vendredi 27 mai 2011

L'amour: mode d'emploi


@ Only Photos

Comment savoir si l'on aime vraiment ?

L'interrogation est légitime et la réponse toute simple: se poser la question c’est déjà y répondre. Vous ne vivez pas avec la perle rare qui éclipse par son éclat les pâles imitations. La nécessité de rompre une solitude pesante ou l’urgence d’exprimer vos besoins affectifs vous ont incité à vous persuader que vous aimiez vraiment. L'homme amoureux, qui plus est, atteint de passion amoureuse, est trop perturbé pour l’avoir en tête. Dans l’alternative «Qui plus est», on imagine de surcroît qu’un homme bataillant en pleine tempête fait tout pour s’accrocher au gouvernail et sauver sa peau. Ce genre de question, il s’en bat l’œil.

Comment devenir alors simplement un bon joaillier qui élimine d’un regard la contrefaçon? Nouvelle question en guise de réponse: «Vivez-vous ce qu'on lit dans les romans romanesques, ce qu’on voit dans les romans photos, ce qui fait pleurer Margot dans les salles obscures ou devant les petits lucarnes des chaumières blotties dans la brume? ». Dans les livres ou les films, les héros irradient la certitude... banane ! Vous changez alors rapidement de question: «Comment trouver ce que l'on n’a pas encore connu?». Fichtre, les choses se compliquent. Le raisonnement s'obscurcit. On cherche les yeux bandés dans le noir. Qui pourrait bien vous faciliter la tâche?

En fait, pourquoi voudriez-vous qu'on vous aide alors que la concurrence est rude, la quête bigrement répandue et l’âme sœur si difficile à débusquer? Celui qui l’a trouvée n’est pas préteur. Quand bien même, mettriez-vous une somme insensée, disons exorbitante, sur la table (ça fait quand même réfléchir!) et poseriez sous l'emprise d'une naïveté admirablement feinte, la question à quelqu'un qui vous paraît avoir réussi sa longue quête du Graal, qu’il consente à vous éclairer, à peine auriez-vous entendu le début de ses explications vaseuses, de ses trucs fumeux, que vous reprendriez subrepticement les piles de billets pour les remettre dans votre sac à dos. Il n'en sait pas grand chose, le bougre, du cheminement qui l'a amené à l'état d’hébétude profonde dans lequel il erre hagard depuis son heureuse découverte.

Raisonnons alors par l'absurde. Son état d'hébétude profonde ne vous inquiète pas outre mesure, vous vous obstinez à découvrir comment éviter bêtement de croquer de l'ersatz sans le savoir. Deux méthodes:

- si vous êtes patients, faites confiance au temps. Dans l'immense majorité des cas il fera son office. Vous aurez enfin un jour la certitude que votre partenaire d'élection ne vous avait pas été désignée par le doigt de la providence mais par une autosuggestion cauteleuse ou une poussée hormonale mal contrôlée. Fin de l'effet placebo. Vous étiez bien dans le cas habituel d'une relation amoureuse alimentaire. Rien à voir avec le grand festin.

- si vous êtes un pragmatique actif, voire un turbulent inquiet (grand fou, va !), une partenaire de rencontre peut se charger d'une mise au point express. L'élue de votre cœur, la soi-disant perle rare, l'être irremplaçable, ne résiste pas à la comparaison... Quel choc! Mais alors, ce qu’une partenaire de rencontre a été capable de vous révéler, une autre pourrait le faire tout autant et détrôner la nouvelle référence affective que vous aviez débusquée.

La seconde méthode a d’autres travers: on peut trouver plus nul que ce que l'on a. Bien que plus nul que nul c’est difficile. En fait, une telle découverte n'a rien d'inquiétant. Méfiez-vous cependant de l'effet rebond qui peut vous amener à vous persuader que vous êtes un heureux homme d'avoir moins nul que nul.

Vous n’en avez-pas mare des questions qui se déplacent sans arrêt ? Posez-vous enfin la bonne, la plus utile et la plus longue: «Êtes-vous prêt en fait pour la grande aventure amoureuse, celle qui chamboule complètement? Abandonner femme et enfants, votre décodeur canal+, un réfrigérateur bien garni, vos projets récents de vacances au charmant hôtel de Plougastel-Daoulas, ne vous tarabuste-t-il pas un chouïa? Êtes-vous sûr de ne pas regretter l'alcôve douillette, où, le soir, fourbu, vous pouviez vous endormir confiant dans les bras de votre charmante épouse parée de son aguichante chemise de nuit vert pistache, rompu par une frénétique chevauchée d’une minute douze (il fallait bien trouver un chiffre)? Plus grave encore, avez vous pensé aux 78 mensualités qu'il vous reste à verser pour le remboursement de votre superbe Lada décapotable, qui, à chaque sortie, déclenche un ras de marée d'envie chez vos collègues de bureau concupiscents? ».

