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vendredi 26 janvier 2007

Drôles de zygotes ô !

La fécondation est la fusion du gamète mâle avec le gamète femelle, constituant le zygote ou œuf en grec. L’amphimixie est la fusion du noyau spermatique (spermatide adulte prenant le nom de spermatozoïde) avec celui de l’ovotide (ovogonie adulte prenant le nom d’ovule). On assiste à la combinaison de deux matériels génétiques issus du patrimoine de deux individus différents sans phénomène de rejet par la mère des 50% provenant du père. Cela ne manque pas d’intriguer les chercheurs.
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Au stade de la cellule unique cela paraît logique tout comme au stade de morula (division en 16 à 32 cellules appelées aussi blastomères groupées en formation spatiale ressemblant à une petite mûre) quand l’œuf chemine encore dans les trompes de Fallope. En effet il n’y a pas encore imbrications cellulaires entre le greffon et le receveur. Après la nidation (pénétration de l’œuf dans la muqueuse utérine ou endomètre) qui se fait chez l’Homme au stade de blastula, une semaine environ après la fécondation, le phénomène devient étrange. Le blastocyste possède deux contingents cellulaires légèrement différentiés : le bouton embryonnaire à l’origine du futur embryon puis fœtus se trouve au pôle d'une bulle tissulaire, le trophectoderme, à l’origine des futures annexes embryonnaires dont la plus connue est le placenta. A l’évidence, c’est cette interface entre la greffe et l’organisme receveur maternel qui est à l’origine d’une technique de camouflage épatant qu’aimerait posséder James Bond ou les chirurgiens pour les transplantations! Malheureusement quelques solutions de continuité peuvent mettre à mal le stratagème. Des cellules fœtales passent parfois dans la circulation sanguine maternelle et déclenchent des phénomènes de rejet. Ainsi des hématies foetales Rhésus+ peuvent entraîner une isoimmunisation sanguine fœto maternelle plus connue sous le nom de maladie Rhésus, chez une mère Rhésus - . On maîtrise désormais fort bien cette affection.

J’ai utilisé plus-haut un terme légèrement savant : la différentiation. Les cellules souches sont à la mode. Celles de l’embryon ont cette particularité extraordinaire de rester indifférentiées. Elles sont en plus totipotentes ou multipotentes. Cela veut dire qu’elles ont la capacité de donner naissance à n’importe quel type de cellules du corps humain contrairement aux autres, même aux cellules souches des tissus adultes. Cela provient du fait qu’aucun secteur du message génétique ADN de leur noyau n’est masqué. Les embryologistes ont recherché depuis bien longtemps, par des scissions de plus en plus tardives d’embryons animaux jusqu’à quel stade on pouvait obtenir deux individus parfaitement normaux et identiques. Cette amputation du contingent cellulaire de moitié pouvait se réguler jusqu’à un stade plus ou moins avancé selon les espèces. On parlait de régulation embryonnaire bien avant d’avoir mis la main sur ces fameuses cellules souches.

Ce préambule était nécessaire pour ce billet qui va porter sur les vrais jumeaux ou jumeaux monozygotes. Un mécanisme très mal élucidé entraîne en tout début de gestation une coupure de l’œuf à un stade précoce donnant ainsi naissance à deux individus possédant rigoureusement le même contingent génétique. Rappelons que c’est statistiquement impossible pour deux êtres issus de grossesses « classiques » sur la population entière de la planète.

Les faux jumeaux ou dizygotes ne sont en fait que deux enfants nés de la même mère à quelques minutes d’intervalles (ce laps de temps est fortement conseillé !). Leurs codes génétiques sont aussi différents que ceux de frères et de sœurs du même père et de la même mère. La fréquence de ces grossesses varie selon les populations, dépend de facteurs environnementaux, de la génétique parentale et de l’utilisation éventuelle d’aides pharmaceutiques ou techniques à la conception. Elles sont loin d’être rares : environ une naissance pour 80.

A l’inverse, la grossesse gémellaire monozygote est indépendante de ces facteurs et a une fréquence d'apparition constante dans toutes les populations : 25% de la totalité des grossesses gémellaires soit environ une naissance de vrais jumeaux pour 350.

