jeudi 28 décembre 2006

Fiat Lux

Janvier le mois des humeurs sombres, des vœux pieux, des étrennes dispendieuses et des résolutions qui font long feu. Feu et Lumière seront les sujets de ce nouveau billet du mois dédié à Janus.

Tatius, roi des Sabins qui régnait dans Rome conjointement à Romulus, considéra, dit-on, comme un bon augure le présent qu'on lui fit le premier jour de l'an : quelques branches coupées dans un bois consacré à Strenia ; il autorisa la coutume des présents faits à cette époque, et leur donna le nom de Streniae, futur "étrennes" du français.

Arrêtons nous d’abord sur l’expression que je viens d’employer plus-haut. Elle est souvent à tort utilisée sous sa forme négative, « Ne pas faire long feu », par méconnaissance de son origine militaire. Quand l’amorce d’un mousquet ou d’un canon faisait long feu on ratait la cible qui avait eu le temps de bouger avant le départ du projectile. Faire long feu signifie donc bien échouer.

Bien après l’avènement du Siècle des Lumières nous restons tributaires de rites païens autour de positionnements particuliers dans le ciel de l’étoile solaire, source naturelle des deux éléments en question.

Si l’on remonte bien loin dans le temps, les mégalithes de Stonehenge, selon les dernières recherches archéologiques entreprises sur le site, seraient en rapport avec des rites funéraires célébrés avec éclat autour des solstices. Jouant sur les phénomènes acoustiques et les lumières générées par la géométrie de l’édifice à ces moments particuliers de l’année, les officiants autorisés à pénétrer au sein du sanctuaire impressionnaient vivement l’esprit des participants massés à l’extérieur sur les anneaux périphériques du lieu de culte durant la cérémonie. Un cortège de plusieurs kilomètres les amenait au décours d’une procession au flambeau à venir honorer la mémoire des grands ancêtres figurés par ces énormes pierres érigées dans la position verticale comme ils enterraient leurs morts.

L’orientation des portiques d’accès d’un des lieux de culte les plus anciens découverts (alignement soleil levant et couchant aux solstices) rappelle étrangement celle des églises chrétiennes qui a probablement copiée son symbolisme. Méthode assez classique si nous nous rappelons que la date choisie pour la Noël l’a été par un clergé soucieux de contrecarrer les fêtes populaires de la lumière en usage jadis durant les mois d’hiver. Le Pape Gélase Ier au Ve siècle (en 354 précisément) remplaça ainsi les vieux rites païens des lupercales et des Saturnales hérités des Romains, par cette fête religieuse et par celle de la Chandeleur (Festa candelarum = fête des chandelles), où l'on commémore 40 jours après la première un rite ... hébraïque qui voulait qu’on présente un nouveau né au temple 40 jours après sa naissance

Dans les pays les plus septentrionaux, on célèbre encore aujourd’hui dans une grande animation festive les nuits blanches (celles où le soleil se couche à peine au moment du solstice d’été). Ce n’est que récemment que j’ai fait le rapprochement lumineux avec une autre expression en rapport: « Passer une nuit blanche ».

N’oublions pas la vénération de l’astre solaire dans les civilisations Incas et Egyptienne. Le disque solaire (Amon Râ) quand il quittait le ciel descendait dans le séjour des morts. Une erreur, commune également, voudrait que l’adjectif «feu» (dans l’expression "feu ma tante" par exemple), provienne du focus latin devenu feu en français, Feuer en allemand et Fire en anglais alors que c’est de "fatum", le destin, qu’il dérive. Logique d’ailleurs, plutôt que « tout feu tout flammes » foncer sur la métaphore de la crémation de la tante qui n’était pas connu pour avoir le feu aux fesses bien qu'on disait d’elle qu’elle était un fameux boute en train. Paradoxal quand on sait que dans son sens premier on parle du mâle placé au voisinage des femelles à l'effet de les mettre en chaleur et de les disposer à l'accouplement.

On retrouve des descendants des hommes des sociétés mégalithiques, les Celtes, à l’origine de nos feux de la Saint-Jean. Ceux-ci célébraient en la circonstance des fêtes autour des moissons.

Nous comprenons facilement pourquoi feu et lumière sont indissociables. Les physiciens ont bien décrit le rayonnement lumineux et montré qu’une source d’énergie, calorifique en particulier, se trouvait à l’origine de l’émission de particules, les fameux photons, nécessaires à l’activation de réactions photochimiques dans nos photorécepteurs rétiniens. Elles engendrent des signaux électriques parcourant nos nerfs optiques en direction des secteurs corticaux dédiés à la vision. Les fameux cônes et bâtonnets rétiniens ne sont en fait que des cellules nerveuses spécialisées très différentiées mettant directement en contact par un long axone notre œil et notre cerveau. La rétine est donc une expansion périphérique du système neural. Nouvelle digression direz-vous ? Que non.

La dépression saisonnière ou TAS (troubles affectifs saisonniers) touche une personne sur cinq. Elle apparaît plus ou moins tôt et de façon plus ou moins prononcée selon les latitudes et les sujets. Fort répandue et invalidante dans les pays nordiques, on la traite aisément grâce à la luminothérapie. Celle-ci consiste à exposer les sujets atteints à un rayonnement lumineux par lampe dont le spectre d'émission est proche de celui du soleil, infrarouges et ultraviolets exclus. La cure consiste à allonger progressivement la durée d’application de dix minutes à une demi-heure par jour d’octobre à février. Il existe même dans les pays évoqués des commerces et des cafés équipés de lampes répondant à des normes techniques réglementées pour prévenir la population locale de cette affection.

La physiopathologie de l’affection montre un déséquilibre de répartition de nos amines cérébrales. Sérotonine, dopamine et la mélatonine sont particulièrement incriminées. Cette dernière est secrétée par une petite glande placée à la base de notre cerveau : l’épiphyse. Des mécanismes de rétroaction modulent son activité en fonction de la quantité de lumière dispensée à notre organisme durant la journée. L’activité des photorécepteurs rétiniens est un chaînon du mécanisme de cette régulation.

Janvier ne serait donc pas une époque propice aux décisions hâtives, projets fumeux et résolutions enflammées, mais plutôt à celle du bourdon qu’on imaginait plutôt à l’époque des pollens.

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