vendredi 24 avril 2009

En finira-t-on définitivement avec Mai 68 ?

Pour se rendre intéressants, en politique, d’aucuns balancent des phrases qui leur passent par la tête, à l’emporte-pièce, pour voir si cela fait des ronds dans l’eau : «En finir définitivement avec Mai 68» en est une parmi d’autres. L’anecdote qui suit montre à quel point les dérives morales de certains membres de la jeunesse de l’époque auguraient des périls sociétaux à venir.

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Nous sommes un soir du très beau mois de juin de l'année 1970. La veille, les résultats des épreuves écrites du baccalauréat ont été affichés dans les halls de tous les lycées de France et de Navarre. Une "boum" bat son plein au foyer saint Pierre pour fêter l’arrivée des vacances. Marie-Noëlle n'a pas la pêche. Son relevé de notes indique qu'elle va devoir remonter une trentaine de points à l’oral pour décrocher sa peau d'âne. Grandes claques dans le dos: «Le suicide ne s'impose pas immédiatement. Allez, cigale, danse pour oublier!»

Les plaisanteries fusent, la bonne humeur est contagieuse, les 45 tours sautent sur le Teppaz comme les crêpes sur une poêle à la Chandeleur. Les Kinks et leur belle "Lola", les Beatles et leur baroque "Lady Madonna" font partie de la fête. Avec "My Year is a Day", les Irrésistibles mettent en pratique la théorie de la relativité. Les "Wallace Collection" en plein éther convient les danseurs à les rejoindre dans leur "Daydream". Les "Stones", frustrés à mort, scandent à qui mieux mieux "I can't get no satisfaction". Les précieux "Moody blues" errent au sein de leurs nuits de satin blanc. De bons vieux rocks des années cinquante à la rythmique en béton armé éliminent inexorablement de la piste les asthmatiques. Mais, dès que l'incontournable "Procol Harum", responsable impuni d'une multitude d'idylles plus ou moins fugaces, distille son "A Whiter shade of pale", les dyspnéiques réapparaissent dare-dare. Le slow du mois de juin qui reste collé au cœur et au corps de Pierrot, au sens propre et figuré, c'est le mielleux "Holiday" des Beegees.

Plus tard, dans la nuit, Marie-no sur son "Amigo" et Pierrot sur son "Solex" remontent de front l'avenue du Général Leclerc dans la chaleur de la nuit (Sydney Poitier se cache dans le paysage. Trouvez-le !). Plaquée sur la poitrine du cavalier, coincée sous son blouson, une pile de disques qu'un copain vient de lui prêter. «Holiday» qui lui a permis de tenir dans ses bras pendant de savoureuses minutes sa timide amoureuse, en fait partie. Arrivés au carrefour où les destinées se séparent ainsi que les itinéraires, ils se font une chaste bise d'au revoir. Pierrot accompagne la séparation de tous ses encouragements et vœux de réussite pour l'oral à venir, ainsi que du classique "Y" des doigts du « peace and love » très en vogue en ces temps reculés.

A cette heure avancée de la nuit, il imagine tourner le verrou d'une maisonnée quiète, alanguie béatement dans les bras de Morphée. Il va pouvoir poursuivre à loisir ses rêvasseries amoureuses. Stupeur! Une lueur bleutée palpite au salon accompagnée d’un "crachouillis" inquiétant. Il avance à pas feutrés comme dans un thriller. Quel choc! Son père jaillit d'un bond de son fauteuil fétiche en hurlant : les Italiens viennent de remonter au score dans la rencontre de football "Italie-Allemagne" qui allait devenir la référence incontournable des "footeux". Cette année, la coupe du monde se déroulait au Mexique. Ceci explique l'heure exotique de la retransmission. Impossible d’échapper aux prolongations en compagnie du paternel !