En fonction du stade où se produit la coupure de l’œuf, du plus précoce au plus tardif, les jumeaux monozygotes cohabitent in utero :


- dans deux poches amniotiques accolant deux chorions et deux placentas autonomes ( bi-chorial, bi-amniotique, bi-placentaires)
- font chorion et placenta communs (mono-chorial, bi-amniotiques)

- font poche amniotique et placenta communs (mono-choriale mono amniotique)

-font malheureusement anatomie commune (siamois) avec des conséquences plus ou moins redoutables allant du jumeau transfuseur et transfusé aux monstruosités diverses.

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Dans le premier cas de figure, seule l’analyse de l’ADN des nouveaux-nés ou la pratique des groupes développés (recherches de plus de 20 facteurs sanguins identiques en plus des classiques facteurs ABO et Rhésus) permettent d'affirmer que l’on est bien en présence de vrais jumeaux.

Les vrais jumeaux ne sont pas des clones parfaits. Leurs morphotypes présentent quelques différences. Celles-ci s'accentuent d'ailleurs au fil du temps. La psychologie des jumeaux est un excellent sujet d'étude pour faire la part de ce qui procède de l'inné et de l'acquis dans ce domaine. Converser des années durant avec son image dans le miroir est une épreuve difficile à concevoir pour les "monozygotes solo" que nous sommes pour la plupart.

Certaines pathologies à dépendance génétique peuvent ne toucher qu'un seul des jumeaux. Encore une preuve que des facteurs externes peuvent moduler l'expression du code génétique de l'individu. Nous n’avions pas jusqu’ici d’éléments scientifiques convaincants pouvant expliquer ces constatations inattendues. Des études récentes lèvent en partie le voile sur ce mystère.

Lisez l'article portant sur cette découverte récente en suivant ce lien

jeudi 18 janvier 2007

Who's last...


The WHO : Amnéville - 2006 - Photo personnelle ( Clic )

Le 18 juillet 2006, les Who sont de retour en Lorraine. Ils donnent un concert de préparation à leur future tournée. Pourquoi ne pas se refaire une petite ligne de morceaux qui avaient servi de fond sonore aux adolescents de "my generation" ? Cheveux aux vents - cheveu au vent en ce qui me concerne - «Who’s next» dans la C3 en boucle sur l’autoradio. La canicule a poussé le propriétaire à décapoter. Mes filles et un copain de quartier sommes en route pour Amnéville. La touffeur nous assomme et un soleil ardent nous brûle la peau. Alors, la prestation du groupe? L'inconditionnel des Who que je suis botte en touche... L’anecdote que je retiens de cette virée, c’est la remarque de mes filles jumelles : " P'pa, tu as une vague ressemblance avec Pete Townshend, le guitariste du groupe"
Le mimétisme facial entre le maître et son chien fidèle au fil des ans vaut-elle pour le fan et son idole?

Ce jour en question, une explication beaucoup plus rationnelle me traversa en fait l’esprit. Un souvenir vieux d’une bonne trentaine d’années refit surface au niveau de mon néocortex mnésique: j’avais partagé une goulée de Whisky avec le "bon Pete" au pied de la caravane qui lui servait de loge lors d'un concert donné par le groupe au parc des expositions de Nancy, le 22 février de l'an de grâce 1974. La bouteille devait contenir un produit louche. Je perdis une bonne partie de mes cheveux durant les années qui suivirent, à moins qu’on ne me les ait volés, tout bêtement, comme le propriétaire de la "dive bouteille".

