jeudi 18 janvier 2007

Who's last...


The WHO : Amnéville - 2006 - Photo personnelle ( Clic )

Le 18 juillet 2006, les Who sont de retour en Lorraine. Ils donnent un concert de préparation à leur future tournée. Pourquoi ne pas se refaire une petite ligne de morceaux qui avaient servi de fond sonore aux adolescents de "my generation" ? Cheveux aux vents - cheveu au vent en ce qui me concerne - «Who’s next» dans la C3 en boucle sur l’autoradio. La canicule a poussé le propriétaire à décapoter. Mes filles et un copain de quartier sommes en route pour Amnéville. La touffeur nous assomme et un soleil ardent nous brûle la peau. Alors, la prestation du groupe? L'inconditionnel des Who que je suis botte en touche... L’anecdote que je retiens de cette virée, c’est la remarque de mes filles jumelles : " P'pa, tu as une vague ressemblance avec Pete Townshend, le guitariste du groupe"
Le mimétisme facial entre le maître et son chien fidèle au fil des ans vaut-elle pour le fan et son idole?

Ce jour en question, une explication beaucoup plus rationnelle me traversa en fait l’esprit. Un souvenir vieux d’une bonne trentaine d’années refit surface au niveau de mon néocortex mnésique: j’avais partagé une goulée de Whisky avec le "bon Pete" au pied de la caravane qui lui servait de loge lors d'un concert donné par le groupe au parc des expositions de Nancy, le 22 février de l'an de grâce 1974. La bouteille devait contenir un produit louche. Je perdis une bonne partie de mes cheveux durant les années qui suivirent, à moins qu’on ne me les ait volés, tout bêtement, comme le propriétaire de la "dive bouteille".

Il me faut narrer l’aventure rocambolesque au cours de laquelle je commis à mon insu ce geste capillodestructeur. Alors, jeune étudiant de Fac désargenté - pléonasme et truisme à la fois - je devais calculer sec pour me payer les entrées aux nombreux concerts organisés dans mon secteur en ces années glorieuses. Un concours de circonstances avait voulu que je fisse (grammaticalement correct... j’ai un doute?) intervenir un futur ingénieur du son, ami mien, appartenant à l'équipe technique du pôle spectacle local. Jusqu'ici, le contrôle des billets avait toujours eu lieu à l’entrée du parc des expositions. J'avais rendez-vous avec notre homme devant la porte réservée au passage du matériel. Il devait l'ouvrir en douce pour que je m'introduise en douce dans l'enceinte. Il avait tenu parole, mais, mauvaise nouvelle, les contrôles avaient été renforcés en dernière minute pour limiter la fraude. Un barrage supplémentaire se tenait à l’entrée du hall. Le resquilleur était marron! C'était le genre de rebondissement classique dans les films de casse... Le grain de sable qui enraye le plan soi-disant imparable (voir Mélodie en sous-sol, par exemple). La palabre devant la grille s'éternisait. Soudain, le doigt du destin pointa son nez (je sais, c’est pas poli). Un type entre 20 et 30 ans, vague clone de Lenon période Mahavishnu, était tombé de la lune dans mon dos :"Peace and Love, dudes! Quelqu’un pourrait me conduire aux 'backstages' ?"

Des rudiments d'anglais de base spatiale me permirent de connecter. Le bougre parlait sans doute des coulisses, en english pour se la péter. Sans idée claire de leur emplacement, je bredouillai tout de même un truc du genre: "No problem, my rich tailor. Aille show you the way. Honneur, roule Eugène! "

- Te casse pas le tronc, cause français, ça m'arrange... Le type me serre la louche. Hervé Müller, j'écris un bouquin sur les Who. Je viens de la capitale de notre bon Royaume pour les interviewer."


Tout à l'élaboration ambulatoire de mon plan B de resquille, je n'avais pas fait jadis le rapprochement. Le coco était alors journaliste à Best Magazine, un des ouvrages sacrés de la musique des seventies avec Rock & Folk. Bien des années plus tard, j'eus l'occasion de voir le coco dans une émission consacrée aux Doors. Il était un des derniers à avoir rencontré Jim Morrison avant qu'on découvre son corps dans une baignoire parisienne. Mort probablement suite à une overdose de diabolos menthe. Une nuit, il avait même fait bivouaquer chez lui un Jim en phase finale d'escalade d’un pic d’alcoolémie "anapurnesque". On peut lire l’anecdote dans son bouquin: «Au delà des Doors». La vache, je ne suis même pas cité dans l’ouvrage!



