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mercredi 20 mars 2013

Vénus versus Mars




Commentaire sur un site féminin de psychologie en ligne transmis par une internaute :

Une conférence du patron du département Psychiatrie à Stanford traitait du rapport entre le corps et l’esprit, de la relation du stress et de la maladie. L’orateur a, entre autre, affirmé que l’une des meilleures choses que l’homme puisse faire pour sa santé est d’avoir une épouse alors que pour la femme, la meilleure des choses à faire pour être en bonne santé est d’entretenir ses relations avec ses amies.
Tout l’auditoire a éclaté de rire, mais il était sérieux.
Les femmes ont des relations différentes entre elles qui engendrent des systèmes de soutien grâce auxquels elles gèrent les différents stress et les difficultés de la vie.
Du point de vue physique, ces bons moments “entre filles” ...nous aident à produire plus de sérotonine – un neurotransmetteur qui aide à combattre la dépression et qui engendre une sensation de bien-être. Les femmes partagent leurs sentiments alors que les rapports amicaux entre hommes tournent souvent autour de leurs activités.
Il est très rare que ceux-ci passent un bon moment ensemble pour parler de ce qu’ils ressentent ou du déroulement de leur vie personnelle.
Parler du boulot ? Oui. De sport ? Oui. De voitures ? Oui. De pêche, de chasse, de golf ? Oui. Mais de ce qu’ils ressentent ? Rarement.
Les femmes font cela depuis toujours. Nous partageons – du fond de notre âme – avec nos sœurs/mères, et apparemment ceci est bon pour la santé.
L’orateur explique aussi que de passer du temps avec une amie est tout aussi important pour notre état général que de faire du jogging ou de faire de la gym.
Il y a une tendance à penser que lorsque nous faisons de l’exercice nous soignons notre santé, notre corps, alors que lorsque nous passons du temps avec nos amies nous perdons du temps et que nous devrions nous acquitter de choses plus productives – ceci est faux.
Ce professeur affirme que le fait de ne pas créer et maintenir des relations personnelles de qualité est aussi dangereux pour notre santé que de fumer !
Donc, chaque fois que vous passez du temps avec vos amies, pensez que vous faites bien, félicitez-vous de faire quelque chose de positif pour votre santé !

***

La prestigieuse revue médicale anglaise Harper’s Bazaar Studies a publié récemment un article sur une étude randomisée en double aveugle  concernant : « L’importance chez les femmes des sorties entre amies pour favoriser l’équilibre de leur couple ».

Elle a été menée par une équipe composée d’un psychiatre, d’un pédiatre, d’un gastro-entérologue, d’un gynécologue et d’un agent de surface du Anything Hospital of Cambridge. Les auteurs ont mis en place une étude de deux ans portant sur un panel de 50 infirmières mariées depuis au moins 3 ans. Le recueil régulier de leurs témoignages associé à la pose d’un questionnaire anonyme trimestriel élaboré en collège a servi d’outil principal. Nous en fournissons ici les conclusions de leurs travaux dans cet article de vulgarisation scientifique. (1)

- Le fait que les femmes aient besoin de se réunir régulièrement entre elles pour échanger leurs états d’âme favorise leur transit abdominal. Les diarrhées confidentielles associent un réflexe conditionné d’exonération du contenu distal de leur tube digestif, diminuant ainsi flatulences et ballonnements tout en renouvelant la flore colique (2). De surcroit, les auteurs notent que plus le débit d’élocution était soutenu durant ces confidences hygiéniques, plus la purge était bénéfique les jours suivants aux maris pour l’écoute non parasitée des retransmissions télévisées d’événements sportifs quand leurs épouses étaient présentes dans la pièce. Les parasites en question n’ont rien à voir avec les principaux parasites intestinaux que sont oxyures, ascaris et ténias, précisent les auteurs.