Il me faut narrer l’aventure rocambolesque au cours de laquelle je commis à mon insu ce geste capillodestructeur. Alors, jeune étudiant de Fac désargenté - pléonasme et truisme à la fois - je devais calculer sec pour me payer les entrées aux nombreux concerts organisés dans mon secteur en ces années glorieuses. Un concours de circonstances avait voulu que je fisse (grammaticalement correct... j’ai un doute?) intervenir un futur ingénieur du son, ami mien, appartenant à l'équipe technique du pôle spectacle local. Jusqu'ici, le contrôle des billets avait toujours eu lieu à l’entrée du parc des expositions. J'avais rendez-vous avec notre homme devant la porte réservée au passage du matériel. Il devait l'ouvrir en douce pour que je m'introduise en douce dans l'enceinte. Il avait tenu parole, mais, mauvaise nouvelle, les contrôles avaient été renforcés en dernière minute pour limiter la fraude. Un barrage supplémentaire se tenait à l’entrée du hall. Le resquilleur était marron! C'était le genre de rebondissement classique dans les films de casse... Le grain de sable qui enraye le plan soi-disant imparable (voir Mélodie en sous-sol, par exemple). La palabre devant la grille s'éternisait. Soudain, le doigt du destin pointa son nez (je sais, c’est pas poli). Un type entre 20 et 30 ans, vague clone de Lenon période Mahavishnu, était tombé de la lune dans mon dos :"Peace and Love, dudes! Quelqu’un pourrait me conduire aux 'backstages' ?"

Des rudiments d'anglais de base spatiale me permirent de connecter. Le bougre parlait sans doute des coulisses, en english pour se la péter. Sans idée claire de leur emplacement, je bredouillai tout de même un truc du genre: "No problem, my rich tailor. Aille show you the way. Honneur, roule Eugène! "

- Te casse pas le tronc, cause français, ça m'arrange... Le type me serre la louche. Hervé Müller, j'écris un bouquin sur les Who. Je viens de la capitale de notre bon Royaume pour les interviewer."


Tout à l'élaboration ambulatoire de mon plan B de resquille, je n'avais pas fait jadis le rapprochement. Le coco était alors journaliste à Best Magazine, un des ouvrages sacrés de la musique des seventies avec Rock & Folk. Bien des années plus tard, j'eus l'occasion de voir le coco dans une émission consacrée aux Doors. Il était un des derniers à avoir rencontré Jim Morrison avant qu'on découvre son corps dans une baignoire parisienne. Mort probablement suite à une overdose de diabolos menthe. Une nuit, il avait même fait bivouaquer chez lui un Jim en phase finale d'escalade d’un pic d’alcoolémie "anapurnesque". On peut lire l’anecdote dans son bouquin: «Au delà des Doors». La vache, je ne suis même pas cité dans l’ouvrage!



*Hervé Müller et Jim Morrison en mars 1971 à Paris : Müller
Clin d'œil à Jim : un petit diapomontage musical


Pour en revenir au sujet: pas très difficile de débusquer les loges, même si le GPS n’existait pas encore. Suffisait de suivre la foule, de contourner le hall D et de repérer les camions du groupe. Je ne me souviens même plus si "l'Hervé" fut amené une seule fois à sortir sa carte de presse. Faut dire que les méthodes des services d’ordre de cette joyeuse époque feraient hurler de rire les équipes actuelles. Toujours-est-il que me voilà en sa compagnie (le type était très sympa, au fait) à la porte de la caravane du groupe. Toc, toc... et qui que voilà qui sort: le Pete Townshend et le Roger Daltrey, tous deux guillerets-bien-lestés. Grandes claques dans le dos du journaliste et voilà Townshend qui me tend sa bouteille, comme ça, en pleine conversation.


Il m’aura donc été permis durant ma misérable vie de vermisseau de toucher de mes mains indignes - que je n’ai bien entendu pas lavées pendant un bon mois après les faits - une pieuse relique réceptacle du Saint-Chrême "éthanolisé" du groupe. Vous comprenez pourquoi je peux paraître parfois hautain et dédaigneux certains soirs. J’ai capté quelques bribes de la conversation qui semblaient indiquer que le batteur, Keith Moon, se trouvait coté «dark side of this moon», vautré lamentablement dans un coin de la roulotte, pas tip top pour une prestation honorable.

« Bon!.. faut que je vous laisse, merci pour le coup ! »

Et là, remise en question du succès de mon plan B. Je suis dans les coulisses et je fais quoi maintenant? ... On va essayer de s’engager sur le coté de la scène pour voir c'qu'ya voir... Nouveau rebondissement, chers lecteurs. Que dis-je, coup de théâtre: «C’est à c't'heure là qu' t’arrives!», entends-je dans mon dos, tout aussi étonné que ma tête.