La famille transhumera quelques jours plus tard vers le sud-ouest. "Holiday" et l’image de Marie-no, miniature à la frimousse souriante où pétillent deux yeux noisette, l'accompagneront là-bas. Inhabituel pour l'époque, ses cheveux clairs étaient coupés très courts. Elle l'aimait alors avec une telle discrétion, que le garçon tumultueux, ne se rendit à l'évidence qu’alerté par un camarade jouant - c'est un bien grand mot - le rôle d'entremetteur. D'une timidité tout aussi gênante sous un trompe l’œil de blagueur permanent, ce n'est que maladroitement qu’il sut par la suite lui indiquer que ses sentiments étaient réciproques. Il l'inquiéta, cet après-midi d'été finissant, où, enfin résolu après l’élaboration de plans de conquête baroques, il l'avait menée, au décours d'une promenade à vélomoteur, au bord d'un petit étang. Elle s'était cabrée devant le baiser aussi soudain que gauche qu’il avait décoché sous l'effet galvanisant d'un pic d'adrénaline. Un réflexe de sauvegarde de jeune fille de bonne famille effrayée par la maladresse du geste et l’augure de suites dangereuses dans ce lieu retiré, coupèrent toute velléité d'effusions complémentaires. Confus devant le quiproquo, ils rentrèrent, comme si de rien n'était...

Historiette bien mièvre, convenons-en, illustrant les travers intemporels des adolescences avec leurs amalgames de candeur extrême et d'artifices criards tentant de la masquer, ou, comment foirer une histoire simple. La libération des idées et de mœurs était pourtant en marche mais, on le constate ici, ne freinait en rien le romantisme emprunté d’une jeunesse qu’on disait partir à vau l’eau!

Les sentiments étaient entiers, la vie lumineuse, et l'avenir s’ouvrait radieux sur un sentier pavé de la plus légère des insouciances. Nous étions pourtant dans les premières années lourdement nommées "post-soixante-huitardes". Mélangées à ce qui anime toujours, je suppose, la plupart des adolescences, les idées ambiantes engendraient une sensation de liberté quasi surnaturelle. C'était l'époque reine des Babas-cool, de la musique anglo-saxonne et de ses groupes devenus mythiques. Une foule hirsute et débraillée s'agglutinait dans d'immenses champs pour participer corps et âme à ces gigantesques et légendaires festivals en plein air que furent Woodstock et Wight. Les pantalons "patdeph", les chemises à fleurs, San Francisco, la remise en cause systématique de toutes les idées reçues, de toutes les hiérarchies en place, de tous les pouvoirs. Faites l'amour pas la guerre. Un souffle de renouveau et d'allégresse dégageait les bronches de notre bonne vieille Marianne. Les démagogues retournaient leur veste à tour de bras pour préserver quelques lambeaux de leurs chers privilèges. Rien ne devait plus être tout à fait comme avant, puisqu'on avait trouvé sous les pavés la plage... Atmosphère surréaliste, psychédélique pour reprendre un terme en vogue du moment, générant un enthousiasme propice aux échanges. Le morose individualisme des décennies à venir ne pouvait alors s'imaginer. Les ringards étaient mis à l'index, le rétrograde traqué. La révolte se situait essentiellement au niveau des idées. Les actes de violence, réprouvés par le Mahatma, n'étaient pas encore le must qu'allaient imposer skinheads, punks et hooligans de tous poils (les skinheads n'avaient pas de cheveux mais je pense qu'ils avaient quand même des poils). Plus tard, on a souri avec commisération de ces utopistes échevelés aux tenues extravagantes, qui planaient aux sons de musiques hindoues, des fleurs dans les cheveux, un joint à la bouche. C'était la période des grèves générales, des revendications tous azimuts. Paroles, paroles… et paroles... Peu productif tout ça, furieusement démobilisateur, un peu niais. Sans doute, mais quelle franche rigolade, les moroses!

