samedi 10 avril 2010

Fish Tank: pas pour les chigneuses



Déconseillé à ceux qui raffolent des univers jeunes filles en fleur de Proust ou petites files modèles de la Comtesse de Ségur. Ce film d’Andrea Arnold est mené tambour battant, aux antipodes de la mièvrerie ou du convenu. Ce portrait d’adolescente, écorchée vive, engagée dans une tranche de survie sociale est tendu et son réalisme cru. Cet animal toujours prêt à mordre, empoigne sa vie, la prend à bras le corps. C’est au pas de charge, à grands coups de boule aux adversaires de ce bassin de pisciculture d’une banlieue de l’Essex, à grands coups de gueule et foucades diverses, avec une énergie farouche, qu'elle surnage dans ces eaux glauques, lutte dans le courant du réalisme social britannique avec ses univers condamnés d’avance et leurs petits musées des horreurs quotidiennes.

La diablesse a choisi la "bataille Hip Hop" pour ne pas couler corps et biens et se donner les moyens de préserver quelques lambeaux d’espérance. Elle perd en chemin une flottille de faux espoirs sans jamais pour autant s'être vue comptée plus que trois sur le ring à l’issue du combat.

Ce film tendu en caméra suggestive de la réalisatrice anglaise combine avec bonheur âpreté du tableau social et imaginaire poétique quittant par instants le béton pour nous mener en lisière de nature. La fille de l’aquarium, plate comme une limande, mais frétillante comme une ablette, parait incassable et c’est au pas de charge, perdant au milieu des bagarres et aux franchissements de grillages une bonne part de sa chrysalide, qu’elle finit par trouver quelques mots pour dire sa révolte et moins taper dans le tas. La danse qu’elle a choisie n’a rien d’une chorégraphie esthétique. Elle va devenir cependant plus tendre pour ses adversaires illusoires tout aussi paumés qu'elle. Aidée paradoxalement par les blessures infligées par le partenaire passager de sa mère qui l’éveille à la sensualité d’une manière désordonnée, maladroite, parfois sordide, au point de renvoyer dans le coin du ring un psychologue fleur bleue qui ne croit pas en la résilience.

A montrer d’urgence à une certaine secte de travailleurs sociaux nostalgiques des méthodes de patronage ou aux cols blancs qui pontifient sur leurs plans sociaux sans connaître miette des univers qu’ils souhaitent évangéliser.

3 commentaires:

  1. Chapeau! ça c'est un commentaire de film qu'il est bien torché. Me reste à voir le film maintenant...

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  2. Macheprot> Ah bon! du coup je me suis senti obligé de corriger ce truc après relecture. La critique est bonne concernant ce film que j'ai emprunté à la médiathèque municipale. Tu peux t'y risquer.

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  3. Au correspondant qui régulièrement me demande de traduire les paroles,le fainéant se reconnaîtra>
    traduction à l'emporte-pièces de l'épitre de "The Mammas and the Papas" dont le sens des derniers versets m'échappe parfaitement:

    "Toutes les feuilles sont brunes
    Et le ciel est gris.
    J'étais parti faire un tour
    Par une telle journée d'hiver.
    J'aurais été peinard au chaud
    Si je m'étais trouvé à Los Angeles

    Rêve de Californie
    Par une telle journée d'hiver

    Je m'étais arrêté dans une église
    qui se trouvait sur le trajet.
    Bon, je m'étais agenouillé
    Et prétendais prier.
    Tu sais le prédicateur aime le froid
    Il sait que je vais rester
    ...Si je ne lui disais pas (à elle)
    Je pourrais partir demain."

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