Un malabar me colle derechef autour du bras un brassard et me pousse au pied de la scène. Me voilà, goguenard en diable, arborant un brassard de membre du service d’ordre, coincé derrière des barrières métalliques en quinconce séparant scène et public. Alors là, pas besoin de chercher bien loin les causes des séquelles mentales amenant mon entourage à me regarder bizarrement. Mes neurones ont été soumis à un blitz acoustique dépassant l’outrance. Un truc à faire péter les sonomètres étalonnés pour mesurer les flux sonores des navettes spatiales au décollage. En pareilles circonstances, on comprend l'intérêt de l'échelle logarithmique. Les haut-parleurs qu’utilisaient ces sbires étaient de véritables barres d'immeubles. Si j’avais eu une cravate, elle aurait volée continûment, comme un étendard au vent, comme le capitaine Haddock devant la Castafiore. Ajoutez à cela les groupies hystériques qu’il fallait renvoyer par dessus les barrières, le batteur à remonter sur son tabouret chaque fois qu'il se vautrait. La routine d'un agent du service d'ordre en commando. Fumer une cigarette à moins de deux mètres de Moon, c’était courir le risque de se transformer en torche humaine. Le bonze diabétique caramélisé était une spécialité de l’époque, je sais, mais le spectacle n’incluait aucun passage pyrotechnique. 

J’ai entendu pendant les deux semaines qui suivirent des sons époustouflants dans mes oreilles. J'habite pas loin de Domrémy, mais bon, mon second prénom n'est pas "Jeanne" ! J’ai marché en rentrant dans une ville animée sans la bande son habituelle. C’est beau une ville la nuit sans la bande son habituelle... Mes cours d’ORL m’apprirent plus tard qu’on appelait cela des acouphènes. Mais les trucs décrits ne parlent jamais de sirènes d’alerte ou de cornes de brume tenaces au point de ne s'estomper qu'au décours d’une traversée du Pacifique à la rame.

Un spectacle des Who, c’est génial, mais au dernier rang des gradins du stade Maracaña, à l’opposée de la scène et muni de boules "Quies": là, on entend comme il faut...


N.B. : pour étoffer l'anecdote, j'ai retrouvé il y a quelques années un membre du service d'ordre du spectacle en question, le 22 février 1974. Il m'a précisé que j'avais fait partie pour un soir du judo-club nancéen. Merci Mario, et salut martial.


Au revoir, I love you all! - En France durant le Who Tour74 correspondant à la sortie de QUADROPHENIA
LYON, Parc des Sports, le 24 février 1974
Prose de la feuille de chou locale. J'aurais dû anticiper pour mes tympans ! Le billet manquant. Images Internet.

PARIS, Parc des Expositions, le 10 février 1974

mardi 16 janvier 2007

J'aurais jamais dû vendre mon Solex

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Le temps est venu de regarder la vérité en face. Paf, toc... droit dans les yeux. Le premier de nous deux qui rira aura une tapette. L’acte manqué fondateur de la névrose instituée de l'adulte toujours en devenir que je suis, c'est la vente irréfléchie de l'obscur objet de mon désir : le fier destrier de mon adolescence, mon Solex S 3800. Je précise pour les non initiés, qu’il ne s’agit nullement d’une arme de guerre du IIIe Reich, mais du motocycle visible sur la pléthore d'images illustrant ce billet. J’aurais pas dû, j’aurais jamais dû ... Mieux vaut avoir des remords que des regrets, dit-on. Malheureusement, sur ce coup misérable, j’ai récolté les deux.




