lundi 3 juin 2013

L’affaire DOYLE - MORIARTY

Clic pour agrandir - Click to enlarge


Professeur,

Je réponds bien tardivement à la lettre accompagnant le carton d’archive que vous avez eu l’amabilité de me confier par l’entremise des services postaux. Votre demande m’a donné du fil à retordre. Le fruit de mes avancées reste incomplet, bien que de nombreux éléments soient désormais éclaircis.

Dans cette troublante affaire, il m’a tout d’abord fallu comprendre ce que ce vieil appareil photo allemand faisait dans cet inventaire qu’aurait complété à une date imprécise le neveu du Docteur WATSON. Il s’attelait à une histoire, non résolue semble-t-il, par l’éminent limier. Il s’agit probablement d’un Rolleiflex Automat Modèle 3 à obturateur Synchro-Compur, fabriqué de 1945 à 1949. Mais je ne suis nullement expert en matériel photographique ancien. Effectivement, comme vous me l’avez précisé, une pièce manquante rendait inopérante l'ouverture de son magasin. J’y reviendrai plus tard.

Le panneton de la clef présente dans le carton m’est tout de suite apparu de conception trop sommaire et trop simple dans son dessin pour juger qu'elle puisse être réellement celle de l’ancien domicile de ce détective privé. Il était connu pour sa méfiance vis-à-vis d’intrusions malveillantes dans ses appartements et locaux professionnels, même si sa logeuse montait bonne garde. De plus, l’adresse figurant sur l’étiquette liée à la clef est erronée. Les spécialistes savent que le numéro (221B) n’a jamais existé dans cette rue de Londres qui compte cependant bien un 221. Premier élément intéressant.

Le manomètre de l’inventaire était toujours en état de marche. Un ami mien disposant dans son laboratoire d’un caisson hyperbare, l’idée me vint pourtant de le tester à des pressions contrôlées et stables. Aiguillé, si je puis dire, par les chiffres de ce numéro de rue improbable, sous une pression de 2,21 bar maintenue constante pendant 1854 secondes (soit un peu moins de 4 minutes et correspondant à la date de naissance de Monsieur Holmes), un phénomène étrange se produisit : une pièce mécanique s’éjecta de l’appareil de mesure. Votre vivacité d'esprit proverbiale vous met, bien entendu, immédiatement sur la voie: la pièce manquante complétant le mécanisme d’ouverture du magasin de l’appareil photographique.

Confié rapidement à un professionnel de la photographie, l’appareil, complété de l’élément manquant récolté, fut ouvert en chambre noire par ses soins. Il délivra un rouleau de pellicule. Heureuse surprise, il ne s’agissait pas d’un négatif vierge non traité dont on ne pouvait plus attendre grand chose. Un rouleau de film révélé et fixé avait été remis en place, puis, l’appareil refermé et délesté d’une pièce introduite dans une cache ingénieuse de ce manomètre trafiqué. L’émulsion du support négatif, bien qu’endommagée au fil du temps, nous permit cependant d’effectuer des tirages, sinon de bonne qualité, du moins exploitables.

Fait intéressant, il s’agissait d’une pellicule couleur ancienne. Dès 1942, la commercialisation de négatifs couleurs contribua à rendre la photographie couleur populaire. Comme vous le savez probablement, l’invention de la photographie en couleur, quant à elle, et sur d’autres supports, remonte encore plus avant dans le temps: au tout début du XXème siècle. Ce négatif proposait des vues d’anciens réverbères alimentés en gaz de houille au siècle précédant. Il me semble bien qu’elles aient été prises en Suède, pays  qui a conservé jusque dans les années 1950 quelques modèles anciens en fonction. Le gaz d’éclairage ayant un très bon indice de rendu des couleurs, c’est probablement pour cela qu’il servit de source lumineuse pour une des photos proposant une gravure encadrée en nuances sépia du célèbre détective. Cependant, notre photographe avait déjà en sa possession, en effet on peut estimer la date des prises de vue à l'immédiat après-guerre, d'autres méthodes d'éclairage tout aussi performantes quant à la conservation des couleurs originales des documents. L’éclairage utilisé par le neveu suit pourtant l'antique méthode décrite. En effet, on entrevoit un détail du système d’éclairage dans l’angle supérieur gauche de son cliché. Le photographe cherchait donc à obtenir un rendu des couleurs très fiables pour travailler sur quelque détail chromatique de la gravure. Aucune technique de visionnage utilisant les capacités modernes d’analyse des images ne me permit une quelconque découverte, malgré l’inspection minutieuse des sept photos du rouleau.