*Hervé Müller et Jim Morrison en mars 1971 à Paris : Müller
Clin d'œil à Jim : un petit diapomontage musical


Pour en revenir au sujet: pas très difficile de débusquer les loges, même si le GPS n’existait pas encore. Suffisait de suivre la foule, de contourner le hall D et de repérer les camions du groupe. Je ne me souviens même plus si "l'Hervé" fut amené une seule fois à sortir sa carte de presse. Faut dire que les méthodes des services d’ordre de cette joyeuse époque feraient hurler de rire les équipes actuelles. Toujours-est-il que me voilà en sa compagnie (le type était très sympa, au fait) à la porte de la caravane du groupe. Toc, toc... et qui que voilà qui sort: le Pete Townshend et le Roger Daltrey, tous deux guillerets-bien-lestés. Grandes claques dans le dos du journaliste et voilà Townshend qui me tend sa bouteille, comme ça, en pleine conversation.


Il m’aura donc été permis durant ma misérable vie de vermisseau de toucher de mes mains indignes - que je n’ai bien entendu pas lavées pendant un bon mois après les faits - une pieuse relique réceptacle du Saint-Chrême "éthanolisé" du groupe. Vous comprenez pourquoi je peux paraître parfois hautain et dédaigneux certains soirs. J’ai capté quelques bribes de la conversation qui semblaient indiquer que le batteur, Keith Moon, se trouvait coté «dark side of this moon», vautré lamentablement dans un coin de la roulotte, pas tip top pour une prestation honorable.

« Bon!.. faut que je vous laisse, merci pour le coup ! »

Et là, remise en question du succès de mon plan B. Je suis dans les coulisses et je fais quoi maintenant? ... On va essayer de s’engager sur le coté de la scène pour voir c'qu'ya voir... Nouveau rebondissement, chers lecteurs. Que dis-je, coup de théâtre: «C’est à c't'heure là qu' t’arrives!», entends-je dans mon dos, tout aussi étonné que ma tête.


Un malabar me colle derechef autour du bras un brassard et me pousse au pied de la scène. Me voilà, goguenard en diable, arborant un brassard de membre du service d’ordre, coincé derrière des barrières métalliques en quinconce séparant scène et public. Alors là, pas besoin de chercher bien loin les causes des séquelles mentales amenant mon entourage à me regarder bizarrement. Mes neurones ont été soumis à un blitz acoustique dépassant l’outrance. Un truc à faire péter les sonomètres étalonnés pour mesurer les flux sonores des navettes spatiales au décollage. En pareilles circonstances, on comprend l'intérêt de l'échelle logarithmique. Les haut-parleurs qu’utilisaient ces sbires étaient de véritables barres d'immeubles. Si j’avais eu une cravate, elle aurait volée continûment, comme un étendard au vent, comme le capitaine Haddock devant la Castafiore. Ajoutez à cela les groupies hystériques qu’il fallait renvoyer par dessus les barrières, le batteur à remonter sur son tabouret chaque fois qu'il se vautrait. La routine d'un agent du service d'ordre en commando. Fumer une cigarette à moins de deux mètres de Moon, c’était courir le risque de se transformer en torche humaine. Le bonze diabétique caramélisé était une spécialité de l’époque, je sais, mais le spectacle n’incluait aucun passage pyrotechnique. 

J’ai entendu pendant les deux semaines qui suivirent des sons époustouflants dans mes oreilles. J'habite pas loin de Domrémy, mais bon, mon second prénom n'est pas "Jeanne" ! J’ai marché en rentrant dans une ville animée sans la bande son habituelle. C’est beau une ville la nuit sans la bande son habituelle... Mes cours d’ORL m’apprirent plus tard qu’on appelait cela des acouphènes. Mais les trucs décrits ne parlent jamais de sirènes d’alerte ou de cornes de brume tenaces au point de ne s'estomper qu'au décours d’une traversée du Pacifique à la rame.

Un spectacle des Who, c’est génial, mais au dernier rang des gradins du stade Maracaña, à l’opposée de la scène et muni de boules "Quies": là, on entend comme il faut...


N.B. : pour étoffer l'anecdote, j'ai retrouvé il y a quelques années un membre du service d'ordre du spectacle en question, le 22 février 1974. Il m'a précisé que j'avais fait partie pour un soir du judo-club nancéen. Merci Mario, et salut martial.


Au revoir, I love you all! - En France durant le Who Tour74 correspondant à la sortie de QUADROPHENIA
LYON, Parc des Sports, le 24 février 1974
Prose de la feuille de chou locale. J'aurais dû anticiper pour mes tympans ! Le billet manquant. Images Internet.

PARIS, Parc des Expositions, le 10 février 1974

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