Il faut remonter le fil de cette pénible histoire pour dégager à mains nues la racine du traumatisme. Janique Aimée, l'héroïne du feuilleton de l'unique chaîne en noir et blanc de l’O.R.T.F de l’époque, je dois le confesser (l'emploi de ce verbe vaut déjà pénitence), fut responsable d’émois coupables titillant ma sexualité adolescente. Par ricochet, l’obscur objet de mon désir était aussi à mon insu - retour du refoulé - la jeune infirmière de cette série bon enfant qui recherchait, tout au long des épisodes, son amoureux mystérieusement disparu le soir de ses fiançailles. Elle chevauchait, faute de mieux en attendant de le retrouver, un Solex S2200. De là a y voir en plus des indices concernant mon futur choix de profession, faut pas pousser le bouchon trop loin! Laissons les "pichiatres" à leurs travers. Pour ceux qui n’étaient pas nés à l’époque, n’avaient pas la télé (on ne peut pas s’acheter des casiers de gros rouge et en plus la télé), ou font partie des malentendants, le générique du feuilleton faisait : ta titi tititi tata, (un ton en-dessous) ta titi tititi tata etc
Suivez ce lien qui n’aura un intérêt réel que pour les deux premières catégories citées : coucoucircus


Cinq ans après ce feuilleton télévisé, mes parents fortunés, en plus d’avoir la télé, purent m'acheter, même si ce fut en se saignant aux quatre veines (ça en fait huit en tout, ce qui est amplement suffisant), un Solex d’occasion alors que j’étais en classe de seconde (on devrait dire deuxième, mais moi j’ai toujours dit seconde). Pile poil pour le Printemps 68, j’avais entre les jambes, vrombissant et pétaradant, le monstrueux mono-cylindre de 47 cm3 et 0,7 cheval fiscal qui allait combler le conquérant assoiffé de liberté que j'étais. Les plus folles escapades m’étaient désormais permises. Je sillonnais enfin la planète et ses environs à 30 km/h maxi, sauf dans les descentes, où là, en relevant le moteur, en fermant les yeux et en récitant son «Pater Noster», le franchissement du mur du son devenait une hypothèse envisageable pour un délirant de haut-vol.



Pour les fondus d’historiques rigoureux, caractéristiques techniques pointilleuses, iconographies robustes ou autres plaisirs infinitésimaux accompagnant la première gorgée de bière, http://solexin.free.fr/

http://solexmillenium.fr/



Mes premières conquêtes amoureuses, je les dus sans hésitation aucune à ma fière allure de «Rider On the Storm» avec son noir phallus. L’image de Marlon Brando dans «L’équipée sauvage» pouvait passer définitivement à la trappe dans l’inconscient collectif : obsolète, voire précambrienne. J’avais fort astucieusement muni mon bolide d’un rétroviseur propice à l’observation furtive après mes dépassements fulgurants des gastéropodes encombrant l’asphalte . Je les voyais se recroqueviller promptement dans leur coquille sous l’effet de tornade qui les assaillait, selon mon humeur mutine, de dextre ou de sinistre. L’animal "solexin" avait bien quelques foucades, bronchait à l'occasion sur l'obstacle, ou pouvait s’avérer retors aux franchissements de nids de poules sournois du parcours. Je maîtrisais à grands renforts de pics d’adrénaline, aidé en cela par deux surrénales de mammouths. C’est sans doute au décours de figures de rétablissements tout aussi spectaculaires que professionnelles (ceux-ci auraient pu alimenter la dithyrambe légendaire de Nelson Montfort s’il avait été commentateur à l’époque), que j’ai semé à vaux classeurs et accessoires scolaires en vogue, échappés des deux sacoches, utiles sinon gracieuses, accrochées à la poupe du vélomoteur. Ces options de luxe se révélaient particulièrement propices au conditionnement rigoureux d’objets variés. Au premier chef, les vinyles 33 et 45 "tures", sésames quasi obligatoires pour entrer dans les boums. Celles-ci étaient organisées dans les garages ou appentis au gré des configurations architecturales des lieux d’habitations parentaux de la dernière ère glacière (Würm pour les initiés).

