dimanche 27 mai 2012

FESTEN



Festen est un film danois réalisé par Thomas Vinterberg sorti en 1998. Il reçoit le Prix du Jury au Festival de Cannes en 1998. C’est le premier film labellisé Dogme95, écrit à Copenhague par Lars von Trier et Thomas Vinterberg, proclamé officiellement et publiquement le 20 mars 1995 au théâtre de l'Odéon à Paris, dans le cadre d'une rencontre sur le centenaire du cinéma. Son énoncé provocateur:

Je jure de me soumettre aux règles qui suivent telles qu'édictées et approuvées par Dogme 95:

1. Le tournage doit être fait sur place. Les accessoires et décors ne doivent pas être amenés (si on a besoin d'un accessoire particulier pour l'histoire, choisir un endroit où cet accessoire est présent).
2.  Le son ne doit jamais être réalisé à part des images, et inversement (aucune musique ne doit être utilisée à moins qu'elle ne soit jouée pendant que la scène est filmée).
3. La caméra doit être portée à la main. Tout mouvement, ou non-mouvement possible avec la main est autorisé. (Le film ne doit pas se dérouler là où la caméra se trouve; le tournage doit se faire là où le film se déroule).
4. Le film doit être en couleurs. Un éclairage spécial n'est pas acceptable. (S'il n'y a pas assez de lumière, la scène doit être coupée, ou une simple lampe attachée à la caméra).
5. Tout traitement optique ou filtre est interdit.
6. Le film ne doit pas contenir d'action de façon superficielle. (Les meurtres, les armes, etc. ne doivent pas apparaître).
7. Les détournements temporels et géographiques sont interdits. (C'est-à-dire que le film se déroule ici et maintenant).
8. Les films de genre ne sont pas acceptables.
9. Le format de la pellicule doit être le format académique 35mm.
10. Le réalisateur ne doit pas être crédité.
De plus je jure en tant que réalisateur de m'abstenir de tout goût personnel. Je ne suis plus un artiste. Je jure de m'abstenir de créer une « œuvre », car je vois l'instant comme plus important que la totalité. Mon but suprême est faire sortir la vérité de mes personnages et de mes scènes. Je jure de faire cela par tous les moyens disponibles et au prix de mon bon goût et de toute considération esthétique.

Et ainsi je fais mon Vœu de Chasteté

Copenhague, Lundi 13 mars 1995, au nom du Dogme 95. Lars Von Trier, Thomas Vinterberg.

Synopsis :

Tout le monde a été invité pour les soixante ans du chef de famille. La famille, les amis se retrouvent dans le manoir d'Helge Klingenfelt. Christian, le fils aîné de Helge, est chargé par son père de dire quelques mots au cours du dîner, sur sa sœur jumelle, Linda, morte un an plus tôt. Tandis qu'au sous-sol tout se prépare avec pour chef d'orchestre Kim, le chef cuisinier, ami d'enfance de Christian, le maître de cérémonie convie les invités à passer à table. Personne ne se doute de rien, quand Christian se lève pour faire son discours et révéler de terribles secrets.

Quelques critiques :

C'est une réussite artistique exemplaire autant qu'originale - et, à ce titre, film clé du cinéma contemporain - Festen pointe toutefois les limites d'une certaine façon, celle du Dogme, de concevoir le Septième Art comme une sorte de théâtre (bien) filmé, aux intrigues ramassées dans l'espace et le temps et condamnées aux paroxysmes tragiques. D'ailleurs, Vinterberg n'envisage plus de s'y référer: « La fraîcheur aurait disparu et ne subsisterait que la redite. »

Avec ce mode de tournage et ce matériel, Festen, comme Les Idiots de Lars von Trier réalisé la même année, a toutes les apparences d'un reportage et se déroule sous les yeux du spectateur comme une tranche de vie surprise par une caméra indiscrète tenue par un cinéaste ignorant des développements de l'action, des motivations et des déplacements des protagonistes. Bien sûr, ce n'est là qu'apparence : l'écriture du film - cent pages de scénario - a pris deux mois et demi;  Vinterberg a ensuite passé deux mois avec ses acteurs pour élaborer leurs personnages; et le tournage, enfin, a duré aussi longtemps que celui d'un film hors Dogme. Mais le résultat, à l'écran, semble totalement improvisé.

