mardi 18 février 2014

Il venait d’avoir 18 ans, la chanson « couguar » ?



Vague resucée d’exercice de Français, inspirée par un sujet sociétal, soi-disant en vogue. J'attends les statistiques. Le cinéma français donne dans le filon en ce moment. Le vieillissement de la population amène probablement à chercher l'argent là où on en trouve pas mal. Le démon de midi ou minuit inspire le réalisateur, cacochyme ou pas. Composition quasi ambulatoire de ce billet qui sera probablement remaniée par la suite, comme je le fais souvent (voilà qui est fait, avec correction des coquilles et fautes d'orthographes retrouvées)...

BILLET MELODY - RADIO NOSTALGIE

Il venait d'avoir 18 ans est une chanson française interprétée en 1973-74 par Dalida et écrite par Pascal Sevran, Serge Lebrail et Pascal Auriat.

Ce fut l'un des plus gros succès mondiaux de l'année 1974. La chanson sera enregistrée en 5 langues, bénéficiant d'une sortie single pour chacune d'elles. Pour écrire les paroles de cette chanson, les auteurs ont pris la musique de "Comme ils disent" de Charles Aznavour. Elle n'était pas destinée au départ à Dalida. Elle lui a été proposée en dernier recours par ses auteurs devant son refus de celles qui lui étaient soumises.

Wikipédia

Il venait d'avoir 18 ans / Il était beau comme un enfant / Fort comme un homme / C'était l'été évidemment / Et j'ai compté en le voyant / Mes nuits d'automne.

Ce couplet riche en métaphores saisonnières campe l’argumentaire intérieur de la femme. Celui-ci justifierait son choix d'opter pour la satisfaction d’un désir scabreux qui la surprend en présence d’un «plus-adolescent-légal»: en France, la majorité civile est fixée à 18 ans depuis le 5 juillet 1974 ; elle était à 21 ans depuis 1792. La chanson sort au moment où le texte de loi va être voté. Enfant / mais fort comme un homme. La différence d’âge constitue un problème moral compensé par la légalité factuelle. «C’était l’été, évidemment» est bien trouvé. Après coup (expression appropriée...), elle juge que l'été a contribué à cet abandon, par analogie à sa symbolique: sens avivés par la touffeur, langueur d'après-midis chaudes, indolence oisive favorisant les amours de vacances sans lendemains et adjuvant à l'exacerbation du désir.

J'ai mis de l'ordre à mes cheveux / Un peu plus de noir sur mes yeux / Ça l'a fait rire / Quand il s'est approché de moi / J'aurais donné n'importe quoi / Pour le séduire.

Gestes visant à gommer un peu la différence d’âge. Le très jeune homme narquois la surprend et rit d’elle. Il en faut plus pour la freiner. Elle est déterminée: « J’aurais donné n’importe quoi ». Son âme au diable? Faust l’a bien fait pour séduire Hélène. Quant à Goethe pour Bettina? Ici, les 36 ans évoqués par la chanson, c'est l'écart d'âge.

Il venait d'avoir 18 ans / C'était le plus bel argument / De sa victoire /Il ne m'a pas parlé d´amour / Il  pensait que les mots d'amour / Sont dérisoires.

Le jeune homme a compris rapidement que la victoire lui tendait les bras. Il abuse sans remords d’armes qu’il sait décisives: sa probable beauté et surtout sa jeunesse. Cette adulte serait condamnée moralement si quelqu’un voyait à redire à leur histoire. Il en profite pour sur-jouer sans vergogne un rôle de séducteur expérimenté, de personnage affranchi, de déjà-homme-macho qui se doit de mépriser la mièvrerie. Elle ne peut seoir à sa virilité.

Il m'a dit: "j'ai envie de toi" / Il avait vu au cinéma / Le blé en herbes /Au creux d'un lit improvisé / J'ai découvert émerveillée / Un ciel superbe.

«Le blé en herbe», roman de Colette anticonformiste et provocateur pour l'époque, propose deux situations adolescentes, féminine et masculine, aux routes différentes mais convergentes. Du point de vue culturel, en particulier, elles ne sont pas superposables. Le très jeune homme de la chanson utilise une formule de macho pour montrer qu’il connait le jargon du mâle fatal adapté à la situation. Référence cinématographique, plutôt que littéraire. Elle serait improbable pour l'auteur chez un post-adolescent? «J’ai découvert», peut sous-entendre que cette femme n’a pas eu un passé amoureux très riche.

Il venait d'avoir 18 ans / Ça le rendait presqu'insolent / De certitude / Et pendant qu'il se rhabillait / Déjà vaincue, je retrouvais / Ma solitude.