- Les conversations du groupe étudié (lorsque les personnes avaient des enfants : 100% des cas) portaient régulièrement sur les dernières facéties de leurs chères têtes blondes. Le cerveau féminin ayant la vertu de conserver un âge mental assez proche des préoccupations de leur progéniture, celles-ci se trouvent à même d’aider leurs enfants. En particulier pour leur indiquer comment ne plus se faire prendre ou témoigner avec conviction de leur innocence lorsque des faits rapportés leur étaient reprochés par le corps enseignant ou des voisins. (3)

- Les auteurs ont listés scrupuleusement la fréquence des relations extraconjugales dans le groupe de sujets étudiés (4). Les sorties entre amies favorisent la loi du silence quand elles sont confiées. Seuls, les conjoints des autres membres du groupe sont avertis. Les soirées entre amies peuvent servir à l’occasion d’alibis en cas de renseignements des maris sur la présence effective de leur femme lors de ces sorties. Le groupe aide aussi à lever d’éventuelles traces toxiques de culpabilité résiduelle chez les intéressées. Il incite aussi les plus timorées à imiter celles qui ont déjà testé par conscience professionnelle la solidité de leur couple, ou vérifié le bien fondé du choix de leur conjoint. Les techniques de recherche et de mise en condition de testeurs mâles extérieurs disponibles (5) sont alors mises en commun et commentées. Les meilleures sont proposées aux candidates partantes pour des exercices corporels de test avec un organisme mâle de rencontre en ordre de marche. 

- Un des autres sujets de conversation favoris du groupe est le Prince Charmant. Un consensus s’est dégagé. Sa découverte est très hypothétique. Il est très pris. En cas de remise en circulation sur le marché, toujours possible, celle-ci est particulièrement volatile. Les auteurs ont noté, par conséquence, que le Prince Charmant n’était pas marié à une des amies du groupe. En effet, si c’était le cas, cette amie resterait à la maison et ne les inviterait pas chez elle (6). 

- En cas de brouille sérieuse dans l’un des couples durant l’étude, la meilleure amie (toutes en ont une) est alors une excellente conseilleuse non payeuse. Elle sait fournir les arguments destructeurs et les réponses cinglantes n’étant pas venus à l’esprit de la victime lors de la dernière dispute. Elle peut à profit envenimer la brouille, simplifiant alors la séparation salvatrice (7). 

- Alors que les hommes parlent entre eux de foot, de travail, de politique, de mécanique et des plus belles paires de fesses sur leur lieu de travail, les femmes parlent plutôt chiffons, des rebondissements spectaculaires du reality show du moment, de leur acteur fétiche, de l’arrivée des soldes, de romans à l’eau de rose et des dernières vacheries bien senties qu’elles ont balancées à leurs collègues. Là encore, en parler entre amies contribue à leur équilibre. 

- Des études gynécologiques ont montré que ces exercices verbaux entre amies entraînaient une excellente lubrification vaginale. Elle découle, tout comme d’ailleurs durant les exercices corporels indiqués plus avant, de l’excitation cérébrale induite par l’ambiance de franche sororité complice. Les pics d’adrénaline mesurés quand les petits poings s’agitent dans le vide durant la narration des altercations conjugales ou professionnelles sont bénéficiaires au système cardiovasculaire et au haut appareil digestif: drainage important des parotides, sous-maxillaires et sublinguales des sujets étudiés. Enfin, les postillons émis sont excellents pour l’entretien des verres minéraux des porteuses de lunettes qui leur font face. Pour celles qui n’en portent pas, exercice d’assouplissement favorable des cervicales lié aux mouvements d’évite.

Gérard Dugland, journaliste aux Chroniques du Boukistan.


(1) Les grosses salopes n’ont pas été retenues pour l’étude mais un temps au cabinet de consultation par les auteurs. L’agent de surface s’est contenté des water-closets. Cependant, quelques recueils de témoignages nocturnes ont été retenus dans l’étude afin de les croiser avec les diurnes. 