J’ai été très heureux durant ces années là. Nostalgie quand tu nous tiens. Plus de quarante ans, ça tombe sous le coup des lois d’amnistie…

Allez! Avant de quitter le billet, même s'il n'est pas cinq heure, une petite dernière "fin année 70" d'un barbu grec qui a encore du coffre - son blog et son dernier album. De quoi tester le "player chrome" flambant neuf de la Mansarde.


Furieusement kitsch. Le batteur du groupe fait un peu peur dans cette vidéo d'époque.


Highslide JS


" It's five o'clock and I walk through the empty streets. Thoughts fill my head but then still no one speaks to me. My mind takes me back to the years that have passed me by. It is so hard to believe that it's me that I see in the window pane. It's so hard to believe that all this is the way that it has to be. "

Les temps modernes: un commentaire du billet, signale un équipement audio de la Mansarde apparu postérieurement à l'année évoquée. Bien peu si l'on regarde la date figurant sur un des documents d'époque faisant foi, scannés par mes soins. Ils témoignent, s'il en était besoin, de mon coté un tantinet conservateur. On peut encore lire sur l'image du bas les prix en francs suisses... Clic pour agrandir, bien entendu.


6 commentaires:

  1. salut merci pour tes commentaires pour le player...mais entre temps j'en ai trouvé un nickel pas de soucis de code etc...
    http://soundcloud.com
    le must

    salut!

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  2. J'ai visité le site. Effectivement fort intéressant pour héberger et partager des fichiers audio sans se soucier de l'espace de stockage et du format des fichiers. En plus, le truc est gratuit. Fini les codes compliqués.

    La mort de l'artisanat!

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  3. Ouaaaah! ça jette ton Teppaz du troisième millénaire. En plus, ça tient le coup avec du Demis Roussos et ses enfants d'Aphrodite qui hurlent à pleins poumons. C'est à base de quels composants, cette affaire? Taïwan ou lampes à tube récupérées sur ta chaîne Pioneer des sixties?

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  4. Macheprot> Quelle mémoire! Tu te souviens de ma première chaîne haute-fidélité (comme Lassie). Achetée en Suisse en contrebande à l'époque où les prix du matériel électronique valaient l'énorme prise de risque. C'est mon cousin qui, à l'époque jouait dans une équipe de foot suisse, l'avait passée par morceaux sous sa R8 à l'endroit où l'on stockait la roue de secours. Heureusement qu'un copain qui l'accompagnait l'avait doublé peu avant le poste frontière: le fil d'alimentation de l'amplificateur traînait au sol!! Les branquignols!!

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  5. Magnifiques documents dont le premier élément de la série dispense effectivement de la datation des antiquités par le carbone 14. Un équipement de prestige en bois massif que les spécialistes n'auront pas de mal à répertorier dans le style Louis-Philippe XX signé par l'apparition de diodes luminescentes bleutées en façade et la platine tourne-disque à bras lesté et système antipatinage par pendule accroché à un fil en nylon. Simple mais d'une efficacité redoutable. Mes souvenirs en sont tout ravivés. As-tu encore ce magnifique magnétophone? Je suis preneur à un prix raisonnable, si les musées ne sont pas déjà sur l'affaire.

    Par ailleurs, savoureuse anecdote de contrebande dans ton commentaire. Digne de Mandrin.

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  6. Quelle mémoire! Le petit poids en chrome attaché au fil nylon: tout à fait exact.
    Pour le magnéto, je l'ai encore et il fonctionne toujours. Mon frère avait branché sa basse électrique directement sur l'entrée micro pour enregistrer ses performances! Résultat des courses, l'entrée avait grillé, évident, sauf pour lui. Dix ans après, j'ai décidé de la faire réparer chez un électronicien. Il a fallu demander le plan des circuits au Japon. Le patron de la boîte voulait me racheter l'appareil après réparation. Selon lui on avait pas fait mieux dans le genre. Alors tu penses, tu peux courir pour que je m'en départisse. D'ailleurs ce truc pèse une tonne et il faudrait un treuil pour le descendre du grenier.

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