Une analyse du papier sur lequel vous m’avez adressé votre demande, m’a permis de comprendre qu’il s’agissait probablement d’un échantillon ayant appartenu à un lot original commandé par l’ancien détective. Il l'utilisait sans doute à dessein pour ses envois à des correspondants choisis. Vous n’avez pas été sans remarquer que figure, dans l’angle du bas à droite de son papier personnalisé, une miniature. Elle reproduit parfaitement la gravure de la photo que j'ai décrite avec une relative précision. Vu le siècle, ce papier eut droit à un passage sur une presse lithographique pour l’impression de ce médaillon sur lequel pose Holmes. L'offset n'était pas encore en vogue.

En quoi la technique défunte d’éclairage urbain alimenté à partir de stockage dans des gazomètres avaient-elle motivé le neveu du Docteur Watson à effectuer des recherches dans cette direction? Le gaz de houille inventé par William Murdoch à la même époque, est nommé « gaz hydrogène carboné » (« gas light », voire aussi gaz de ville, ou gaz manufacturé). Il contient 50 % de dihydrogène, 32 % de méthane, 8 % de monoxyde de carbone. Je me suis alors mis immédiatement en quête d’un laboratoire de chimie pouvant me permettre d'effectuer des observations des clichés à la lumière de ce gaz. Malheureusement, aucune expérience entreprise n’aboutit à un embryon de piste.

La semaine dernière, germa soudain dans mon esprit l’idée que nous avions fait tous les deux fausse route. Ne fallait-il pas plutôt s’intéresser à la technique d'impression du papier à lettres. Celle utilisée pour l'image de la photo découlait de la reproduction papier provenant d'une gravure effectuée sur cuivre. J'en vins alors à effectuer un tirage personnel agrandi de la miniature du papier à lettres proposant l’effigie du célèbre détective. Il me fallait cependant respecter le recours à la source d’éclairage qui avait intéressé mon prédécesseur. Un brûleur alimenté au gaz hydrogène carboné de composition répondant exactement au mélange de jadis me permit de le faire.

Je ne sais alors quel phénomène physico-chimique se mit en branle  (interaction entre l’encre d’impression ancienne et quelque émanation gazeuse qui reste mystérieuse pour moi?) et me permit de distinguer sur un agrandissement à forte échelle, dans la fumée de la pipe du médaillon, une étrange inscription dont la fin est illisible, de couleur vaguement brunâtre, invisible à l’œil nu, car de taille minuscule? Encore plus étrange, écrite en langue française… Il est vrai que notre détective, Asperger probable, possédait parmi les nombreuses cordes de son arc, celle de la polyglossie.

Je vous adresse l’agrandissement révélant cette inscription dont les deux dernières lettres vont m’amener à phosphorer encore un peu pour clore les recherches.

Votre dévoué serviteur cauteleux.

Clic pour agrandir - Click to enlarge

Note : des expérimentations graphiques nébuleuses à base de calques PSD glanés sur la toile sont à la base de l’élaboration de ce scénario rocambolesque. Rocambole et Sherlock au scénario d’un même épisode…

4 commentaires:

  1. Bel exercice de style. Drôle en plus dans sa chute. Moriarty is a asshole, for sure !

    RépondreSupprimer
  2. excellent !!!
    Noëlle

    RépondreSupprimer
  3. Je sais que mon rival acharné s’était mentalement relâché en fin de carrière et que l’abus de morphiniques avait fini par endommager ses connexions neuronales. Au point de me m’affubler d’un si vil qualificatif : n..

    Avec les c…, il n’y a qu’une chose à faire : vivre plus vieux qu’eux. Mon sérum anti-âge Advanced Night Repair m’a permis d’attendre au bord du fleuve pour y voir passer le corps de mon ennemi. Niark, niark, niark !

    RépondreSupprimer
  4. A1> voire an asshole, thx.
    A2> thx2.
    Moriarty> Je savais bien que vous n'aviez pas péri dans les chutes du Reichenbach. J'ai récupéré votre URL. Je suis à vos trousses. Humpf, humpf, humpf!
    Sherlock Roboholmes.

    RépondreSupprimer

Commentaire de :