Pour le transport des boissons gazeuses, tout aussi utiles comme laissez-passer à ces festivités pré et post pubertaires (bigrement acnéiques, il faut en convenir), cela s’avérait plutôt catastrophique si l’on omettait de laisser reposer le fret quelques heures. Le porte-bagage robuste et ergonomique de l’engin permettait en sus, détail non négligeable, de faire monter en croupe l’élue de la soirée pour la raccompagner à son domicile (parental dans 100% des cas), animé par un élan purement chevaleresque, cela va sans dire. Les performances de la machine chutaient alors bigrement quel que soit le gabarit de l’amazone. Avantage de la chose: la durée du trajet prenait des proportions de croisières par vent plat, et aux passages des trous et bosses de la chaussée le buste de la nymphette se plaquait dans votre dos ainsi que ses avant-bras graciles sur vos abdominaux tablettes de chocolat. Que dire du souffle haletant ou du petit cri qui accompagnait immanquablement l’embardée! Rien ne vous empêchait d’ailleurs, si les circonstances de la soirée vous avaient fourvoyé dans un plan calamiteux, d’activer fébrilement le pédalier pour accroître la vélocité du Solex et vous décharger (pas de dérapages métaphoriques douteux S.V.P) promptement d'une utopie romantique à la "bravitude" insensée.




Bon! là, on avait plutôt tendance à se mettre à l'arrière (BB et Honor Blackman - Chapeau melon et bottes de cuir - 1964)...
Série de compositions personnelles à partir de pin-up's de Gil Elvgren









L’homme à Solex - on s'en doute - véhiculait une image particulièrement virile. Les grands sexe-symboles français de l’époque utilisaient ce moyen de locomotion avantageux : Jacques Tati, Louis de Funès, Jean Lefebvre pour citer les principaux. Même "le beau Robert" s’aligna sur ces parangons de "mâlitude" en s’affichant dans les rues de New-York sur un Solar made in France dans « Les trois jours du Condor ».



Ah! le plaisir maniaque de démonter et remonter sans cesse, les mains moites et graisseuses, les pièces du pur-sang pour tenter une illusoire amélioration de ses performances! Oui, c’est vrai, il existait des kits. Un décalaminage régulier du cylindre, ou la dépose du pot d’échappement, pouvaient vous faire gagner un demi km/h et surtout un paquet de décibels en ce qui concerne la dernière amélioration. Les seules personnes que je vis réellement, au péril de leur vie ou pour l’amour de la Science, réussir l’exploit, le firent dans un acte désespéré consistant à remplacer le carburant officiel par un produit assez proche des comburants utilisés pour les V2. L’acte, par ailleurs tout bonnement suicidaire, se voyait la plupart du temps sanctionné par la mort tragique de l'animal. J’en vis quelques-uns l'abattre d’une balle dans la tête pour abréger ses derniers soubresauts. Je pense que Spielberg s’est inspiré de ces hauts-faits dans la scène où l’on voit E.T. passer devant le globe lunaire sur un VTT.

Catherine Deneuve en tenue réglementaire pour piloter son Solex amphibie

Parcourir la lande, cheveux au vent, fouetté par les embruns, le cœur battant la chamade, la fièvre au corps, le cul plaqué sur une selle monumentale à ressorts, autant de sensations picaresques incomparables! L’exploration de contrées aux climats extrêmes - où la main de l’homme n’a jamais mis le pied, et qui plus est, encore aucune de ses créations mécaniques de haute précision - comment en oublier les fragrances lourdes et suaves? Je tiens cependant à signaler, quittant momentanément ma dithyrambe, que quelques bactéries extrêmophiles ont peut-être tenté la colonisation, mais selon moi, avec un vague succès d’estime.

Je propose aux internautes un document classé top-secret. Il provient de fichiers de l'ex URSS répertoriant les grandes étapes de l’aventure humaine. Ce cliché met en avant la ténacité, l’abnégation, le dépassement de soi qui ont permis de jucher votre humble serviteur au pinacle, en compagnie des grands pionniers du millénaire. J’intitulerai le daguerréotype: "Conquête de la chaîne alpestre par un pilote d’élite au péril de sa vie et celle de son engin, en juillet 1971 de notre ère ".