La femme minore le jeu risible et outrancier du jeune homme. Le parti-pris de la première personne du singulier privilégie la version féminine de la rencontre dans cette chanson. Il est insolent et fat, mais elle préfère sourire de "sa candeur infernale" (oxymore). Dès l’acte consommé, elle perçoit, sans étonnement exagéré, la dure réalité des faits qu'elle aurait dû anticiper.

J'aurais voulu le retenir / Pourtant je l'ai laissé partir / Sans faire un geste /Il m'a dit "C'était pas si mal" / Avec la candeur infernale / De sa jeunesse.

Ceci l'amène à choisir un retour à la solitude, plutôt que de chercher à convaincre sa conquête de poursuivre l’aventure. Elle ne reprend pas l'adolescent impudent, et préfère sourire intérieurement de son « C’était pas si mal ». Nous ne savons rien du passé du jeune homme. Peut-être est-ce la première fois qu’il fait l’amour, et qu'il tient à n’en rien montrer?

J'ai mis de l'ordre à mes cheveux / Un peu plus de noir sur mes yeux / Par habitude / J'avais oublié simplement / Que j'avais deux fois 18 ans.

La femme a donc 36 ans. Le temps de quelques heures, tout au plus, cette aventure lui a fait oublier son âge, retrouver un éclat de sa jeunesse au profit de cette courte parenthèse sensuelle. Elle se contentera, en toute inconséquence, des sensations glanées. Au prix d’un amour propre molesté, tout de même. Pas de passage par la case PROZAC (anachronisme!), juste une goulée amère d’eau de jouvence qui ne s’avère qu’un succédané de retour aux sources de sa jeunesse, qu'un ersatz d'été 42 à elle.

Conclusion :

La femme «couguar» et ses «hommes-jouets» (*), expression tic verbal du moment employée à tort et à travers avec l'anglicisme "cougar", daterait de la dernière pluie, à en croire les média. Parfaitement idiot, n’en déplaise à ceux qui pensent que tout vient d’être inventé pour eux. Le "démon de midi" (**), version féminine, a existé bien avant qu'on ne découpe le jour en unités précises et qu'on les dénomme. Le phénomène semble parfaitement marginal et limité à des groupes sociaux particuliers (***). 

(*) Le mot couguar (cougar étant un anglicisme popularisé en France en 2009, avec la diffusion de la série Cougar Town, et entériné en 2011 par les dictionnaires français) est un terme argotique abondamment employé par la presse lors des années 2000, et qualifiant des femmes ayant des relations avec des hommes plus jeunes qu'elles. Pour Zoe Lawton et Paul Callister « la définition la plus simple et la plus largement utilisée est celle d'une femme de 35 ans ou plus qui sort ou cherche à sortir avec des partenaires ayant au moins huit ans de moins qu'elle. ». Ces hommes sont alors appelés "toy boys", en référence au film Toy Boy.
wikipédia

(**) Vision quasi apocalyptique du phénomène par certains exégètes de l'Ancien Testament
5 Tu n’auras pas peur des frayeurs de la nuit, ni de la flèche qui vole de jour,
6 de la peste qui marche dans les ténèbres, ni de la destruction qui dévaste en plein midi.
Ancien Testament - Psaume 91 - versets 5 et 6 -

(***) Une étude de l'université métropolitaine de Cardiff  sur la différence d'âge au sein des couples auprès de 22 000 femmes de 14 pays ayant indiqué leurs souhaits sur des sites de rencontre indique que ses résultats ne montrent pas de préférences des femmes pour des hommes plus jeunes, et viennent contredire des études antérieures soutenant des interprétations évolutionnistes. Elle fait part d'une préférence générale des femmes pour des partenaires du même âge ou plus âgés, tandis que chez les hommes, la préférence pour des partenaires plus jeunes s’accroît avec l'âge. L'Express, reprenant cette étude, relève que cette croyance est un mythe, et que « le nombre de femmes cougars est marginal et se limite principalement au monde du show business ».
wikipédia

Note second degré : Il n’est pas impossible qu’un exégète chafouin (pour continuer dans le planant), s’appuyant sur le fait que la musique soit la même que celle de «Comme ils disent» de Charles Aznavour, ajoutant que Pascal Sevran a révélé publiquement son orientation sexuelle, ait suggéré qu'il s’agisse en fait d’une histoire mettant en scène un travesti. Le noir sur les yeux ne serait pas un contre-argument et le lit improvisé le coin d'un bois connu. On peut tout imaginer avec les intégristes de la théorie du complot…
Une texte de chanson bien écrit et plein de finesse du défunt Pascal. Là, c'est indéniable. Ce n'est pas lui faire injure que de préférer le style de Colette et sa façon brillante de traiter le sujet dans son roman "Le blé en herbe" .

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