(2) Bolets satan, vacherichia colic, trompettes des morts, candida pourlegranso

(3) Une explication complémentaire est que leur art de se mentir à elle-même rend les femmes beaucoup plus crédibles car elles affichent une sincérité désarmante, persuadées alors qu’elles sont de ne dire que la vérité.

(4) celles avec les auteurs de l’étude sont exclues des résultats.

(5) Un élément intéressant est également sorti de cette étude à la méthodologie stricte : plusieurs conjoints évincés par les sujets de l’échantillon durant l’enquête ont été recyclés par d’autres membres de celui-ci, favorisant ainsi la séparation sans regret du mari rejeté au profit de l’amant. Quelques bénévoles ayant procédé au recyclage ont cependant perdu leur meilleure amie.

(6) Le Prince charmant, il faut le savoir en plus, est exigeant quant au choix de sa conjointe. Ses mensurations (à ne pas confondre avec les menstruations indique le gynécologue) et la dernière coloration fuchsia ne sont pas ses seuls critères de choix. Son profil Meetic tient compte aussi du niveau intellectuel des prétendantes. La consultation de son profil ayant chuté fortement ces dernières années, quatre fautes d’orthographe par ligne de message sont désormais tolérées.

(7) Conseils des amies : « Petite bite » est souvent conseillé comme argument massue. En cas de contre attaque de l’accusé utilisant le classique « mal baisée » ne jamais hésiter à confirmer l’exactitude du propos.

Note : appartenant à la génération ayant accompagnée avec bonheur la libération de la femme et la mise à l’index du machisme, j’estime désormais que le temps est venu de pouvoir chambrer certains lieux communs pseudo-féministes, aussi caricaturaux que ceux des machos pourfendus jadis, sans s’entendre conspuer par les bonnes âmes.
« La meilleure des choses à faire pour être en bonne santé pour une femme est d’entretenir ses relations avec ses amies » et « Les hommes ne savent pas parler de ce qu’ils ressentent. »  me sont ici apparus comme du « Les hommes viennent de mars et les femmes de venus. » version Reader Digest ou prédicateur évangéliste pur jus. L’idée de pondre une étude paranoïa-fantaisiste moquant certaines réunions de groupes d'action féminins qu’on pourrait ranger dans "les sorties entre amies bonnes pour la santé" mais pas bon pour les hommes.

mardi 5 mars 2013

Mulholland Drive : la clef bleue d’une revanche sur l’usine à rêves brisés de la cité des anges.




Mulholland Drive est un film franco-américain écrit et réalisé par David Lynch en 1999 (pour l'essentiel) et 2000 (pour certaines scènes), et sorti en 2001.

Synopsis :

Victime d’un accident de voiture, une mystérieuse femme, amnésique et blessée, erre sur la sinueuse route de Mulholland Drive. Elle se réfugie dans la première maison qu'elle trouve, l'appartement de la tante de Betty Elms, apprentie comédienne fraîchement débarquée d’une petite ville d’Ontario et venue conquérir Hollywood. Intriguée par cette inconnue qui se fait appeler Rita, Betty, en tentant de l'aider à retrouver la mémoire, découvre dans son sac des liasses de dollars et une clef bleue. De plus en plus complices et devenues amantes, les deux jeunes femmes mènent l’enquête pour retrouver l’identité de Rita. Entre conscience et inconscience, jusqu'au moment où, la clef bleue ayant trouvé sa serrure, l'histoire se renverse.