Photo sans trucage. Aucun hélitreuillage condamnable n’est à la base d'un subterfuge. La validation de la performance ne figure malheureusement pas au livre des records ("Guiness is not good for me")
1971, M. Brant me salue au passage
Alors, me direz-vous, quel fut le motif de la vente ignominieuse de ce compagnon héroïque, fidèle et discret, bien que nullement inodore? Une réglementation routière abusive obligeant le port du casque pour les conducteurs et passagers de vélomoteurs en agglomération en l’an de Grâce 1975. J’aurais dû braver l’interdit, passer à la désobéissance civique, n'est-ce pas? A l'époque, bêtement, quand j’ai imaginé ma tronche ornée d'un heaume intégral, un amour propre mal placé (sur mon secteur crânien pour être précis), me fit commettre l’irrémédiable. Je suis passé à la conduite d'un quatre roues, me jetant ainsi dans cheptel dodu et vilipendé des grands profanateurs des ressources fossiles de la planète et des contributeurs honteux à l’effet de serre. J’avais troqué un véhicule hybride (essence, huile et énergie musculaire) à la consommation risible (1,4 litre de Solexine aux 100 kilomètres) contre un prédateur redoutable des temps modernes, pendant du Tyrannosaure Rex du Jurassique. Punition des dieux: à moi désormais les bouchons urbains et autoroutiers, les giboulées "verbalisantes" traîtresses, le gavage des parcmètres gloutons et les redoutables séances chez les parasites de l’automobile que sont les garagistes comme les coiffeurs sont ceux des cheveux, bien plus que le pou.


Finie l’époque bénie des écharpes et des tenders pris gaiement dans les rayons de la machine, les gerbes folles de vapeur émises par le galet presseur sur le pneu avant les jours de neige quand il s’emballe, les slaloms sur les trottoirs au milieu des encombrants, les séances récréatives proposées par les distributeurs de mélange, bandits manchots des années soixante vous délestant d’à peine plus d’un nouveau franc en échange d'un plein gagnant d’un litre quatre (1 litre cinq vous faisait courir le risque de baptiser vos Kickers avec le dit-mélange).


Il m’arrive parfois, lors des nuits d’orage zébrées d'éclairs, de me réveiller blême, le visage couvert de sueur, hurlant sur ma couche, les yeux remplis de larmes. Je revois un peu floue (conséquence des sécrétions lacrymales) l’image chérie de mon Solex, spectre phosphorescent se découpant sur les murs sombres de ma chambre. Il est là, campé fièrement sur sa béquille, crinière au vent et naseaux frémissants. Hagard sur ma paillasse, je sens bien que je ne vaux guère mieux que ces monstres qui abandonnent ignominieusement en douce leur canidé sur une aire d’autoroute.


Shame on me !

Steve McQueen a choisi le Solex pour concourir aux 24 H du Mans
























Lire aussi sur ce blog http://blogmansarde.blogspot.fr/2013/11/pictogramme-vectoriel-de-solex.html








Toutes les bonnes choses vont par trois : Solex 3800 en noir, blanc et rouge

samedi 6 janvier 2007

Coup dur pour Euclide


Allez savoir pourquoi, cette colle proposée par mon prof de Maths de 3ème, me revient ce jour à l’esprit ? Comment démonter qu’un angle droit est égal à un angle de 85° ? A l’époque, cela m’avait pris un certain temps (pour reprendre l’expression du sketch de Fernand Raynaud) pour découvrir le subterfuge. Euclide pouvait se rendormir paisiblement dans sa tombe. Voici sa démonstration, à vous de jouer :



1– On trace deux segments AB et BC de taille quelconque perpendiculaires en B.

2– On trace un segment CD égal à AB faisant un angle de 85° avec BC en C.

3– On élève les médiatrices de BC et AD qui se coupent en E. Le pied de la médiatrice de BC est nommé F.

4– On trace enfin les segments EB et EC.

Vos bons souvenirs de géométrie vous indiquent que les triangles ABE et DCE sont des triangles semblables car leurs trois cotés sont respectivement égaux par définition et propriétés des médiatrices. Les angles ABE et DCE sont donc égaux. Le triangle EBC est isocèle car EF est la médiatrice de BE. Les angles EBC et ECB sont donc égaux. L’angle droit ABC et l’angle de 85° DCB sont donc bien égaux car sommes de deux angles égaux.

90° = 85° C.Q.F.D.

Étonnant, n'est-il pas? Il paraît qu’on peut faire dire ce qu’on veut aux statistiques. Cela s’appliquerait-il aussi à la géométrie?