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samedi 21 mai 2011

Seul au monde


Cela fait des jours que l’on n’a donné signe de vie à quiconque, et aujourd’hui, parce que personne ne nous donne de ses nouvelles, on décrète qu’on est seul au monde. On peut mourir comme un chien, l’univers s’en souciera comme d’une guigne. Le mot guigne est à comprendre dans le sens de cerise. L’expression a ses limites, j’adore les cerises.

La pensée est partisane qui chemine ainsi et nous rend indulgent vis-à-vis de nos défaillances dans le commerce à autrui et sans merci concernant leurs silences passagers. D’aucuns, pour se prémunir de ce constat, maintiennent coute que coute en ordre de marche un réseau de communication dru. Ils cumulent les impératifs quotidiens fixés par décret qui les poussent à voir du monde. Courte liste me venant à l’esprit mais pouvant s’allonger à loisir : les coups de fil tout aussi ponctuels que rituels aux proches, le respect scrupuleux des engagements corporatifs multiples auxquels ils ses sont abonnés à vie, les invitations programmées circulaires entre couples amis, les principes de vie respectant scrupuleusement l’étiquette de la conversation de bon voisinage, ou encore, plus banal, l’inflation voulue d’une activité professionnelle en équipe. Le système de défense contre les états d’âmes suspects leur paraît ainsi blindé. L’homme étant un être profondément social, comme disait Toumichtouf, il n’est pas sans intérêt de le gaver de ces séances d’exercices imposés de renforcement. La vie contemplative, voire d’ermite troglodyte, ne saurait faire courir à "Homo sociabilis" qu’un risque de marginalisation progressive. On pourrait ajouter, celui de déchéances morale, financière, musculaire, et allons-y tant qu’on y est, sexuelle et sphinctérienne.

Cependant, y réfléchissant un peu à l’écart et prenant du coup le statut de rebelle, la discipline de fer que s’imposent les forcenés du premier cas de figure ne les rend pas mieux lotis que les seconds dans leur grotte. Du point de vue psychique, pas vraiment plus blanc-bleu. Cette boulimie sociale est la plupart du temps un tourbillon cherchant l’étourdissement et son entretien. L’activiste maniaque abhorre la plage horaire libre propice à l’immiscion de la pernicieuse angoisse. Celle-ci, guettant le moindre relâchement coupable, attend tapie dans l’ombre, prête à bondir. Je sais ça fout les j'tons. Sous contrôle de Sigmund & Co, les techniques employées et déployées par ce type d’individus se rapprochent de méthodes contre-phobiques. On peut imaginer que certains activistes jusqu’au-boutistes gardent en eux le souvenir traumatisant d’un épisode de vie. Bloqués un jour un temps trop long en zone de transit, survenue subite et inquiétante d’une bouffée de remise en question traîtresse? Un flash mental épileptogène d’interrogations existentielles perturbantes dont ils étaient jusqu’ici protégés? Leur conditionnement mental aurait des failles? Auquel cas, l’oisiveté est bel et bien la mère de tous les vices. En effet, qu’y a-t-il de pire que de réfléchir seul, même un peu, au sens de sa vie ?

In medio stat virtus, bien entendu, dans ce domaine comme dans d’autres, empressons-nous de conclure plein d’imagination. Le poncif est souvent de mise quand la clochette intimant la synthèse tintinnabule à notre oreille. Homo sociabilis ne serait-il pas avant tout un funambule qui doit apprendre sa vie durant à avancer sur une corde raide, quitte, par moment, à se retrouver la figure par terre, pas mécontent pour le coup de se retrouver seul au monde pour regrimper ni vu ni connu sur sa corde ?

Note: voili, voilou, version revue et corrigée pour les neurones grisonnants ou pas des lecteurs. Lire les commentaires.

lundi 9 mai 2011

La Chartreuse de Bosserville et ses environs




A sept kilomètres en amont de Nancy, sur la rive droite de la Meurthe, se profile une construction des XVII et XVIIIe siècles: la Chartreuse de Bosserville. Elle fut fondée par le duc Charles IV de Lorraine par acte de donation de la terre de Bosservile en 1666. La première messe y fut célébrée le 7 décembre 1669. Il fallut ensuite de nombreuses années pour achever la construction telle que nous la connaissons aujourd'hui et qui ne prit sa tournure définitive qu'au XIX, au retour des Chartreux dispersés par la révolution. En dehors de sa façade monumentale caractéristique du grand siècle et œuvre de Jean Betto, l'ensemble de la chartreuse est le modèle parfait des bâtisses de cette congrégation car son plan se déploie sur un terrain sans accident et permet la répartition des 24 cellules autour d'un cloître carré. L’une des cellules de moine chartreux, conservée en état d'origine, est accessible à la visite. La cellule du père chartreux est une maison assez vaste, close en ermitage autour d'un jardin. La chapelle qui est au cœur de la vie monastique est un bel édifice de 42 mètres de long, surmonté d'un campanile dont la flèche culmine à 46 mètres et jouxté d'un clocher qui domine le verger d'un hectare. L'ensemble de l'édifice permet de bien comprendre la vie particulière des chartreux qui se partage entre communauté et érémitisme. Les derniers chartreux sont partis en 1901 vers d'autres pays. Depuis, les bâtiments ont servi à d'autres usages et, depuis 1962, à l’ensemble scolaire Saint-Michel. Le lien qui précède indique la source du début de ce billet.

A quelque distance, une plaque commémorative apposée au mur de la petite église du village de Bosserville (commune d’Art-sur-Meurthe) signale: Tout près d’ici, dans les étangs des morts du bois Robi, reposent depuis 1813-1814 les corps de nombreux soldats Français, Belges, Rhénans, Hollandais, Italiens et Russes morts à Bosserville. Qu’ils reposent en paix.

Rentré en France après la bataille de Leipzig en Octobre 1813 qui se solde par la perte de l'Allemagne, Napoléon réussit à monter une armée de jeune conscrits (les Marie-Louise) et à mener une « Guerre de libération », car la France est envahie. De janvier à mars 1814 se déroule la Campagne de France. Napoléon réussit par des manœuvres de rocades à battre séparément les alliés à Champaubert, Montmirail, Vauchamps (10-15 février) et à Montereau (17-18 février).

J’ai eu l’occasion à la fin des années soixante (1960, précisons bien après cette introduction historique!) de passer un week-end au sein de cette chartreuse. A l’époque, la totalité du bâtiment n’avait pas encore été reconvertie en établissement d’enseignement professionnel. On y organisait encore des rassemblements thématiques sur des sujets variés souvent éloignés du domaine religieux. Bien qu’hébergés la nuit dans les anciennes cellules monastiques des Chartreux, les participants n’étaient plus amenés à respecter les vœux de cet ordre des plus austères : clôture perpétuelle, silence presque absolu, fréquents jeûnes et abstinence complète de viande, visite de la famille uniquement deux jours par an. Le port d’une robe de drap blanc, serrée avec une ceinture de cuir, et un scapulaire avec capuce du même drap, appelé "cuculle", n’était pas requis. Le cilice maintenu à la taille par une corde appelée «lombar»? Peut-être que quelques masochistes en devenir s’y étaient alors initiés à mon insu…

Consultez un petit diaporama sur Picasa Albums Web proposant quelques photos d’une courte balade bucolique que j’ai effectuée dans les environs de la Chartreuse, ce printemps. Il abandonne très rapidement le coté historique du billet pour prendre des chemins de traverses un tantinet poétiques, fleur bleue et autres couleurs: « Nobody’s perfect… »

Pour s’aventurer plus à l’intérieur du bâtiment, cliquez-ici.

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