d’un pays et ne constitue aucunement le pré carré d’une nation. Elle est le bien commun de tous ceux qui s’en servent mais ne saurait en faire ses détenteurs légaux. Les Français ont peur d’une absorption phagocytaire par un monstrueux macrophage qu’ils guettent au loin du haut de leur muraille et pensent venir du coté du Désert des Tartares. Plus ou moins prêts à le combattre, ils n’imaginent pas que c’est en fait le suicide collectif qui les menace à force de ne pas mieux défendre leur langue.

2 commentaires:

  1. " comment donner sa langue au chat " de Géluk ?
    Noëlle

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  2. Noëlle> Chat ne va pas faire plaisir "au Philippe" que tu lui aies écorché son nom. M'enfin, tant que tu ne lui écorches pas son chat qui s'exprime en belge, une langue qui se rapproche une fois ou deux du français.
    Je n'ai rien contre la langue du chat, des Anglais, ou des Italiens d'ailleurs, puisque je cite le nom d'un ouvrage de Dino Buzzati dans ce billet. Je râle contre cet abandon progressif ridicule de notre langue dans de nombreux domaines. Personne ne nous le demande, c'est d'une certaine façon nous qui nous l'imposons par masochisme. Le meilleur moyen serait de l'interdire pour qu'on la défende bec et ongles, by Jove !

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