Face à la femme de votre vie, il va falloir se forcer à ne plus vous endormir devant la télévision. Il faudra changer régulièrement de chaussettes et éviter de consommer du cassoulet toulousain, plat délicieux certes, mais qui vous réussit très mal en compagnie. Ne vous trouverez-vous pas en présence d'une partenaire au tempérament torride, qui va vous demander comme certaines nymphomanes décrites dans les ouvrages spécialisés de l'honorer plus de deux fois la semaine?

Mais non, stop, j'écris cela pour vous faire peur. Si telles sont vos craintes, surtout, ne changez rien. L'ennui ne vous ayant pas tué jusqu'ici, vous n'avez rien à craindre pour toutes les décennies à venir. Cependant, bien vieux, un soir peut-être, seul au coin du feu, une bouffée aiguë d'angoisse vous étreindra, spasmant une dernière fois ce qu'il vous reste de coronaires compliantes. L’amour c'était peut-être ce qu’on lit dans les romans romanesques, ce qui fait pleurer devant les films cinémascopes? C'était peut-être, c'était sans doute, ce que vous aviez entraperçu, ressenti furtivement, par ce si joli matin d'antan à la terrasse d'un café. Vous souvenez-vous de cette créature assise seule à un table qui vous avait dévisagé effrontément, puis vous avait souri avant de vous tourner le dos. Vous l’avez regardée partir, vite emportée par le vent chaud de mai ? Râté…

A Mademoiselle M.

Pierre TOSI – 1990 -

Note: ce truc trainait au fond d'un tiroir, mité par quelques fautes d'orthographe et coquilles que je viens de repriser en deuxième lecture. Quelques unes peuvent subsister et seraient alors liées à mes lacunes dans le domaine.

6 commentaires:

  1. Question :

    Et le gus que tu trouves dément après la 10ème pint, c’est à prendre au sérieux ou pas ?
    … nan, je me posais juste la question… comme ça….

    Réponse :

    Ne cherche plus. Mate un Colombo de temps en temps pour le plaisir des yeux, accroche un poster de Scooby Doo et Norville "Shaggy" Rogers dans ta chambre et emporte dans tes valises les aventures du Colonel Angelo Pardi sur les toits …et voilà, tu l’as trouvée la perle rare !

    See u soon, Papour !)

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  2. Mlle Myosotis> Pour éviter tout quiproquo qui quiproque, cette élucubration qui s'adresse aux hommes remonte à 20 ans. Elle n'est pas dédicacée à une illustratrice qui se pare d'un nom de fleur. L'auteur de ces tristes lignes jouait en fait sur la phonétique française du "M". Soyons clair.
    Pour le début du commentaire, il est bon de prendre des notes juste avant la première pinte et de s'y référer même avant la dizaine.

    Quant à ta réponse, je travaille sur ton projet à la hussarde. J'attends toujours l'épisode où Colombo se fait niquer à la fin par le meurtrier. Pour Scooby Dooo,
    c'est un truc à me donner des cauchemars. Tu cherches à me nuire!

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  3. 1-Pas de proquo qui proque, j’avais saisi la phonétique du ‘‘M’’ … et puis, attends … 1990 … je n’étais pas encore née en ce temps là …

    2– Nous n’avons pas les mêmes valeurs … Norville Shaggy Rogers, l’un des rares gus, sur cette planette, que j’aurais pu épouser !

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  4. Mlle M> Bon, uniquement à répondre à "-2-": au cas où tout de même, tu me présentera ce "Shaggy" avant de convoler en justes noces, pour que je lui demande s'il est bankable.

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  5. Ravi de voir que ce long billet provoque des réactions chez celles à qui il peut être utile. Il est même bougrement regrettable qu'il n'en provoque pas chez plus de membres de la jeune génération pour qui c'est encore un mystère qu'ils espèrent bien découvrir un jour.
    Du moins je l'espère....

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  6. De Ni> quitte à se faire mal, nous pourrions sortir de la naphtaline le vieux : « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ». Libre à chacun, en fait, d’inverser les verbes des deux propositions conditionnelles.

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