Le film carbure à la méchanceté allègre. Alerte, sec, sans excès de sympathie pour «l'humanité» trouble de ses personnages.

Mon point de vue :

J'ai vu ce film pour la première fois, un ou deux ans après sa sortie en salle. Je suis passé alors par une séquence d'états d’esprit variés. Aussitôt, la crainte de m'être fourvoyé dans un film expérimental dont les mouvements de caméra approximatifs finiraient par me donner le tournis. Tourné au caméscope par un invité mystère à la technique de prise de vues rudimentaire? Caméra embarquée sur le casque d'un parachutiste cherchant à immortaliser une séance de saut en chute libre en équipe? Cependant, au fil des rushes 4/3, la psychologie de départ un peu monolithique des personnages se complexifiait. La liste des invités, plus baroques, déjantés ou mystérieux les uns que les autres ajoutaient au spectacle. Se mettaient peu à peu en place les pions du psychodrame à venir d’une tribu peu commune au bord de la crise de nerf. Je sentais venir la révélation maousse, catalyseur d'une réaction chimique explosive. Le tube à essai dans lequel baignaient tant de réactifs colorés ne pouvait pas rester muet. Le mélange tonnant retentit assez rapidement dans le film. Faut-il craindre alors que le scénario s’épuise rapidement ou de devienne poussif à vouloir trop s’étirer? Que nenni! En psychologie lourde, la révélation brute d’une vérité cachée n’annonce que le début d’un conflit, en aucun cas, sa résolution éclair. Ne rien dire, ne rien voir, ne rien entendre, les trois adages de la sagesse, deviennent dans ce cas trois modes de défense pervers. Le bras de fer familial, âpre, dur, lourd, parfois violent, génère rapidement une atmosphère de malaise peu soutenable. Au milieu de ces déchirements familiaux, je me suis alors accroché à mon siège pour ne pas rater une miette du combat œdipien et des dégâts collatéraux. Le parricide symbolique classique du patriarche ne pouvait-il pas devenir même crime réel ?

"Familles, je vous hais", en somme. Un film au formalisme novateur, brut de décoffrage, parfois objet violent non identifié, interprété magistralement par l'ensemble des acteurs.

Festival de Cannes 2012 : contre-pied au sujet de "Festen", le nouveau film de Thomas Vinterberg « Jagten » (La Chasse) raconte la descente aux enfers d’un brave homme accusé d’abus sexuel. C’est l’enfant qui ment et l’homme qui trinque. Le réalisateur danois fait vaciller notre foi dans la société. Mads Mikkelsen interprète avec une clarté extraordinaire et un étonnement considérable le rôle principal (récompensé par le prix d'interprétation masculine à ce festival). Vinterberg démontre que « la pensée est un virus » qu’aucune preuve ne peut arrêter. Pour cela, il omet tout ce qu’on attend normalement d’un accusé dans cette situation : prendre un avocat, exiger la justice, clamer son innocence, demander des explications à ses amis. Vinterberg, au contraire, expose Lucas au verdict populaire. Ce sont ces meilleurs amis et son entourage proche qui propagent l’accusation qui se transforme en une chasse à l’homme où la réputation est détruite par des soupçons et des demi-vérités. Chaque pas, chaque geste vont trahir la vérité et barrer la route à l’acquittement de l’accusé. Le réalisateur entretient volontairement le trouble : assimiler les propos d’un enfant, sans ménagement, à un mensonge est un sacrilège dans une société hantée par la pédophilie. Vinterberg fait monter la tension à un tel point que le public applaudit quand Lucas donne un coup de tête à un de ses diffamateurs.

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