Mon avis :

La première vision de ce film, l’année de sa sortie, m’avait laissé particulièrement perplexe. Fallait-il vraiment chercher des explications plausibles à la foule d’interrogations que me laissait ce film au moment du générique de fin ? Cheminement alambiqué du scénario, identités à rebondissement des personnages, messages obscures et tortueux du réalisateur, scènes opaques en marge du paranormal, hétérogénéité d’un film fluctuant entre réalisme et onirisme. Un truc à classer illico l’œuvre du maître, bien que particulièrement esthétique et magnifiquement tournée, dans la série des "foutages de gueule intello-pédants" sur lesquels aiment pérorer quelques exégètes snobinards du Septième Art. Devais-je en rester au contentement basique d’un voyeur émoustillé par quelques scènes où deux superbes actrices batifolent en décubitus dorsal ? Je sentais bien une satyre du milieu du cinéma hollywoodien, un clin d’œil au cinéma d’Hitchcock, une référence au mythe de Pandore et le réaménagement onirique par une des protagonistes du film d’une histoire d’amour passée ayant tourné au fiasco. Pour le reste, et en particulier, le montage habile visant à nous perdre dans les méandres d’un travail de raccommodage du rêve d’une starlette vengeresse, j’en étais bien loin. La lecture sur la toile d’une analyse particulièrement détaillée et intelligemment étayée par des exemples m’a fait comprendre une fois de plus qu’il était parfois bon de ne pas s’arrêter à une première impression partisane au décours de la vision d’un film. Revu avec les clefs désormais en ma possession par l'entremise d'une spectatrice curieuse me les ayant confiées,  je dois convenir que ce film de Lynch est un petit bijou de rouerie dans le style « Meurtre dans un jardin anglais »  servi par un montage qu’on croit fumeux alors qu’il vise à tester la sagacité  d’un spectateur intrigué. Quoi qu’il en soit, ce film ne peut pas laisser de marbre celui qui ne ferait que se laisser porter par la magie du spectacle.  

Analyse :

Le film commence comme un thriller, mais il est tout sauf un thriller. Il est d’une beauté formelle rare, mais ce film est tout sauf de l’art pour l’art. Enfin, Mulholland drive est bien entendu un rêve, et bien entendu il fonctionne comme un film à clés, mais le rêve n’est pas le véritable sujet du film. Le rêve n’est qu’un moyen - particulièrement bien approprié - de parler d’autre chose. Mulholland drive est en réalité un film sur l’amour et la haine et sur le deuil, mais aussi une élégie, un monument érigé en hommage aux victimes d’Hollywood, une réflexion sur la puissance du cinéma et son influence sur la vie, et même, plus que ça, un pamphlet contre l’ordre hétéro sexiste, ou plus largement contre “l’usine à rêves” qu’est Hollywood, et contre les effets destructeurs de ce “ rêve ” sur la subjectivité de masse.

Tout cela, à travers une histoire : l’histoire de Diane Selwyn et Camilla Rhodes, victimes d’Hollywood. Pour dire les choses d’une manière plus précise : Mulholland drive est une histoire de revanche et de vengeance. L’histoire d’une même femme qui, sous deux identités, l’une réelle, l’autre rêvée, se venge deux fois. Diane Selwyn se venge tout d’abord du mal que lui a fait Camilla Rhodes, la femme qu’elle aime, en la faisant assassiner ; puis, une fois cette première vengeance accomplie, elle se rend compte que ce n’est finalement pas de cette femme qu’il fallait se venger, mais de tous les autres : d’un homme - et au-delà de cet homme, d’un système - qui lui a volé l’objet de son désir.

Cette seconde vengeance, c’est par le rêve qu’elle l’accomplit, celui-ci assurant, selon le mot de Freud, “ la revanche du principe de plaisir sur le principe de réalité ”. Revanche de l’actrice de second rang sur le Star System qui n’a pas su lui faire de place, mais aussi, plus largement, revanche des dominés sur les dominants et de la minorité sur la majorité : revanche de Sierra Buonita sur Sunset Boulevard et Mulholland drive, revanche du petit peuple des provinciaux, des seconds couteaux et des nettoyeurs de piscine sur le Gotha hollywoodien, revanche des femmes sur les hommes, et revanche de l’amour homosexuel sur l’ordre hétéro-sexiste qu’incarne Adam Kesher, le personnage du réalisateur frimeur du film.

Pierre Tevanian 

Une analyse du film bien détaillée, illustrée et annotée: